Le maire de Grenoble s'oppose à Yannick Jadot sur la stratégie que devront adopter les écologistes pour la présidentielle de 2022. Définition d'un projet avant la désignation d'un candidat, et ancrage à gauche : la ligne Piolle semble avoir l'avantage chez EELV.
Du rififi chez les Verts. Dans la perspective de la présidentielle qu'ils convoitent tous les deux, les écologistes Eric Piolle et Eric Jadot se regardent en chiens de faïence. En attendant une désignation l'été prochain, chacun peaufine sa stratégie pour persuader les militants d'Europe Ecologie-Les Verts qu'il est le meilleur d'entre eux.
Yannick Jadot, réélu député européen en 2019 après avoir créé la surprise grâce aux 13,5% de sa liste écolo, s'est clairement positionné pour la course à la présidentielle. "Je me prépare" pour 2022, a-t-il déclaré.
Son camarade Eric Piolle, fort de son succès aux municipales - il a été réélu à Grenoble après avoir été le seul maire Vert à gagner une grande ville en 2014 - est plus évasif. Davantage ancré à gauche, il se prononcera sur une éventuelle candidature "au printemps prochain".
Alors qu'une page Facebook, intitulée Et pourquoi pas Piolle, a été lancée, le maire de Grenoble assure travailler à un collectif, qui ne débouchera "pas forcément" sur sa propre candidature.
Avantage : Piolle
Il a parfois été offensif contre Yannick Jadot : "Il veut être candidat comme il l'a été en 2017 [où il s'était finalement désisté au profit du candidat socialiste Benoît Hamon, ndlr] et moi je veux que notre espace politique gagne : c'est deux stratégies un peu différentes", avait déclaré l'édile en juin.Les partisans de l'un ou de l'autre ne se privent pas de dire le mal qu'ils pensent du concurrent potentiel de leur poulain. "Jadot a pris la grosse tête après les européennes", entend-on ici. "Piolle n'a pas la carrure", persifle-t-on là.Le 19 septembre, le conseil fédéral d'EELV a pris la décision, à une large majorité, de maintenir la désignation d'un candidat après les régionales de 2021, "entre avril et septembre", alors que Yannick Jadot voulait l'avancer "avant le 1er janvier".
Le "parlement" des Verts semble ainsi avoir pris position pour Eric Piolle. Pour lui, il faut privilégier le projet avant d'en trouver "l'incarnation". Une stratégie que semble approuver Julien Bayou, numéro un d'EELV : "Il ne faut pas céder à la logique du présidentialisme" et "travailler sur le projet avec les autres partis écologistes".
Empêcher un duel Macron-Le Pen
"C'est une occasion ratée", a affirmé, déçu, Yannick Jadot à l'AFP. Mais "ce n'est pas la fin de l'histoire". "Je vais continuer mon tour de France de l'espérance", "ceux qui procrastinent prennent le risque de laisser Emmanuel Macron cinq ans de plus au pouvoir", "mais au moins, j'ai obtenu un débat sur la présidentielle à EELV", tente-t-il de se consoler.Piolle et Jadot sont au moins d'accord sur un point : l'écologie doit se hisser au pouvoir car la lutte contre le réchauffement climatique est prioritaire. Il faut donc empêcher un nouveau duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, et bien sûr éviter de se faire supplanter par la droite.
Au-delà d'éventuelles questions d'ego, les deux hommes divergent surtout sur leur stratégie. Jadot est clairement positionné sur une ligne d'ouverture de l'écologie en dehors des cercles de la gauche, quand Piolle milite au contraire pour "le rassemblement à gauche" et un "arc humaniste" allant de La France Insoumise au Parti socialiste. Une alliance PS-EELV renforcée depuis les succès communs remportés lors des municipales.
"Piolle pourrait se faire adouber par Mélenchon"
En 2017, alors que Yannick Jadot s'était retiré de la course à la présidentielle pour se rallier à Benoît Hamon, Eric Piolle avait voté sans états d'âme pour Jean-Luc Mélenchon, lequel pourrait bientôt déclarer une nouvelle candidature à la présidentielle.Le maire de Grenoble s'est aussi affiché aux côtés du chef des Insoumis à leur université d'été, tout en restant proche de la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, que Yannick Jadot voulait voir battue en juin dernier.
Selon Erwan Lecoeur, sociologue proche d'EELV, "si Jadot, considéré trop à droite par les Insoumis, y va, Mélenchon y va aussi et la gauche perd", tandis que "Piolle a un atout, il pourrait se faire adouber par Mélenchon. Finalement, la clef, c'est Mélenchon".
A moins qu'une tierce candidature n'émerge chez les écologistes, qui se sont donnés du temps.