Témoignage. "Nos logements sont indignes, nos salaires dérisoires" : les bergers dépités par l'arrêt des négociations sur leurs conditions de travail

Publié le Écrit par Cécile Mathy et Nathalie Rapuc

Dans les Alpes, les bergers dénoncent l'arrêt des négociations sur leurs conditions de travail. Depuis deux ans, ils luttent pour une meilleure rémunération mais aussi des habitats plus dignes. Alors que des pourparlers devaient se tenir, les représentants des éleveurs ont annulé les discussions.

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"Pas de gaz pour cuisiner, pas d'chauffage sans incendier, pas de place pour se relever, un matelas pour tout plancher" : il y a un peu moins d'un an, Pastor X & the Black PatouX dénonçait dans un clip de rap montagnard, les conditions dans lesquelles certains bergers travaillent en estive, notamment en Savoie, dans le parc national de la Vanoise.

Ils vivent dans des cabanes de 4 mètres carrés, sans toilettes, ni gaz, ni eau potable. Des abris d'urgence dans l'attente de construction de chalets d'alpage. Mais ces solutions, censées être temporaires, sont devenues insoutenables pour les premiers intéressés (voir notre reportage ci-dessous).

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Reportage du 22 juin 2023 sur l'évolution du métier de berger et sur les revendications de ces salariés des alpages ©France 3 Alpes

90 heures de travail au lieu des 44 réglementaires

"On estime qu'on a des conditions de logement qui sont indignes en alpage mais aussi ailleurs", déclare Tomas Bustarret, membre du syndicat de gardiens de troupeaux de l'Isère. 

Promiscuité et insalubrité viennent s'ajouter à des conditions de travail que les bergers jugent intolérables.

"Les salaires varient entre 1500 et 2500 euros, la moyenne est autour de 1900-2000 euros pour 44 heures de travail légales. Mais, dans les faits, on fait 70 à 90 heures de travail. Donc, rapporté au nombre d'heures travaillées, ces salaires sont dérisoires", poursuit-il.

Des frais professionnels s'élevant à 1000 euros

D'autant que les bergers fournissent leurs propres "équipements" en alpage : les vêtements pour résister aux conditions météo mais aussi les chiens de conduite des troupeaux (Border collie).

"L'utilisation des chiens n'est pas reconnue au niveau de nos frais", déplore Tomas Bustarret. "C'est nous qui payons la nourriture, les frais de vétérinaire des chiens et aussi nos vêtements qui nous servent pour le travail", dit-il, estimant que ces frais professionnels s'élèvent à un millier d'euros par saison.

La pilule a d'autant plus de mal à passer que l'élevage ovin est subventionné dans le cadre du plan loup, pour faire face au prédateur.

Un secteur très subventionné par l'Etat

"On pourrait être payés plus, ça ne ferait pas s'effondrer l'économie de nos employeurs", ajoute le jeune homme. "Les salaires sont subventionnés par le plan loup pour les gardiens d'ovins à 80%, jusqu'à 2 500 euros. Du coup, nous, on tombe un peu des nues quand on nous refuse 200 euros ou 400 euros de plus par mois", dit-il.

Les gardiens de troupeaux, grands oubliés de la colère agricole ?

Cohabitation avec les usagers de la montagne, retour du loup, mesures environnementales, le métier de berger évolue. Pour toutes ces raisons, les gardiens de troupeaux se sont regroupés en syndicat, affilié à la CGT, pour faire entendre leur voix.

"L'idée, c'est d'améliorer par la réglementation les conditions de travail des bergers en empêchant les mauvaises pratiques de certains employeurs", avance Tomas Bustarret. 

En avril 2023, ils avaient mené une action devant la maison des agriculteurs de l'Isère.

Les négociations au point mort

"C'est une négociation. On ne peut pas leur donner satisfaction à 200 % mais on essayera d’aller dans leur sens le plus possible", assurait alors Guy Durand, éleveur et représentant pour l'Isère de la FDSEA, au micro de France 3 Alpes.

Mais ces négociations n'ont abouti à rien de concret pour l'instant. Pire, celles qui devaient avoir lieu le 7 mars, ont été annulées par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles. Les rendez-vous à l'échelle départementale et nationale sur le statut des ouvriers agricoles sont également au point mort.

La remise en cause des conventions collectives ?

Une commission paritaire devrait avoir lieu le 14 mars avec la fédération départementale de l’Isère, "mais la dernière a été annulée deux jours avant donc on ne sait pas si elle va se tenir", dit encore le jeune homme.

Dans chaque département, une convention collective territoriale est établie. "Dans l'Ain, la FNSEA tente de supprimer des accords territoriaux qui assurent des droits spécifiques aux salariés agricoles", indique Tomas Bustarret.

Les bergers et les gardiens de troupeaux se disent prêts à multiplier les actions pour obliger les exploitants agricoles à revenir à la table des négociations.

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