Après le score tonitruant du Rassemblement National aux élections européennes, la possibilité qu’ils obtiennent une majorité lors des législatives anticipées se dessine. Les jeunes se tournent de plus en plus vers ce parti, certains nous expliquent pourquoi.
Selon un sondage Ipsos au lendemain des élections européennes, la liste Bardella a fait beaucoup mieux chez les moins de 25 ans qu’en 2019, passant de 15% à 26% des voix. Le constat est sans appel, le RN séduit de plus en plus les jeunes. Le score du parti devrait rester important aux législatives anticipées, le 30 juin et le 7 juillet prochains, en partie grâce aux voix des jeunes. Certains ont prévu de donner leur vote au Rassemblement National le 30 juin, ils nous expliquent pourquoi.
Matt : "Je suis contre ceux qui viennent et qui profitent du système sans rien faire"
Matt* a 20 ans. Il est étudiant en mécanique près de Clermont-Ferrand et, lors des élections européennes, il a voté pour la liste de Jordan Bardella : « J’ai voté pour le RN car, dans leur programme, ils veulent baisser les TVA sur l’électricité, le gaz, le carburant et ça pourrait aider beaucoup de Français à mieux vivre. Ils veulent aussi une hausse des salaires de 10%. C’est aussi parce qu’ils s’opposent à l’immigration et qu’ils ont plus de considération pour les citoyens français. Ils ont une préférence nationale plutôt que loger les immigrés. Je ne suis pas contre l’immigration, car il y a plein d’étrangers qui viennent en France pour travailler et qui font en sorte de s’en sortir. Je suis contre ceux qui viennent et qui profitent du système sans rien faire. »
« Dans la politique actuelle, je ne pense pas qu’on soit trop à plaindre mais il y a beaucoup de laisser-aller », dénonce-t-il. S’il connait les mesures phares du RN, c’est aussi grâce à une communication pointue sur les réseaux sociaux. « Ils sont bons sur les réseaux, surtout grâce à TikTok et aux vidéos de Jordan Bardella sur cette plateforme. »
Lucile : "Pour moi le problème c’est l’insécurité en France"
Lucile* est commerciale. A 26 ans, elle pense, elle aussi, voter pour le RN le 30 juin. « On devrait réduire la durée des titres de séjour si les gens ne trouvent pas de travail pendant un certain temps et limiter l’immigration en choisissant les étudiants et les travailleurs en priorité. C’est principalement ce qui m’a convaincue dans le RN : le contrôle de l’immigration. Je ne suis pas raciste mais je sais qu’il y a des racistes qui votent pour le RN. Il y a toujours des c*** mais je pense que la majorité des gens qui votent RN sont des gens comme nous, pas les tarés qui votaient Jean-Marie le Pen à l’époque. »
Lucile explique pourquoi elle s’oppose malgré tout à l’immigration : « Pour moi le problème c’est l’insécurité en France, avec le chiffre de 77% de viols en Île-de-France commis par des étrangers ». A noter que ce chiffre de 77% de viols commis par des étrangers en 2020 est basé sur les actes commis dans la rue, ceux-ci représentant environ 10% de la totalité des viols recensés en Île-de-France chaque année. Il ne s’agit donc pas du pourcentage du nombre total de viols. Mais ce n’est pas le seul aspect de la politique étrangère que Lucile souhaiterait voir changer : « Je suis pour arrêter l’aide à l’Ukraine ou du moins ralentir. On a assez de choses à financer en France. Il faut aider en priorité les Européens mais de manière plus modérée. »
Elle qui a toujours voté pour la droite traditionnelle se sent prête à changer : « C’est surtout pour les problèmes d’insécurité. Sinon, j’ai toujours voté à droite car je pense qu’il faut limiter les aides sociales. Il faut réduire la durée du chômage. Ce n’est pas normal. Je paye 600 euros d’impôts par mois et ça me rend dingue que ce soit pour des gens qui ne travaillent pas pendant des mois et des mois. Avoir droit au chômage c’est normal, le montant me va, mais pour moi il faut réduire la durée. D’autres aides aussi, je pense, sont de trop. Moi-même quand j’étais en alternance, grâce à toutes les aides, je touchais beaucoup plus que certains qui travaillent 35 heures. C’est indécent. » Elle aussi explique avoir été séduite par le RN en partie grâce aux réseaux : « De base, je ne suis pas très branchée politique mais sur les réseaux sociaux, Bardella est très présent. Il sait comment nous interpeller. »
Marie : "Je suis à 20 euros près et j'en ai ras-le-bol"
Marie, 26 ans, a quant à elle opéré un virage radical. Elle qui a refusé longtemps la tentation de l’extrême droite a changé d’avis. Elle explique avoir été déçue par ceux à qui elle avait donné sa voix : « Aux présidentielles, je me suis refusée à voter RN, je trouvais ça honteux. Je me suis même fâchée avec certaines personnes de ma famille à cause de ça. Aux 2 tours, j’ai voté pour Macron. Aujourd’hui je pense différemment. Je ne supporte pas les gens qui te traitent de facho quand tu veux voter RN. Chacun est libre de voter ce qu’il veut. Je peux comprendre que ce soit compliqué d’aller vers l’extrême droite. Je pense que ça fait peur aux gens parce qu’on a encore l’image de Jean-Marie Le Pen. Peut-être que ceux qui dirigent ce parti ne sont pas sincères, mais ceux qui votent ne sont pas des fachos ou des racistes. Peut-être qu’il y en a mais moi ce n’est pas du tout ma façon de penser. Je pense que ceux qui disent « surtout pas le RN », ce sont ceux qui s’en sortent mieux financièrement ou qui ne ressentent pas l’insécurité comme moi je la ressens. »
