Karine est sans-abri. Elle vit en France depuis 13 ans. Accompagnée par l’association Droit au logement de Grenoble (DAL 38) elle attend, comme 80 autres familles, une solution de logement de la part de la préfecture.
"Je ne vis pas comme les autres humains". Karine est sans-papiers. En décembre 2009, elle quitte seule son pays d’origine, le Cameroun, pour fuir des violences. Elle parvient alors à rejoindre l’Europe. Après quelques jours au Danemark, elle débarque à Bordeaux, en Nouvelle-Aquitaine.
En 2015, alors qu’elle loge chez un homme, elle subit à nouveau des violences. "Il m’a tabassée, il m’a cassé le dos et les cotes", raconte-t-elle, les larmes aux yeux. "Je suis encore traumatisée par ça et je suis malade depuis". Elle restera 10 années à Bordeaux, avant de se rendre à Grenoble.
La Salle Rouge de Grenoble comme lieu de repos
Dans la capitale des Alpes, sa situation ne s’améliore pas. Ses nuits, Karine les passe dans la rue, à Chavant, à proximité du parc Paul Mistral. Lorsque le jour se lève, elle se rend à la Salle Rouge, lieu mis à disposition par la Ville depuis le 14 juillet, de 6 heures à 22 heures, pour 80 familles - pour la plupart des migrants, demandeurs d’asile ou déboutés de la demande - accompagnées par l’association Droit au logement (DAL 38).
Un lieu de repos, mais aussi de sociabilisation pour ces personnes isolées et mal logées. "Ici, c’est juste pour se reposer, pour cuisiner. La nuit, chacun se démerde, raconte Karine, ce n’est pas une bonne condition, on n’a pas de logement, ni d’endroit où dormir".
"Tout le monde ici est fatigué. Nous souffrons trop, nous sommes aussi des êtres humains, nous ne sommes pas des animaux", martèle Karine.
L'obligation de quitter les lieux avant la rentrée
Une situation d’autant plus difficile que, mercredi 31 août, le DAL 38 et ces familles devront rendre les clés de la Salle rouge, la mairie devant récupérer le lieu pour la rentrée. "Je ressens de la tristesse, de l’amertume, ça m’angoisse", témoigne Karine. "Une femme dans la rue, c’est synonyme de violences. On se fait violer et abuser, poursuit-elle, même malade comme je le suis, on a abusé de moi. Je saigne sans arrêt depuis mars. Je me demande ce que j’ai bien pu faire".
Étant sans-papiers en France depuis 13 ans, Karine peut difficilement se soigner, trouver un travail ou un logement. "Tant que je n’ai pas de logement, je me sens persécutée. Mais comme tout le monde ici. Les hommes sont aussi battus, les enfants doivent aller à l’école, ils méritent un logement", conclut-elle.
L’association interpelle la préfecture
Depuis plus de deux mois, l’association Droit au logement interpelle la préfecture de l’Isère sur la situation de ces 80 familles. Mais la situation n’a pas évolué pendant l’été.
"On attend de la préfecture un accord collectif de relogement pour les familles mobilisées afin que tout le monde voie ses droits respectés, quelle que soit sa situation", explique Raphaël Beth, militant pour le DAL 38.
Demande refusée par les services de l’Etat, préférant qu’une réponse individuelle soit apportée à chaque demandeur. "Les situations sont différentes d’un ménage à un autre, en fonction du parcours et s’ils relèvent plutôt de l’hébergement ou du logement. Il nous faut analyser leur dossier individuel, de façon à ce que la solution soit vraiment adaptée à leur situation", répond Corinne Gautherin, directrice départementale de l'emploi, du travail et des solidarités.
Quant à la ville de Grenoble, elle se dit prête à réquisitionner des logements vides dès l’automne. En attendant, militants et demandeurs comptent bien continuer à se faire entendre.