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11 novembre 1942. Il y a 80 ans, les troupes allemandes envahissaient la zone libre

Il y a 80 ans, le 11 novembre 1942, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation et pénètrent la zone libre. Le régime de Vichy devient alors un énième outil du pouvoir nazi, les habitants voient leurs libertés réduites au minimum et la résistance s'intensifie. Retour sur un des tournants de la Seconde Guerre mondiale passé aux oubliettes.

Opération "Attila". Sur ordre d'Adolf Hitler, le 11 novembre 1942, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation et envahissent la zone libre. Le territoire français, jusque-là partagé en deux à la suite de l'armistice de juin 1940, tombe entièrement aux mains de l'ennemi nazi. 

"Le pays se retrouve 100 % occupé", explique Isabelle Doré-Rivé, directrice du Centre d'histoire de la résistance et de la déportation (CHRD) avant d’ajouter : "C’est un évènement qui passe inaperçu dans la chronologie et pourtant, il est important, particulièrement dans la région . "C'est par l’Ain, entre autres, traversé par la ligne de démarcation, que les soldats ennemis s'infiltrent en zone libre".

Des humiliations qui ne passent pas

Humiliés quelques jours auparavant par le débarquement des alliés anglo-américains en Afrique du Nord afin d'ouvrir un nouveau front proche de la France, l'Allemagne nazie organise la riposte. 

"Hitler profite de l'occasion pour violer l'armistice du 22 juin 1940. Il déclare au maréchal Pétain que, ces derniers étant incapables de défendre les frontières méditerranéennes de la France, la Wehrmacht allait traverser la zone libre pour se positionner sur les côtes du midi et parer à toute intervention américaine depuis l'Afrique du Nord’, affirme Frédéric Fouletier, professeur d'histoire à la Cité scolaire internationale de Lyon. Le choix de la date n'est d'ailleurs pas laissé au hasard.

"Les Allemands veulent effacer cette humiliation de la défaite de 1918 et du traité de Versailles. Envahir la France le 11 novembre, à la date de la fin des combats de la Grande Guerre qui a scellé la défaite allemande, ce n'est évidemment pas un hasard, mais bien une humiliation supplémentaire pour les Français." 

Isabelle Doré-Rivé

Directrice du Centre d'histoire de la résistance et de la déportation (CHRD)

Il est logique pour elle, comme pour Frederic Fouletier, que cet évènement soit tombé dans l'oubli  : "on a du mal à commémorer les défaites". 

Le régime de Vichy se saborde

Une défaite pour le régime de Vichy sous les commandements du maréchal Pétain qui voit sa légitimité remise en question. De juin 1940 à novembre 1942, le gouvernement délocalisé dans l'Allier reste entre les mains de la France et de son dirigeant élu démocratiquement par la majorité des sénateurs.

Mais "le 11 novembre 1942, tout bascule", explique l'enseignant. "Vichy perd l'essentiel de son autonomie et de son autorité. Désormais aux yeux de plusieurs Français, le maintien du maréchal Pétain à Vichy n'a plus beaucoup de sens". Et d'ajouter : "Le gouvernement prend alors des décisions favorables à l'occupant dans l'espoir de se voir réserver une place de choix dans une Europe dominée par l'Allemagne." Le professeur évoque notamment le choix d’instaurer un service du travail obligatoire (STO) et la création de milices. 

"La ville est sous coupe réglée"

Les répercussions sont plurielles. Á commencer par la population qui se voit obliger de cohabiter avec un occupant illégitime au contrôle illimité.

"En même temps que les troupes allemandes arrivent, les services de la répression arrivent également, ce qui va se traduire par une intensification de la traque des Juifs et de la répression de tout ce qui peut ressembler à de la résistance. La notion de danger devient prégnante à ce moment-là."

Isabelle Doré-Rivé

Directrice du Centre d'histoire de la résistance et de la déportation

Prendre des photos est alors interdit, sous peine de se voir arrêter, soupçonnés d’espionnage pour les lignes ennemies. S’informer n’est plus possible alors que la propagande nazie contraint Le Progrès à se saborder. Se déplacer librement relève de l’exceptionnel quand des soldats du IIIe Reich sont postés à tous les coins de rue.

Se nourrir devient de plus en plus compliqué alors que les réquisitions allemandes rationnent de plus en plus les portions alimentaires. "Ce qui était de l’ordre du quotidien devient de plus en plus restreint, encore plus que sous Vichy. La ville est sous coupe réglée", affirme Frederic.

Lyon, jusque-là en zone libre, voit les troupes allemandes débarquer sur la place des Terreaux et restreindre les libertés de la population, un an et demi après la dernière période d’occupation. "Il y a des bâtiments qui deviennent symboliques de la répression à Lyon, des lieux où flotte le drapeau avec la croix gammée visibles dans l’espace urbain Lyonnais et qui marquent les esprits", ajoute le professeur.

Dans la capitale de la résistance, l’Hôtel Terminus, renommé aujourd’hui Hôtel Château Perrache, héberge Klaus Barbie et ses agents, avant qu'ils déménagent dans le bâtiment de l'école du service de santé militaire, rue Berthelot. Le Fort Montluc abrite les Juifs et résistants ou soupçonnés de l’être. "C’est une vraie toile d’araignée de la répression qui s’étale à la surface de la ville, rendant la vie des Lyonnais de plus en plus difficile", conclut Frederic.

De plus en plus de résistants 

Résultat, les rangs de la résistance s’épaississent progressivement. Rappelons que Jean Moulin, parachuté en zone sud en janvier 1942, prévoyait de faire de Lyon le pôle de regroupement des différents mouvements d'opposition en zone libre. L'entrée des troupes allemandes sur ce territoire bouleverse ses plans.

Mais peu importe, la résistance se renforce dans la zone désormais occupée, alimentée par un sentiment de colère et d'urgence à agir. "L’armée d’armistice [ndlr : armée française de 100 000 hommes conservée après la signature de l’armistice en 1940] est dissoute dans la foulée de cette invasion. Beaucoup d’officiers et de soldats de cette armée s'engagent dans la résistance, ce qui gonfle les effectifs et fait venir des personnes qui ont l’expérience du combat", explique Isabelle Doré-Rivé. 

Aujourd’hui, "le 11 novembre laisse une trace très faible dans la mémoire collective", conclut Frederic, même s’il constate que "certains de [ces] élèves veulent connaître cette histoire". Un premier pas serait de se promener dans les rues de Lyon et de prêter attention aux plaques commémoratives de cette résistance acharnée.

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