« Je suis très contente qu’ils aient eu 32%. Ce qui m’incite à vouloir aller voter pour le RN, je crois que c’est un ras-le-bol de la politique actuelle. On veut montrer au président et à toute son équipe qu’il y en a marre. Ils passent tout en force, ils ne nous écoutent pas, on est en train de crever », dénonce-t-elle. Sa situation professionnelle et financière a beaucoup joué, selon elle, sur sa décision : « Je ne suis pas dans la rue, je ne meurs pas de faim, mais je ne vis pas convenablement. Je suis à 20 euros près et ce n’est pas normal pour quelqu’un qui a fait 5 ans d’études, qui travaille, qui paye ses impôts en France. Je suis à 20 euros près et j’en ai ras-le-bol. Le fait qu’ils veuillent baisser les taxes sur le gaz, l’électricité, l’essence, c’est un pas vers nous. C’est des choses que l’on consomme tous les jours et dont on a besoin. Je prends ma voiture pour aller travailler. A presque 2 euros le litre, quand je dois faire un aller-retour, j’y réfléchis à 2 fois. J’ai l’impression d’avoir la corde au cou tout le temps. Ça me stresse énormément. Des fois, j’en pleure. J’ai un budget courses à ne pas dépasser, j’essaie de faire de grosses marmites, pour congeler, pour respecter mon budget. Quand il faut tout payer à côté, on ne peut pas aller plus haut. »
Comme d’autres, elle aussi évoque l’insécurité : « Je ne me sens pas en sécurité. Si je dois aller à Paris, je tremble, je n’ai pas envie. Même à Clermont-Ferrand, je ne me promène plus toute seule. » Pour Marie, la politique d’immigration n’est pas adaptée non plus : « Réguler l’immigration, pour moi, c’est d’abord donner aux Français et ensuite aider les autres. Ce n’est pas fermer la porte à tout le monde. Je ne suis pas pour n’accueillir plus personne mais il y a des Français qui triment, qui n’en peuvent plus. Ce sont eux qui financent et ils n’ont le droit à aucune aide, ils sont sous l’eau. Je pense qu’il faut filtrer entre ceux qui viennent parce qu’ils sont en difficulté dans leur pays et ceux qui viennent pour les aides, comme ailleurs ! Aux Etats-Unis ils filtrent, au Canada ils filtrent, en Australie ils filtrent, mais en France si on veut faire la même chose on est raciste. D’abord il faut essayer de faire vivre notre population et notre nation correctement et après on aide ceux qu’on peut. »
Pierre : "Ce que j’attends du RN, c’est de privilégier les travailleurs"
Pierre* est charpentier en Auvergne. A 23 ans, il a voté pour le Rassemblement National aux élections européennes. Il explique ne pas être d’accord avec l’image raciste qui colle à l’extrême-droite : « Je pense que le RN essaye au maximum de se détacher de cette image qui lui colle à la peau à cause des médias qui ont peur de leur programme. Je pense que les médias sont les uniques responsables de cette situation et oui pour moi il est possible de parler d’immigration et d’insécurité sans être un « facho » ou raciste. »
La baisse de la TVA sur les énergies, « c’est bien, mais le principal ce sont les points sur la sécurité et l’immigration », indique-t-il : « Comme la suppression des allocations familles pour les parents de mineur délinquants récidivistes : si les parents étaient impactés, ils ne laisseraient pas les enfants faire autant de bordel. Rétablir les peines planchers pour les infractions à agent ou les stupéfiants c’est une très bonne idée. Et en terme général disons que ce que j’attends du RN, c’est de privilégier les travailleurs étrangers ou français et de ne rien donner aux feignants, encore une fois français ou étrangers et c’est le seul parti où j’ai de l’espoir là-dedans. Dans mon quotidien le ressenti ça serait sûrement uniquement sur l’électricité ou les produits de première nécessité j’imagine. Et à long terme une tranquillité en ville. »
Selon Ipsos, la progression la plus importante du RN se situe peut-être dans la classe moyenne, où le RN a clairement pris le leadership : les scores sont passés de 19% à 29% dans les professions intermédiaires (+10 points), de 16% à 29% chez les Bac +2 (+13). Le RN a aussi enregistré des gains supérieurs à 50% chez les cadres (de 13% à 20% des voix, +7), tout en renforçant son socle traditionnel (40% chez les employés, record à 54% chez les ouvriers, +14). C'est devenu le premier parti des salariés (36% des voix), du public (34%) comme du privé (37%). La concurrence est écrasée, c'est considérable. Le vote RN a par ailleurs aussi largement pénétré la catégorie Retraités, avec 29% des suffrages (22% en 2019).
*Les prénoms ont été modifiés