Trois demi-frères de Ludovic Bertin ont témoigné devant la cour d'assises de l'Isère ce mardi pour évoquer la personnalité du jeune homme accusé du meurtre de Victorine Dartois. Leurs récits divergents ont laissé transparaître des relations familiales complexes sur fond de mutisme.
"Je n’étais pas au courant", "il n’en a pas parlé", "je ne comprends pas" : les proches de Ludovic Bertin ont dressé, à la barre de la cour d’assises de l’Isère, ce mardi 26 novembre, le portrait d'une famille mutique. Si la fratrie se dit soudée, trois demi-frères de l’accusé ont dépeint des relations de "surface", affirmant ignorer de nombreux volets de la vie du père de famille.
"Pour moi, ce n’était pas possible", s’est étonné Christian, 45 ans, le demi-frère aîné de Ludovic Bertin, revenant sur le moment lors duquel il a appris l’arrestation de ce dernier pour le meurtre de Victorine Dartois. "Je ne le connais pas du tout violent. Pour moi, c’est quelqu’un de serviable, sur qui on peut compter. Quand je l’ai appris, au début, je n’ai pas voulu y croire. J’ai vu qu’il était passé aux aveux mais je ne comprends toujours pas."
Fixant son demi-frère sans pour autant croiser son regard, Ludovic Bertin n’a laissé paraître aucune émotion au deuxième jour de son procès, devant les membres de sa famille. Christian s'est attaché à décrire un jeune homme "tout à fait normal", ayant grandi dans une cellule familiale aux moyens modestes, sans "violence particulière".
Pour autant, le quadragénaire aux cheveux mi-longs attachés en queue de cheval, n'a apporté que peu de réponses aux questions qui se posent sur l'enfance de son demi-frère, accusé du meurtre précédé d'une tentative de viol sur Victorine Dartois en septembre 2020.
Pourquoi le père de Ludovic Bertin ne l'a-t-il jamais reconnu ? "C’est pas des trucs qu’on demandait, je ne sais pas... Je n’y ai pas prêté plus d’importance que ça", concède Christian. Comment l'accusé a-t-il développé une addiction à la cocaïne ? "J’étais pas au courant. Je n’ai jamais vu mon frère consommer aucune drogue. Il ne m’en a jamais parlé", répond le témoin.
Portrait en pointillés
"Maintenant que je suis face aux questions, c’est vrai, je me dis que je ne sais rien", a-t-il finalement reconnu, questionné par la présidente de la cour d'assises, avant de conclure : "On passe des moments ensemble mais on ne rentre pas dans des sujets profonds. On communique en surface. C’est rare qu’on pose des questions qui dérangent."
La mère de l'accusé, qui a élevé seule ses sept enfants après le décès du père de Ludovic Bertin, ne s'est pas présentée à la barre pour des raisons médicales. Tout comme l'une des demi-sœurs du jeune homme dont il s'est dit proche. Sur les huit témoins appelés à comparaître ce mardi, la moitié ne s'est pas présentée.
"Si je suis là, c’est parce qu’on me l’a demandé, sinon je ne serais pas là", assure Stéphane, 43 ans, autre demi-frère de l'accusé. "Je le vois plus souvent maintenant que quand il n’était pas enfermé, parce que c’est grave et qu’on ne peut pas le laisser tout seul", évoque-t-il également, l'air fermé devant la cour, sans apporter de précisions sur le parcours de l'accusé.
Il avait changé, il avait mûri, il venait d’avoir un enfant, de se marier.
SamuelDemi-frère de Ludovic Bertin
"C’est pas la première fois que je dois parler devant un tribunal, c’est presque pareil. Pas vraiment, mais je connais. Pour (mes frères), c’est une première", a défendu Ludovic Bertin, dont le casier judiciaire affiche dix condamnations pour des vols, recels, délits routiers ou un port d'arme prohibé.
Vêtu d'un ensemble de survêtements gris, l'air hagard, Samuel est lui aussi venu parler de son demi-frère avec lequel il a connu une relation conflictuelle. "On s’est beaucoup fâchés lui et moi mais les derniers temps (avant son interpellation), il avait changé, il avait mûri, il venait d’avoir un enfant, de se marier. Sa vie était super contrairement à la mienne", a-t-il raconté avec émotion.
"Je ne sais pas qui est Ludovic Bertin"
Contrairement à ses demi-frères, Samuel a décrit des épisodes de violence au sein de la famille. Il a quitté le domicile de sa mère après une violente dispute avec Ludovic Bertin, se retrouvant sans domicile pendant deux ans. "Pour ça, je lui en voulais tellement. Je lui en voulais tellement. Mais c’est du passé. Je lui en voulais avant mais il a changé", assure-t-il, présentant l'accusé comme le "chouchou" de la famille.
La deuxième journée d'audience a également laissé transparaître les relations de couple empreintes de violences entre Ludovic Bertin et son ex-femme, avec laquelle il a eu un enfant. "Pour moi, c’est un détraqué", affirme Dounia, l'ex-belle-sœur de l'accusé. La témoin est revenue sur les violences conjugales dont sa sœur a été victime. Elle avait finalement coupé tout contact avec sa sœur lorsque cette dernière est retournée vivre avec Ludovic Bertin, qu'elle a rencontré à l'âge de 14 ans.
Je vous le demande à tous, s’il vous plaît, faites en sorte qu’il ne puisse plus jamais faire de mal à aucune femme.
DouniaEx-belle-sœur de Ludovic Bertin
"J’ai connu un petit jeune de 16 ans adorable comme tout, qui finalement a levé la main (sur ma sœur) à 18 ans, et un homme de 25 ans qui ôte la vie à une jeune fille. Je ne sais pas qui est Ludovic Bertin", a-t-elle reconnu devant la cour, après avoir hésité à s'y présenter, craignant notamment l'"esprit de vengeance" de l'accusé.
"Je vous le demande à tous s’il vous plaît, a conclu Dounia en s'adressant aux jurés, faites en sorte qu’il ne puisse plus jamais faire de mal à aucune femme." L'audience se poursuivra mercredi avec l'interrogatoire de personnalité de Ludovic Bertin et l'audition de la directrice d'enquête. Jugé pour le meurtre aggravé de Victorine Dartois et le viol d'une autre jeune femme, l'accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.