Témoignages. "C'est à se demander qui vote pour le RN ?" : ces électeurs déboussolés par la percée du parti de Bardella

Publié le Écrit par manale makhchoun

Un séisme électoral. Dimanche, dans cette circonscription du Puy-de-Dôme, pour la première fois, le Rassemblement national est arrivé en tête avec plus de 30% des voix. Sur les terrasses des cafés, à la sortie des écoles ou des usines… les résultats des élections législatives sont sur toutes les lèvres.

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“Une très mauvaise nuit”. On est au lendemain du premier tour des élections législatives et Corinne en est à son deuxième café. Tasse à la main, sur une terrasse du centre-ville d'Issoire (Puy-de-Dôme), sa voix tremblante laisse entendre une certaine émotion : "Je suis horrifiée”. La raison de son angoisse : sa circonscription, la 4e du Puy-de-Dôme, historiquement à gauche, a basculé dans le camp du Rassemblement national lors du 1er tour des élections législatives du dimanche 30 juin. Benjamin Chalus, candidat du parti classé à l’extrême droite, est arrivé en tête avec 31,63% des suffrages, devant la candidate du parti Ensemble et députée sortante Delphine Lingemann, et la candidate du Nouveau Front Populaire, Valérie Goléo. 

"Ce second tour va être une catastrophe" 

Dans ce café animé de la commune qui compte plus de 15 000 habitants, la politique anime les conversations. “Comme disait Coluche, si les élections servaient à quelque chose, ça ferait bien longtemps que ce serait interdit”, ironise Gilbert. “Ce second tour va être une catastrophe, prédit le quinquagénaire. On va se retrouver dans un pays ingérable. Encore une belle boulette de Macron quoi ! Tout le monde sait que le RN va passer et personne ne fait rien. Et là ce matin, ils sont tous en train de pleurer. On va bien rigoler dimanche soir”.

Quelques tables plus loin, Michel, lui, se dit “abasourdi” par cette percée inédite du parti de Jordan Bardella. Lors du second tour des présidentielles de 2022, le duel Macron- Le Pen, il s’était abstenu. Cette fois, c’est différent. “La priorité extrême, c’est faire barrage”, répète-t-il en boucle . Son vote sera donc différent du premier tour. Il avait voté pour la candidate du Nouveau Front Populaire. Malgré sa qualification pour le second tour, cette dernière a décidé de se retirer pour contrer l'extrême droite. Michel choisira donc la candidate de la majorité présidentielle. Malgré sa légèreté, il confie être “déboussolé”. “Il ne peut pas y avoir de racisme parmi les électeurs, s’émeut-il. Ça me ferait beaucoup de peine. Je ne pense pas que dans les campagnes rurales comme celles qui existent dans le Puy-de-Dôme, les agriculteurs votent pour moins d’immigration ou pour plus de sécurité. Il y a très peu d’immigrés ici, il n'y a aucune délinquance visible. Il y a surtout de la précarité”. Il dit avoir le sentiment de ne plus connaître la société qui l’entoure : “C’est à se demander qui vote pour le RN ? On ne les entend jamais”.  

"Pourquoi pas ?"

Pourtant dans un coin du café, plus loin, des électeurs séduits par le RN, on en trouve. Alexandre, lunettes de soleil sur la tête, savoure le “choc” et la “leçon prise par Macron”. Cet employé de 46 ans ne penche pas, selon lui, à l'extrême droite mais dans ce qu’il appelle le "pourquoi pas ?”. Il s’explique : “Je crois au changement qu’ils peuvent apporter s'ils ont la majorité”. L’homme de 46 ans se dit “sûr” de son vote. Sa compagne, Sabine, désapprouve de la tête. “Je ne suis pas d’accord, interrompt-elle. Je suis pour un vote raisonnable. C’est pour cela que j’ai choisi Delphine Lingemann (NDLR la candidate Ensemble). Quels sont les perspectives de vote pour le couple en vue du second tour ? Sabine dégaine : “Pour Lingemann, évidemment. Et heureusement que la candidate d’extrême gauche s’est désistée et n’est pas arrivée en deuxième position. Ça m’arrange. Un duel d’extrêmes, croyez-moi, je n’aurais voté pour personne”. Alexandre, lui, est galvanisé par l’éventualité d’une majorité absolue et d’un Jordan Bardella Premier ministre. Il assure qu’il restera sur “sa ligne de conduite”. “On va voir s’ils seront capables de faire changer les choses pendant ces deux ans”. Une victoire du RN prouverait , selon lui, que ses “électeurs ne sont pas tous fachos ou racistes”.  

"Ils le veulent ? Ils n'ont qu'à le prendre !"

À quelques rues de là, devant une école primaire, Manuela, agent de cantine scolaire, confirme les propos d’Alexandre. Son discours oscille entre ses origines portugaises et sa tentation pour le parti de Bardella. La mère de famille va réitérer le même vote que lors des élections européennes : un bulletin RN. Pour elle, c’est un vote de conviction : “Quand je vois les factures qui augmentent : le gaz, l’eau, l’électricité…Mon loyer a pris 80 euros en un an et que je n’ai droit à aucune aide… Oui, j’ai un sentiment d’abandon. J’ai l'impression qu’on n’aide plus les Français”. Sans surprise, son choix pour le second tour sera fait dans l’objectif de propulser Jordan Bardella sur le siège de Premier ministre. 

Vers 12 heures, le ballet des voitures commence devant l’école primaire. Au volant de sa citadine, Sophie fait office d'exception parmi les parents d’élèves : elle ne fera pas barrage dimanche. “Ce sera un ni, ni. Ni le RN, ni le parti de Macron. Ça suffit !, s’agace la mère de famille. On a assez donné. Ce sera sans moi. Ils le veulent ? Ils n'ont qu’à le prendre mais ce sera sans moi”. 

Vêtu d’une veste orange fluo, Philippe souffle pendant sa pause clope. Il est manutentionnaire chez Constellium. Cette usine de produits aluminium, avec ses 1 600 salariés, est le véritable fleuron industriel de la commune. Philippe n’hésite pas une seconde : “Ce dimanche, ce sera comme d’habitude. Ce sera pour personne”. Il votera blanc. “La politique ne m’intéresse plus, lance-t-il. Ils se font des c*uilles en or, pendant que nous, on gratte comme des cons pour un salaire de misère, 1500 euros par mois. Vous voulez faire quoi avec un tel salaire ? Ça fait plus de 30 ans que je suis là. j’ai plus de dos, plus de bras, ni jambes. Je vais crever au travail”. “Ici, beaucoup ont voté Le Pen”, assure Philippe. Une affirmation impossible à vérifier. La majorité explique ne plus voter. Parle-t-on beaucoup politique dans l’usine?  "Non, parce que c’est un sujet qui fâche. Surtout en ce moment. Ce sont des sujets à ne pas parler", répond Marc qui assure avoir l'intention d'aller voter. Sans préciser pour qui. Il hésite. Il a encore jusqu'à dimanche pour faire son choix. 

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