Depuis le début de cette deuxième semaine de procès, les invités du mariage défilent à la barre pour raconter le déroulé de la soirée. Tous décrivent "une très belle cérémonie", une "ambiance festive" jusqu’au "raz-de-marée" qui a tout bouleversé : la disparition de Maëlys. Retour sur cette journée décisive, où Nordahl Lelandais aurait commis son crime.
C’est une journée comme les autres, à Pont-de-Beauvoisin. Un 26 août 2017 chaud et ensoleillé, idéal pour un mariage estival.
Eddy et Anne-Laure préparent cette journée depuis plus d’un an et demi. Et enfin, tout est prêt : la robe, le costume, les alliances, la décoration. Ne reste qu’à passer devant le maire et le prêtre.
A l’église, tous les proches sont là pour assister à l’échange des vœux. Même Joachim, Jennifer, Colleen et Maëlys de Araujo sont venus du Jura pour l’occasion. "On était très heureux d’assister à ce mariage et de retrouver toute la famille" raconte la maman, également cousine du marié.
La cérémonie se déroule comme prévu. Les mariés sont ravis, les invités aussi. Pendant le vin d’honneur, servi sur le parvis de la salle des fêtes, l’ambiance est festive.
Des bottes de paille font office de décoration champêtre, les enfants courent en riant pendant que les adultes sirotent leur verre.
J’ai fait rentrer le loup dans la bergerie
Eddy, le marié
Le "loup", c’est lui, Nordahl Lelandais.
Il n’était pas convié à la noce mais, quelques jours avant le mariage, il a appelé le marié pour le féliciter. "De la conversation, il m’a proposé de passer au vin d’honneur" explique l’accusé à la présidente de la cour d’Assises, tout en reconnaissant s’être senti "un petit peu" contrarié de ne pas avoir été convié dans un premier temps.
"J’éprouve de la colère parce que j’ai fait rentrer le loup dans la bergerie" se désole le marié, encore rongé par la culpabilité.
En fin d’après-midi ce 26 août, Nordahl rejoint donc ses amis au vin d’honneur. Contrairement aux autres invités sur leur 31, il porte un simple bermuda et un tee-shirt bleu. Cette tenue très décontractée fait tiquer les amis de l’accusé. D’habitude, ce "séducteur" fait plus attention à son apparence… Qu’importe, le trentenaire profite du vin d’honneur avec ses amis. Il obtient même l’autorisation de revenir pour la fin soirée, après le repas.
Alcool et cocaïne
A la fin du cocktail, deux témoins du marié, Nelson et Ludovic, lui demandent s’il peut leur fournir de la cocaïne. "C’était de notoriété publique que Nordahl avait accès à ce genre de produits" justifie l’un des témoins auprès de la cour.
Nordahl Lelandais, consommateur régulier de coke, accepte et propose de revenir après le repas avec ladite substance.
Vers minuit, après avoir passé la première partie de soirée à l’anniversaire d’une connaissance, il revient à la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin.
Comme convenu, il retrouve Nelson et Ludovic pour partager la cocaïne. Tous les trois ont déjà bu de l'alcool. Selon Nelson, Nordahl prépare "les rails de coke sur un téléphone portable" puis chacun "sniffe son rail" à tour de rôle dans les toilettes. Le trio se retrouve une heure plus tard au même endroit pour consommer à nouveau de la poudre.
"Arrête Tonton"
Alors que la fête bat son plein, plusieurs invités remarquent l’accusé en train de discuter avec Maëlys de Araujo, 8 ans. Anthony, assure avoir entendu la fillette dire "arrête Tonton" à l’ancien militaire.
Michaël, lui, aurait entendu Nordahl Lelandais s'adresser à la fillette pour lui demander de passer par l’entrée du DJ tandis que lui sortait par l’entrée principale.
La mère de Maëlys a elle-même accompagné sa fille à la table de l’accusé au cours de la soirée. "Maëlys vient me demander si elle peut voir les chiens sur le téléphone de son « copain ». Je l’accompagne, je regarde les photos, mais je ne parle pas trop avec lui » relate-t-elle à la barre le 7 février 2022.
Vers 2h30 du matin, la grand-mère demande à la fillette si elle souhaite rentrer pour aller se coucher. Maëlys refuse car elle veut encore s’amuser.
Elle disparait un quart d’heure plus tard.
Au même moment, l’accusé quitte les lieux, prétextant devoir racheter de la cocaïne pour ses amis.
Tout a basculé, le monde s’est écroulé sous nos pieds
Jennifer Cleyet-Marrel, la mère de Maëlys
Vers 3h du matin, la mère de Maëlys se rend compte de son absence. Elle commence à la chercher, avec l’aide d’autres invités.
Dans la salle des enfants ? Rien. Endormie sous une table ? Non plus. Sur le parking ? Dans les voitures ? Là encore, aucune trace de l’enfant. Et les appels du DJ n’y changeront rien : Maëlys ne donne plus signe de vie.
"C’était une magnifique soirée de mariage jusqu’au raz-de-marée qui a renversé ma famille" témoigne David, le cousin de Jennifer Cleyet-Marrel. "Tout a basculé, le monde s’est écroulé sous nos pieds" abonde cette dernière. "Quand on nous dit que Maëlys a disparu, on n’y croit pas" ajoute le marié.
Passé la stupeur, il faut se rendre à l’évidence : la fillette a bel et bien disparu. Ses parents décident d’appeler les gendarmes, vers 4h du matin.
Pendant ce temps, Nordahl Lelandais revient à la salle des fêtes. Mais des invités remarquent qu’il ne participe pas vraiment aux recherches. Plus suspect encore, il quitterait une nouvelle fois les lieux. "Je l’ai entendu vomir puis je l’ai vu partir en voiture juste avant l’arrivée des gendarmes" déclare Ludovic, qui précise avoir croisé l’accusé aux toilettes après la disparition de la fillette.
Le lendemain, la mairie de Pont-de-Beauvoisin est réquisitionnée par les gendarmes. Tous les invités y sont entendus les uns après les autres. Les premiers témoignages mettent rapidement les enquêteurs sur la piste de "l’homme aux chiens".
Maëlys n’a toujours pas été retrouvée.
Ainsi débute "’l'affaire Lelandais".