Des opérations de perquisition sont en cours, le site industriel de Pierre Bénite, près de Lyon, dans l'usine Arkema et celle de l'entreprise Daikin. Une plainte collective pour mise en danger de la vie d'autrui avait été déposée en 2023 pour dénoncer le rejet de PFAS dans l'environnement. Des polluants éternels, dangereux pour la santé.
Une quarantaine de gendarmes de l'OCLAESP de Lyon, Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, ont encerclé l'usine d'Arkéma ce mardi 9 avril dans la matinée du 09 avril 2024. Une dizaine de voitures bouclent le secteur pendant le travail des enquêteurs. Leurs recherches se concentrent sur les bâtiments administratifs et les bureaux de la direction. Selon nos informations, des perquisitions simultanées se déroulent également dans les locaux de Daikin, usine voisine de la plateforme de Pierre-Bénite près de Lyon.
Cette perquisition est menée dans le cadre d'une commission rogatoire ouverte en juillet 2023 suite à la plainte pour mise en danger de la vie d'autrui déposée en mai 2022 par Jérôme Moroge, maire de Pierre Bénite. À l'automne 2023, ce dernier avait été rejoint par 41 communes qui à leur tour avaient déposé plainte, jugeant que leurs habitants étaient exposés à des risques pour leur santé.
La direction d'Arkema confirme que "des enquêteurs se sont présentés ce matin sur plusieurs sites de notre groupe. Au cours de ces perquisitions, qui sont toujours en cours, Arkema a remis aux enquêteurs l’ensemble des éléments demandés. Arkema, comme il l’a toujours fait, continue de coopérer avec les autorités" Contacté par téléphone, le siège parisien d'Arkema confirme également la présence du directeur dans les locaux pendant la perquisition à Pierre-Bénite, tandis que le site de Colombes, en région parisienne est, lui aussi, perquisitionné.
"Manifestement, les juges d'instruction cherchent à éviter que des preuves circulent ou soient dissimulées d'un site à l'autre" explique Me Jean Marc Hourse, l'avocat des plaignants. "Si Arkema avait des informations, il y aurait quelque chose de criminel à ne pas avoir alerté les populations et les autorités" ajoute-t-il.
Des scellés ont été posés sur les bâtiments administratifs et les recherches des enquêteurs devraient durer plusieurs jours. Dans une note que nous avons pu consulter, la direction annonce que les enquêteurs ont installé des chapiteaux pour leurs allers-retours prévus sur plusieurs jours. Les gendarmes ont aussi procédé à des prélèvements dans les ateliers de Kynar, les PFAS produits par Arkema.
Deux usines (Arkema et Daikin) sont soupçonnées d'être à l'origine d'une pollution du Rhône, de l'air et du sol. Elles utilisent des per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Ces polluants ont une durée de vie illimitée, ils sont souvent appelés "polluants éternels".
Une information judiciaire « contre X » pour « mise en danger d'autrui par personne morale par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence » a été ouverte durant l'été 2023, suite à la plainte déposée en mai 2022 par le maire de Pierre-Bénite, Jérôme Moroge. Dans le cadre de cette instruction, confiée à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) de Lyon, France 3 Rhône-Alpes a dû remettre sur réquisition des enquêteurs plusieurs reportages réalisés sur le sujet.
"Le but, c'est que la clarté soit faite" réagit Jérôme Moroge, le maire de Pierre Bénite. "On espère que cela aboutira, on sent que les choses avancent. Le pénal ne pouvait pas être écarté. Si on savait qu'on polluait, il faut qu'on trouve les responsables en face. On ne connait pas les connaissances exactes, mais on a tous conscience qu'il peut y avoir un impact sur la santé des riverains et si c'est le cas, il faut que les responsabilités soient établies."
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Double procédure
La métropole de Lyon a également lancé une procédure au tribunal judiciaire en référé expertise afin d'évaluer les responsabilités de deux industriels (Arkéma et Daikin) dans le cadre d'une pollution aux "polluants éternels".
Préparée pendant plusieurs mois, cette assignation de 35 pages cherche à établir la causalité entre les émissions de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) des deux industriels et la pollution des eaux dans le puits de Ternay, dont la métropole est gestionnaire, puisqu'il alimente une partie des communes de la collectivité. Les taux de PFAS y dépassent ceux prévus par la norme sur l'eau, applicable depuis début 2023.
L'audience a été renvoyée au 28 mai 2024 à la demande des deux industriels. L'affaire sera jugée à cette à Lyon.
En novembre 2023, le juge des libertés et de la détention de Lyon avait rejeté la demande en référé pénal environnemental déposé par une trentaine d'associations et de riverains, demandant l'arrêt immédiat des émissions de PFAS. Le juge avait alors estimé que l’industriel respectait les normes en vigueur et qu’aucune infraction pénale n'était caractérisée.