La Confédération paysanne boycotte le Sommet de l'élevage 2022 : on vous explique pourquoi

Le 31e Sommet de l'élevage a ouvert ses portes ce mardi 4 octobre. Sécheresse historique et inflation des coûts de production, c'est dans ce contexte que le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau s'est rendu à l'ouverture du salon. Un rendez-vous boudé par le troisième syndicat du monde agricole.

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C’est une première : la Confédération paysanne du Puy-de-Dôme ne participe pas au Sommet de l’élevage cette année. Le salon dédié au monde agricole, qui se tient du 4 au 7 octobre à la Grande Halle d’Auvergne, près de Clermont-Ferrand, attend 100 000 visiteurs. Un rendez-vous incontournable du monde de l'élevage. 

Par cette absence, le syndicat espère faire entendre ses critiques sur le modèle agricole français. « J’ai plus d’incidence en vous disant que nous n’y allons pas, que si nous tenons un stand, argumente Ludovic Landais, président de la Confédération paysanne 63. C’est un ras-le-bol institutionnel : nous ne sommes pas écoutés, alors que nous représentons 20 % des agriculteurs qui votent." 

En 2019, lors des dernières élections, la confédération était arrivée à la troisième place, derrière la Coordination rurale et la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles), qui avec ses listes d'alliance a récolté plus de 50%  des voix

Contentieux

"Les raisons de notre colère sont multiples. Le monde paysan subit depuis de nombreuses années une politique agricole qui nous mène dans le mur." : dans son communiqué, la Confédération paysanne du Puy-de-Dôme ne mâche pas ses mots. Parmi les reproches faits au modèle actuel on retrouve : l'agriculture intensive, le système agro-industriel, l'accaparement de l'eau ... 

"Des permis sont encore donnés pour des méga-bassines dans le Puy-de-Dôme, alors que dans les Deux-Sèvres, on s'y est opposé, avec des scientifiques qui allaient dans notre sens, déplore l'agriculteur. Avec ces réserves d'eau, on fait profiter quatre ou cinq au détriment de tous."  Selon Christian Amblard, spécialiste de l'eau et des systèmes hydrobiologiques, ce stockage n'est pas une solution sur le long terme, avec entre autres le problème de l'évaporation : "on estime la perte quantitative entre 20% et 60%".

À l'opposé, dans un tweet d'août dernier, la FNSEA défendait la mise en place de réserves d'eau, pour permettre aux agriculteurs de faire face à la canicule : "lever les freins à la constitution de réserves d’eau : c’est la première assurance récolte". Les "méga-bassines", sont des stockages d'eau en surface, étanchéifiés et remplis l'hiver grâce au pompage de nappes phréatiques ou de rivières, quand les retenues collinaires sont remplies par l'écoulement de l'eau.  

Deux visions de l'agriculture

FNSEA et Coordination paysanne ont des approches de l'agriculture très différentes. La première défend depuis longtemps un modèle productiviste et tient un rôle d'interlocuteur privilégié avec les pouvoirs publics, en tant que premier syndicat. La seconde prône une agriculture à taille humaine et plus respectueuse de l'environnement.

Selon Ludovic Landais, la FNSEA et l'État travailleraient de concert, écartant les propositions alternatives pour l'agriculture. "Lors des États Généraux de l’alimentation, des consensus avaient été trouvés, finalement les pouvoirs publics et le syndicat majoritaire ont tout effacé d’un revers de main."

"Il faut suivre les dossiers, et pas sûr que ce soit le cas de tous les syndicats", tacle David Chauve, secrétaire général de la FRSEA pour la région AURA, qui écarte cette accusation de collusion. "Les années de cogestion ont bien changé, aujourd'hui les réunions avec les services de l'État sont humainement très dures."

Politique de la chaise vide 

Pour se faire entendre et défendre l'agriculture paysanne, la confédération a donc décidé de ne pas participer au Sommet de l'élevage. "Ce n’est pas par véhémence, mais comment avoir un stand dans un des plus gros salons agricoles temple de la consommation, alors que nombre de nos collègues sont aux abois ? Les paysans n’ont pas besoin de tracteurs neufs pour s’en sortir, mais plutôt d’un revenu décent, de reconnaissance sociale.", souligne Ludovic Landais. 

"C’est la première fois qu’une organisation agricole nous boycotte, réagit Jacques Chazelet, président du Sommet de l’élevage. Chacun a sa définition de l’agriculture paysanne, mais on met en avant cette année le pastoralisme. L'agriculture est très diverse, tout comme la consommation, il ne faut pas opposer les modèles : le Sommet est un carrefour économique, un carrefour d'innovation, mais aussi un carrefour politique."

Annonces attendues

Une absence qui est une erreur pour la FNSEA, qui a profité de la venue au salon du ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. "C’est un rendez-vous incontournable qui permet de pousser les dossiers  propres à notre région", explique David Chauve. Parmi les sujets abordés : la loi Egalim. "Le prix de vente doit être calculé pour intégrer un revenu équivalent à deux smics pour le producteur, mais il y a encore des transformateurs qui contestent. On veut demander l’application de la loi et le renforcement des contrôles anti-fraude", détaille le syndicaliste.

La sécheresse historique est aussi à l'ordre du jour, les agriculteurs d'Auvergne sont dans l'attente de savoir s'ils auront droit au régime des calamités agricoles. "Malheureusement, on n’a pas trouvé d’autre moyens que les salons, sinon le ministère joue la montre. Les semaines qui précédent, on a souvent des annonces."

Un pronostic qui s'est confirmé : à l’occasion du Comité de suivi de la situation de sécheresse, lundi 3 octobre, avant sa venue au Sommet, le ministre de l’Agriculture, a annoncé un avancement du calendrier des calamités agricoles. Des exploitants devraient ainsi recevoir des aides dès novembre. "Il faut que le dispositif soit fait avec des enquêtes de terrain et non pas avec les données satellitaires, qui ne sont pas encore fiables", prévient David Chauve. 

Alors, la Confédération paysanne du Puy-de-Dôme perd-elle une occasion de se faire entendre, en brillant par son absence ? Pas du tout, selon son président. « Que ce soit à l’échelle nationale ou départementale, tous les ans on a rencontré les ministres et jamais ça n’a abouti. Alors plutôt que dire, on va se concentrer sur le faire. »

Boycottes à venir

Et la confédération du Puy-de-Dôme compte prolonger sa stratégie de la chaise vide. En 2023, une fois de plus, elle ne viendra pas au Salon de l’agriculture, Porte de Versailles. « On ne va pas s’installer à côté de McDo ou de Carrefour. L'agriculture, c’est nous qui allons tous les matins traire nos bêtes et qui nourrissons les cantines, pas eux. »

Le syndicat annonce aussi ne plus aller aux États généraux de l’agriculture : "c’est stérile, je suis allé huit fois à Paris, on a négocié sur les perturbateurs endocriniens et ça n’a rien donné."

Au niveau national, la Confédération paysanne annonce de son côté continuer le travail avec le ministère de l'Agriculture et confirme qu'elle tiendra bien un stand au prochain Salon de l'agriculture à Paris. 

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