Trois personnalités, dont le cofondateur de l'association lyonnaise de victimes La parole libérée François Devaux, lancent un appel ce lundi 11 octobre 2021 à la "démission collective" des évêques, après les conclusions de la Commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise catholique.
"Nous demandons, comme un signe d'espoir et de renouveau, la démission collective de l'ensemble des évêques en exercice". C'est un nouveau coup de tonnerre pour l'Eglise Catholique. Christine Pedotti, Anne Soupa et François Devaux ont lancé un appel à la démission collective des 120 évêques catholiques de France.
Cet appel intitulé "Face à la faillite, la démission des évêques est la seule issue honorable", a été signé par François Devaux, co-fondateur de l'association lyonnaise La Parole Libérée. Cette association lyonnaise, fondée en décembre 2015, est à l'origine des affaires Preynat et Barbarin. Elle est aujourd'hui dissoute. Il est également lancé par la théologienne Anne Soupa et par Christine Pedotti et par la directrice de la rédaction de Témoignage chrétien. En 2020, la théologienne Anne Soupa avait postulé à l'archevêché de Lyon pour succéder au Cardinal Philippe Barbarin, afin de questionner la place des femmes dans la gouvernance de l'Eglise.
Séisme du rapport de la Commission Sauvé
Cet appel intervient six jours après la publication des travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase), qui a estimé à 216.000 le nombre de personnes victimes d'un prêtre ou d'un religieux en France depuis les années 1950, voire 330.000 si l'on ajoute les agresseurs laïcs en lien avec les institutions de l'Eglise. Le rapport de la Commission présidée par Jean-Marc Sauvé a été un séisme pour l'Eglise Catholique. En préambule de la présentation du rapport, François Devaux avait été invité à prendre la parole. Il a notamment dénoncé l'attitude de l'Eglise en matière d'abus sexuels, n'hésitant pas à déclarer : "Vous êtes une honte pour notre Humanité!".
"Bien plus que des défaillances, le rapport de la Ciase met en lumière une véritable faillite", estiment Christine Pedotti, Anne Soupa et François Devaux dans leur appel à la démission des évêques de France. Selon eux, "n'importe quelle organisation, association, entreprise en tirerait les conséquences qui s'imposent : se défaire de ses dirigeants".
Selon Devaux, Soupa et Pedotti, la démission "est le seul geste à la mesure de la catastrophe et de la perte de confiance dans laquelle nous sommes. C'est un premier acte de repentir concret, coûteux, à l'égard des victimes. C'est la seule attitude qui peut permettre de restaurer la maison Eglise". "De plus, c'est la seule façon de rendre possible l'indemnisation des victimes car la faillite de l'institution est aussi matérielle. Les fidèles ne veulent pas contribuer pour des fautes qu'ils n'ont pas commises. Mais dans une Eglise restaurée dans laquelle tous et toutes seront représentés, cette solidarité et cette fraternité nouvelles permettront de trouver les ressources financières nécessaires", détaillent-ils.
Démission collective, des précédents
Tous trois font valoir que "dans l'Eglise catholique, des précédents existent : les évêques du Chili ont remis leur démission collective au pape François après qu'une gigantesque affaire de pédocriminalité a été dévoilée. En Allemagne, le cardinal Marx, archevêque de Munich, a lui aussi présenté sa démission au pape au nom de la responsabilité qu'il considérait porter au regard des abus sexuels, bien que lui-même n'ait pas failli".
Et de poursuivre: "sans doute, tous les évêques français n'ont-ils pas couvert des crimes, mais la structure même de la hiérarchie catholique suppose une continuité et une solidarité entre chaque évêque et son prédécesseur. À ce titre, si tous ne sont pas coupables, tous sont responsables".
Enfin, François Devaux, Anne Soupa et Christine Pedotti suggèrent au pape François, de nommer Véronique Margron, présidente de la Corref (instituts et congrégations religieux), comme "légat", en attendant de travailler à "l'Eglise d'après". Le légat est le représentant officiel du pape.
Démission collective, le souhait du Père Vignon, dans la Drôme
Ces trois personnalités ne sont pas les seules à avoir émis l'idée d'une démission collective des évêques de France. Questionné au lendemain de la remise du rapport de la Commission Sauvé, le père Pierre Vignon, prêtre de La Chapelle-en-Vercors, s'est également exprimé sur le sujet : "J'aurais aimé que les Evêques donnent leur démission, ça aurait eu du panache," a-t-il déclaré lors d'un entretien accordé à France 3 Rhône-Alpes le 6 octobre dernier, "au moins cela aurait été l'affirmation qu'on voulait faire quelque chose de neuf pour régler ça !". Le prêtre drômois n'a pas hésité à parler de "désastre" en évoquant les chiffres dévoilés par la Commission Sauvé.
Lorsque l'affaire Preynat a éclaté, le père Pierre Vignon était même allé jusqu'à demander "publiquement et sans détour" au cardinal Barbarin de démissionner "dans les plus brefs délais". Le père Vignon reprochait notamment à l'Archevêque de Lyon de ne pas avoir démissionné immédiatement après ses déclarations sur l'affaire Preynat : "Vous auriez dû la remettre après votre lapsus « Grâce à Dieu, les faits sont prescrits," avait-il écrit en 2018. Le curé de La Chapelle-en-Vercors a été sanctionné.