La ZAD de Roybon, installée depuis 6 ans dans la forêt de Chambaran (Isère), est évacuée ce mardi 13 octobre 2020. Depuis 2014, des opposants à la contruction d'un village-vacances Center Parcs étaient installés sur place. Retour sur ces six années d'occupation.
Des dizaines de voitures de la gendarmerie sont arrivées vers 7h30, ce mardi 13 octobre, à proximité de la ZAD de Roybon (Isère). Près de 200 militaires sont présents. Tous les campements installés sur place depuis 6 ans sont évacués. Les zadistes étaient sur place pour protester contre le projet de construction d'un village-vacances de Center Parcs, abandonné en juillet dernier.
"D'importants moyens de gendarmerie sont déployés depuis 7h30 ce mardi 13 octobre pour évacuer la ZAD de Roybon occupée par des opposant-e-s au projet de village vacances de Center Parcs"
— même pas peur ... (@mmpapeurmmpamal) October 13, 2020
"L’accès à ce secteur est interdit à toute personne tierce (!) à l’opération d’évacuation" https://t.co/D6mn1mwfkv pic.twitter.com/BRXpMc54Si
Cette évacuation met fin à la vie de toute une ZAD et à six années de contestation :
Octobre 2014 : le début des travaux
Le projet du Center Parcs de la forêt de Chambaran aurait pu ne jamais voir le jour. À la suite d'une enquête publique, la commission d'enquête émet un avis défavorable. La destruction d'une importante superficie des zones humides, la perte de continuité hydraulique et écologique des zones non-défrichées sont pointées du doigt. Mais le préfet de l'époque, Richard Samuel s’appuie sur un avis favorable du CODERST (conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, ndlr). Les premiers coups de pelle sont lancés en octobre 2014.
En un peu plus de deux mois, 40 hectares de forêt sont défrichés, malgré plusieurs interruptions de travaux dues aux opposants. La contestation n'est pas unanime. Sur place, certains voient en ce projet un levier économique. Center Pars veut réunir un millier de cottages, des commerces et des restaurants autour de l'"Aquamundo" : une bulle transparente maintenue à 29 degrés, avec piscine, jacuzzi... Le tout peut créer près de 697 emplois.
Début décembre 2014, une première marche pour soutenir le village-vacances à Roybon rassemble entre 1 200 personnes, selon la police, et 2 000, selon les organisateurs.
Novembre 2014 : la ZAD s'installe
Un mois après le début des travaux dans la forêt de Chambaran, la tension monte. De nombreuses manifestations sont organisées sur place, des marches réunissent des centaines de personnes, quelques dégradations ont lieu sur les chantiers. Mais, surtout, des premiers opposants s'installent sur place, le 30 novembre 2014.Des membres du collectif "ZAD" (Zone à défendre) posent leur matelas dans une vieille maison forestière. La situation "est en train de passer au stade d'un nouveau Sivens", estimait Francis Meneu, président de la section iséroise de la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature). Les premières pierres de la ZAD de Roybon sont posées.
Dès 2014, de nombreux recours
Le projet à 390 millions d'euros est attaqué de toute part. A commencer par la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, qui dépose un premier recours en 2014. Le tribunal administratif de Grenoble suspend les travaux le 23 décembre. Des doutes subsistent quant à "la suffisance des mesures prévues par l'arrêté pour compenser la destruction de zones humides qu'entraînera la réalisation du projet".La suspension des travaux sera annulée en juin 2015. En tout, 8 recours ont été déposés et ont perturbé l'avancée du chantier. En tout, 92 hectares de forêt auront été détruits entre 2014 et 2020.
Entre 2015 et 2019 : de multiples incendies
La ZAD de Roybon est victime à plusieurs reprises d'incendies. D'abord en février 2015 : la "cabane d'accueil" est attaquée par des jets de cocktail molotov, selon les opposants au projet.La même année, une grange attenante à la maison forestière prend flamme. Une enquête est menée sur place pour déterminer s'il s'agit d'actes criminels ou accidentels. Les investigations ne donneront rien. En 2017 : autre mystère autour de l'incendie de la cabane "Palette Palace". Les zadistes disent avoir été victimes d’un "sabotage".
C'est toutefois dans la ZAD que des perquisitions ont lieu en 2019. Les policiers étaient intervenus dans le cadre "d'enquêtes sur des incendies et dégradations commis en bandes organisées dans l'agglomération grenobloise en 2017, 2018 et 2019". Des perquisitions liées aux incendies revendiqués par la mouvance anarcho-libertaire, entre 2017 et 2019.
Le 9 juillet 2020 : le projet est abandonné
En juillet dernier, malgré le soutien des collectivités locales, le groupe Pierre et Vacances avait annoncé le retrait de son projet touristique à Roybon. Enlisé dans de multiples recours depuis 10 ans, empêché par les zadistes d'accéder au site, le groupe annonce l'abandon du projet : "On était dans une impasse, c'était devenu inextricable", avait regretté Gérard Brémond, président et fondateur de Pierre et Vacances.On pense qu'il vaut mieux réserver nos moyens intellectuels et financiers pour d'autres développements, on peut très bien réussir quand le contexte n'est pas aussi hostile
Le 13 octobre 2020 : la ZAD est évacuée
Le projet est abandonné mais les zadistes restent sur place. Le 5 octobre dernier, le juge a ordonné de faire cesser sans délai le "trouble manifestement illicite (...) et le danger" auquel ses occupants sont exposés.Depuis ce mardi 13 octobre au matin, les gendarmes évacuent la ZAD de Roybon. En application de décisions de justice, les forces de l'ordre en appui des huissiers et accompagnées des services de secours procèdent à l'évacuation des terrains occupés et à leur remise dans leur état originel, précise la préfecture de l'Isère dans un communiqué.
Par ailleurs, relève la préfecture, cette occupation depuis plusieurs années a généré "l'apport de détritus, de carcasses de véhicules, ainsi que l'édification de campements". Tous ces déchets seront évacués vers des filières de retraitement. L'accès au secteur est par ailleurs interdit à toute personne étrangère à l'opération d'évacuation, ajoute la préfecture.
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