Cette fin d'hiver est marquée par une douceur agréable, mais inquiétante pour les arboriculteurs. Les abricotiers sont déjà en fin de floraison. Une précocité qui s'affirme année après année. Avec deux problèmes majeurs : le manque de repos des arbres et le risque de gel en avril.
La France connaît son troisième hiver le plus chaud depuis 1950. Dans les monts du Lyonnais, à 500 mètres d'altitude, les abricotiers sont déjà tous en fleur. "L'abricot, c'est la floraison la plus précoce. On a au moins 10 jours d'avance. C'est énorme. C'est la première année que c'est déjà en fleur. C'est phénoménal. Des fruits aussi développés, on n'a jamais vu ça à cette époque", explique Gilbert Besson. Cet agriculteur converti au biologique depuis près de 30 ans est installé à Chaussan.
Gel : un risque majeur
Dans les vergers de Gilbert Besson, cette floraison précoce préoccupe l'arboriculteur. "La végétation a 10 jours d'avance, mais le risque de gel est toujours à la même date", explique Gilbert Besson. Chaque année, à la même époque, les gelées donnent des sueurs froides aux paysans. La première quinzaine du mois d'avril est cruciale, voire critique pour les arboriculteurs. Avec cet hiver doux et une floraison précoce, les petits fruits se forment tôt et sont vulnérables. "Le risque est beaucoup plus important. On peut tout perdre", résume Gilbert Gonon. Ce risque de gel impacte aussi le soin apporté aux arbres. L'arboriculteur a commencé à tailler ses arbres fruitiers,"une pré-taille" superficielle.
"Il y a des solutions, tant que le gel ne descend pas sous les - 2 °C ou - 3 °C, ça passe encore. Au-delà, ça devient plus compliqué. Surtout quand on parle de gelées noires. Là, ce sont des nuits complètes, c'est impossible de gérer", assure l'agriculteur.
La nuit du 7 au 8 avril 2021 est restée dans les mémoires comme le pire de ces 45 dernières années pour l'arboriculture et la vigne dans les départements de la Drôme et de l'Ardèche : un épisode de gel noir avec des températures tombées sous les -7°C avait occasionné des dégâts considérables dans les vergers. Certains arboriculteurs avaient lutté en vain toute la nuit, mais ont perdu la totalité de leur récolte.
Floraison : de plus en plus précoce ?
"Si on a toute la nuit à -4°C ou seulement deux heures au lever du jour, ça peut tout changer. Le temps de gelée joue beaucoup aussi", confirme François Gonon. À quelques kilomètres de là, à Saint-Didier-Sous-Riverie, ses arbres sont aussi en pleine floraison. Sur un hectare, les pêchers de cet autre arboriculteur s'épanouissent, mais il faut redoubler de vigilance. "Avec ce soleil, la floraison va très vite", ajoute l'arboriculteur. Au-delà des gelées printanières, c'est bien le réveil prématuré des végétaux qui questionne cet arboriculteur.
François Gonon est installé depuis une vingtaine d'années, a repris l'exploitation familiale. Les aléas climatiques, il en connaît un rayon. Pour lui, la floraison de cette année n'est pas particulièrement précoce, ni alarmante, mais il s'inquiète pour l'avenir. "Qu'en sera-t-il demain ? Si c'est toujours plus tôt. Certaines espèces vont peut-être disparaître parce qu'il n'y aura pas assez de repos végétatif", craint l'arboriculteur. "Il nous faut du repos végétatif pour nos arbres. Il faut entre 800 et 1000 heures en dessous de 7°C, selon les espèces et les variétés. Si les feuilles tombent et que l'arbre redémarre tout de suite, l'arbre n'a pas le temps de se reposer. Pour cet hiver, nous, nous sommes pourvus", explique-t-il.
Un "faux printemps" devenu la norme. Les températures resteront élevées toute cette semaine : jusqu'à 21 °C sont prévus dans le département du Rhône.