Des recettes simples et savoureuses, une nappe à carreaux rouge, un pot de côtes, nous y sommes. Ce soir à l'Abbaye de Collonge, chère à Paul Bocuse, un défi sera relevé : celui d'installer le plus grand bouchon du monde.
Plus, beaucoup plus qu'un simple restaurant, le bouchon est à Lyon une institution. Des mets simples mais savoureux dans la capitale de la gastronomie, ça n'est pas incompatible. La preuve, lundi 9 octobre au soir, l'un des temples de la grande cuisine, l'Abbaye de Paul Bocuse, accueille plusieurs dizaines de table afin de relever un défi : celui de créer le plus grand bouchon du monde.
Une tradition lyonnaise
Le Bouchon Lyonnais est issu du mâchon, ce repas dégusté vers 9h ou 10h par les canuts travaillant dans la soie. Principalement composé de charcuterie, de tripes et de vins, ce repas devait tenir au corps.
Si à l’origine, ce type de restaurant servait les restes de la veille, les cartes sont plus élaborées de nos jours. En bonne place subsistent les incontournables quenelles de brochet, tablier du sapeur, salade lyonnaise et encore la cervelle de canut ou la tarte à la praline.
Ces plats, bien que rustiques, ont donné ses lettres de noblesse à la cuisine lyonnaise.
C'est en l'honneur de cette cuisine typique que les associations "Les authentiques bouchons Lyonnais" et "Les bouchons lyonnais" ont souhaité organiser ce plus grand bouchon du monde. Quatre-cent-vingt convives sont attendus.
Un lieu emblématique
Ce n'est pas n'importe quel lieu qui a été choisi pour abriter ce challenge. L’Abbaye de Paul Bocuse n'est pas un bouchon mais un temple de la gastronomie.
Frédéric Demeure, maître d’hôtel à l'Abbaye depuis 36 ans peaufine l'installation des tables. Ce soir, il dirigera le ballet des 25 chefs de rangs. "Ce soir, pour la première fois, explique Frédéric Demeure, dans cette abbaye qu'a créée Monsieur Paul Bocuse, contrairement à ce qui se fait d’habitude avec des services plus élaborés avec nappe blanche, table ronde et belle vaisselle, là ce sera à la bonne franquette."
"Je pense que s'il nous regarde de là-haut, il serait très content de savoir que les 46 patrons de bouchons sont dans son abbaye, reprend le maître d’hôtel. Pour la première fois dans ce lieu, les plats vont être servis sur table, ce qui est la tradition des bouchons."
Défendre la cuisine et les bouchons
"C’est une fierté d’être là, explique le maître d’hôtel, car Monsieur Paul a toujours défendu la cuisine lyonnaise." L'objectif de cette soirée, c’est de valoriser la cuisine des bouchons. "Cette cuisine lyonnaise, c’est l'âme de Lyon, rappelle-t-il. Lyon est connu dans le monde entier pour sa gastronomie et notamment pour ces bouchons. Dès qu’un touriste vient à Lyon, une de ses premières questions c’est "quel est le meilleur bouchon ? Où est-ce que je peux aller déjeuner dans un bouchon ?", conclu Frédéric Demeure.
Sa veste de chef immaculée, Joseph Viola s'affaire en cuisine. Le chef de "Daniel et Denise", Meilleur Ouvrier de France en 2004, prépare 410 quenelles.
Pour lui, ce matin ressemble aux autres, malgré une commande bien fournie. "En fait, qu’est-ce qui se passe le matin, on fait la préparation et tous les jours avec la même intensité, la même rigueur au niveau de la recette, la même cuisson, explique-t-il. Quand le client revient, il doit retrouver le même plat avec la même saveur."
"La gastronomie française ce ne sont pas que des étoilés"
Pour lui aussi cette soirée, derrière son apparence festive et gourmande, c'est un plaidoyer pour la restauration et en particulier les bouchons. "À chaque fois qu’on se sert une quenelle, on fait voyager les bouchons lyonnais, la ville de Lyon, la gourmandise et l’histoire de la gastronomie française."
"La gastronomie française, détaille-t-il, ce ne sont pas que des étoilés, ce sont également des bistrots, des bouchons lyonnais, ce sont tous ces plats qui ont donné tellement de force à un lieu que la gastronomie française est réputée dans le monde."
Là encore, l'empreinte de Paul Bocuse se fait sentir. "Monsieur Paul Bocuse a été un super ambassadeur. Aujourd’hui, c’est à nous, cuisiniers lyonnais, de continuer cette belle histoire", conclut le chef du bouchon.
Tous les participants espèrent voir le mâchon reconnu patrimoine immatériel de l'Unesco.