Isabelle, directrice d’école maternelle à Clermont-Ferrand, participera à la journée d’action du jeudi 20 janvier. Elle est confrontée au manque de remplaçants dans son établissement touché par le COVID. L’enseignante nous raconte son quotidien.
Jeudi 20 janvier, syndicats FSU, CGT Educ’action, FO et SUD Éducation, ainsi que la FCPE, première organisation de parents d’élèves, et les mouvements lycéens FIDL, MNL et La Voix lycéenne ont appelé à une journée de mobilisation. Isabelle Roussy, directrice de l’école maternelle Michelet à Clermont-Ferrand, enseigne en petite section. Cette co-secrétaire du SNIUPP 63 répondra à l’appel de son syndicat en se photographiant avec des affiches comme « Mon école craque », « Je ne suis pas à Ibiza », qui seront diffusées sur les réseaux sociaux.
"On se demande ce que l’on doit faire, fermer la classe ou pas"
Agée de 50 ans, l’enseignante témoigne : « On est touchés par le manque de remplaçants. Hier, il y avait 130 classes fermées sur tout le département du Puy-de-Dôme, soit à cause du virus du COVID, soit à cause d’autres maladies ou absences. Dans mon école, il y a des enseignants positifs au virus et des enfants également. On se retrouve à tout gérer en même temps, les enfants cas contacts, les enfants positifs, la maîtresse positive au COVID. On se demande ce que l’on doit faire, fermer la classe ou pas. On doit s’occuper des enfants dont les parents ont des professions prioritaires. Cette liste a évolué au cours de la crise sanitaire et certains parents ne comprennent pas pourquoi, à un moment donné, on a pu prendre leur enfants l’année dernière mais que là, ça ne marche plus. Il faut faire preuve de patience, de pédagogie, de compréhension. Les directeurs doivent gérer la bonne marche d’une école et la protection des enfants et des personnels, tout en aidant les familles, en fonction de nos moyens ».
"Ce protocole est un casse-tête"
En première ligne face à la crise sanitaire, Isabelle Roussy explique : « Ce protocole est un casse-tête. Sur le terrain, on constate que généralement, quand un cas est positif et que les autres élèves doivent faire un autotest, ils sont généralement négatifs. Mais au bout de 2 ou 4 jours, on voit de nouveaux cas positifs. On se rend compte que cela ne protège rien du tout. Il y a actuellement une grosse transmission du virus dans notre école, dans les services scolaires et périscolaires ».
Le problème des remplaçants
Malgré ces difficultés rencontrées, la directrice ne se sent pas forcément soutenue : « Tout le monde est débordé. C’est très bien que le ministère veuille prendre sur les listes complémentaires. Mais la difficulté du mois de janvier est que les jeunes qui étaient sur les listes complémentaires en juillet sont généralement partis sur un autre projet ou travaillent. Il ne reste plus grand monde sur la liste. En même temps, recruter alors qu’on est dans le pic de la difficulté, cela va prendre du temps. Il y a une anticipation qui ne s’est pas faite. Le protocole c’est beaucoup de paperasse et cela nous cause des difficultés. On n’est pas sûrs que tous les parents jouent le jeu de l’autotest car il suffit de remplir une attestation sur l’honneur. Mais je ne jette pas la pierre aux parents, car pour des petits, faire un autotest est difficile, ça peut relever de la maltraitance quand ce n’est pas un test salivaire ».
Un ministre à Ibiza
L’épisode des vacances de Jean-Michel Blanquer à Ibiza, une veille de rentrée, lui a laissé comme un goût amer : « On est en frontal devant la crise alors que le ministre est à Ibiza. Je l’ai regardé hier à la télévision. Il disait être rentré le 2 janvier et qu’il était bien en France pour gérer le protocole sanitaire. Il est vrai qu’on a le droit d’aller en vacances où on le souhaite mais on s’interroge sur le pourquoi d’un protocole le dimanche soir. On a le sentiment qu’on a les pieds et les mains liés car le soir, à cette heure, on ne peut rien faire. Tout se décide le lundi matin. Le ministre a encore bien compté sur ses directeurs d’écoles, sur ses principaux et sur ses proviseurs pour que cela marche dès le lundi de la rentrée. On trouve que c’est pris à la légère. Bien qu’hier, il ait pu avoir des mots de remerciement pour tous les enseignants qui essayent malgré tout de garder les écoles ouvertes, on n’y croit pas trop. On ne voit pas de proposition concrète pour nous aider. Les masques ne sont toujours pas arrivés. Pour la liste complémentaire, hier, on a appelé le rectorat et ils ne sont pas au courant. Certains autotests qu’on nous a distribués dernièrement sont parfois périmés ou vont l’être rapidement. On a l’impression qu’on se fiche de nous. On se débrouille beaucoup et on attend toujours de l’aide ».
Un sentiment de "lassitude"
Comme bon nombre de ses collègues, Isabelle Roussy se sent fatiguée : « Il y a un sentiment de lassitude qui s’est installé. Pour la grève du 13 janvier, beaucoup d’enseignants étaient grévistes et ne sont pas venus manifester. Ils étaient fatigués. On arrive au bout du bout de tout ce qu’on peut mettre en place. Concrètement, on n’enseigne pas, il ne faut pas rêver. On a des classes qui sont à effectifs réduits, avec des enfants positifs ou cas contacts. Il y a beaucoup d’absentéisme. On fait du mieux qu’on peut pour tous les élèves qui sont présents mais on n’est pas au cœur du métier ». En dépit de ces difficultés, Isabelle Roussy s’accroche. Elle indique : « On tient pour nos élèves. On essaie d’être là car ils n’y sont pour rien. Ils sont jeunes et il faut qu’ils puissent traverser cette crise le mieux possible avec leurs yeux d’enfants. C’est compliqué. Si on avait un petit peu plus de retour de la bienveillance et de l’énergie qu’on met dans la bataille de la part de notre ministre, ça nous ferait du bien. S’il donnait les vrais moyens pour l’école, s’il y avait un geste fort, car la carte scolaire commence la semaine prochaine, on se sentirait vraiment compris ».
"On pleure pour avoir des remplaçants, pour avoir moins d’élèves par classe"
Après 26 ans de métier, la directrice a le sentiment que ses conditions de travail se sont dégradées : « Quand j’ai débuté, avoir 28 ou 30 élèves par classe, ça n’existait pas. On était plutôt 24. On était remplacés au pied levé si on était malades. On avait des réseaux d’aide complets. Quand on demandait un matériel quelconque pour sa classe, on l’obtenait dans les 15 jours. Là, on pleure pour avoir des remplaçants, pour avoir moins d’élèves par classe ». Jeudi 27 janvier, une nouvelle importante journée de mobilisation est annoncée par différents syndicats. Les organisations syndicales n’entendent pas baisser les bras.