Salaires mirobolants, go fast en taxi, évadé en cavale et mises "astronomiques" au casino : un tentaculaire trafic de drogue jugé à Grenoble

Treize prévenus, simples guetteurs et chefs présumés du réseau, sont jugés à partir de ce lundi devant le tribunal correctionnel de Grenoble dans l'affaire du démantèlement du point de deal du quartier de l'Alma. Le trafic de stupéfiants y générait jusqu'à 20 000 euros par jour.

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Deux fratries cousines sur le banc des prévenus dans une affaire de stupéfiants. L'audience qui s'ouvre lundi 9 octobre devant le tribunal correctionnel de Grenoble s'annonce rare par son ampleur. Pas moins de treize prévenus - dont deux en cavale - sont appelés à comparaître pendant deux semaines, mis en cause à divers degrés pour leur implication dans le réseau de trafic de drogue du quartier de l'Alma, à Grenoble. Un réseau "très structuré et de grande ampleur" démantelé en début d'année 2021 à l'issue d'une enquête au long cours.

Plusieurs mois d'opérations de surveillance, d'écoutes téléphoniques, de géolocalisation des véhicules suspects ont été nécessaires pour tracer l'activité des trafiquants et déterminer le rôle de chacun. Quatre protagonistes ressortent des investigations, les frères Ahmed et Nessim H. ainsi que leurs cousins Mohammed-Yassine et Sassi A.

20 000 € par jour

"Son plus gros préjudice, commente Me Florent Girault, l'avocat de Nessim H., c'est d'être le frère de Ahmed." Surnommé "le patron", cet homme de 36 ans, déjà condamné en 2018 dans une affaire de stupéfiants, accumule les plus lourdes charges à son encontre. "Nessim conteste les interprétations qui sont faites des interceptions téléphoniques et nie l'ensemble des faits", à l'image des autres têtes de réseau présumées, ajoute son conseil.

Ces derniers sont soupçonnés d'avoir été aux manettes de l'organisation, commanditant l'approvisionnement en stupéfiants et supervisant la comptabilité du trafic avec un autre homme auquel ils semblaient s'être associés. Richard M., en cavale après son évasion de la maison d'arrêt d'Aiton (Savoie), condamné à dix-neuf reprises notamment pour des faits de vol ou de violences, aurait lui aussi participé à "d'importantes transactions".

Les têtes de réseau se seraient partagées un bénéfice net de 277 000 euros par mois en moyenne, déduction faite des salaires et d'éventuelles saisies. Il ressort de l'enquête que le trafic de l'Alma générait un chiffre d'affaires moyen de 20 000 euros par jour, soit 7,3 millions d'euros par an. Les trafiquants opéraient chaque jour, de 10 heures à minuit, à quelques centaines de mètres de l'hôtel de police, entre la place Edmond-Arnaud et la rue Très-Cloîtres. Ce qui en fait un "point de deal sensible et important de Grenoble", selon le procureur de la République, Eric Vaillant.

Trafic international

Le réseau se serait approvisionné dans le sud de l'Espagne ainsi qu'au Pays-Bas ou en région parisienne et semblait irriguer les agglomérations lyonnaise, grenobloise, Albertville et Annemasse. Les enquêteurs ont dénombré seize voyages entre ces différentes destinations d'août à décembre 2020.

Les trafiquants s'appuyaient sur un chauffeur de taxi qui aurait assuré le transport de stupéfiants, souvent précédé d'une voiture "ouvreuse" qui lui signalait d'éventuels contrôles de police sur le trajet. Le chauffeur a reconnu les faits, affirmant s'être fait rémunérer entre "3 000 et 4 000 euros" chaque voyage. Il déclare en avoir effectué une quinzaine. Ayant fait l'objet d'une comparution préalable, il ne sera pas présent sur le banc des prévenus. Son avocat s'est refusé à tout commentaire.

Outre les têtes de réseau, les superviseurs du point de deal, un vendeur ou encore un guetteur vont être jugés. Des exécutants qui opéraient dans trois équipes distinctes. La première s'occupait des "go fast" et du ravitaillement, une autre se chargeait de la vente tandis que deux hommes mettaient leur appartement à disposition des trafiquants et conditionnaient les stupéfiants.

L'ensemble des acteurs du trafic ont été interpellés entre le 22 janvier et le 19 mai 2021, dix-huit d'entre eux étant mis en examen pour des infractions liées aux stupéfiants - certains ont fait l'objet d'une procédure distincte. La plupart des mis en cause ont nié les faits tout au long de l'instruction malgré les éléments recueillis par les enquêteurs, révélant notamment le train de vie luxueux des chefs de l'organisation, "sans commune mesure avec leurs revenus déclarés."

Un train de vie qui interroge

Les quatre principaux mis en cause semblent en effet partager un goût pour les jeux d'argent. En témoigne une escapade à Monaco, courant septembre 2020, au cours de laquelle deux d'entre eux ont misé "des sommes astronomiques" au casino, Mohamed-Yassine A. perdant 11 550 euros au cours de cette soirée. Après son interpellation, 232 000 euros en espèces, dissimulés un peu partout dans un appartement qu'il occupait régulièrement, ont été découverts au cours d'une perquisition.

"Les sommes conséquentes qui ont été saisies étaient le produit de gains aux jeux", fait valoir son avocat, Me Denis Dreyfus, reconnaissant que l'audience qui va s'ouvrir comporte d'importants enjeux pour son client. Car celui-ci fait déjà l'objet de vingt condamnations, notamment pour des faits de vols aggravés, d'extorsion ou encore d'escroquerie.

Il comparaîtra par ailleurs, tout comme sept autres prévenus, pour blanchiment de trafic de stupéfiants. Les frères H. auraient mis au point un système leur permettant d'afficher des revenus officiels : en échange de la rémunération en espèces du gérant d'une société de sécurité, celui-ci leur fournissait un contrat de travail, des fiches de paie et des salaires qui ne correspondaient toutefois "à aucun travail effectif", selon les investigations. Une procédure distincte est en cours à l'encontre du chef d'entreprise.

Les treize prévenus, âgés de 20 à 43 ans, comparaîtront lundi à partir de 9 heures devant le tribunal correctionnel de Grenoble. Deux d'entre eux, en fuite, font l'objet d'un mandat d'arrêt.

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