Au 3e jour de son procès, Preynat révèle qu'il avait été lui-même victime d'agressions sexuelles dans son enfance

Mardi, les parties civiles ont défilé à la barre pour témoigner des agissements pédophiles de Bernard Preynat. Cet après-midi, l'ancien prêtre a révélé des agressions subies dans sa jeunesse. Un premier expert psychiatre a donné des éléments de compréhension de sa personnalité.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

19h50 audience suspendue jusqu'à jeudi matin 9h30

18h : la personnalité de B.Preynat  : 
"une perversion sexuelle marquée du sceau du non-dit" selon le 1er expert psychiatre

« Votre seul contact avec les psychiatres, c’était en 67-68 au cours de votre séminaire. Vous avez suivi une thérapie au Vinatier » demande la Présidente à Bernard Preynat. « La thérapie a été pénible, certains jours j’étais mal en point. Mais quand elle a été terminée, je pensais être guéri, j’étais tout content » explique l'ancien prêtre qui pensait « être guéri de cette attirance pour les jeunes garçons ».

Avant le procès, Bernard Preynat a rencontré les experts suivants : M.Renaud pour un examen de juillet 2016 et le Professeur Debout, expert psychiatre à Saint-Etienne. Ce dernier a rendu son expertise en 2017 à la suite de trois rencontres. Il est le premier des experts à prendre la parole ce mercredi après-midi.

"J'ai compris qu'il s'agissait d'une affaire hors-norme," déclare le Prof. Debout. "Il ne s'agit pas de dire si les faits sont authentiques ou pas."


En préambule, le Professeur rappelle également que ce n’est que depuis 1980 que le viol est considéré comme un acte de pénétration à caractère sexuel. L’expert rappelle devant le tribunal que la loi a changé il y a plusieurs décennies. Que le terme de «pédophilie» apparaissait une seule fois sur un ouvrage de référence de 1966 : «Le mot est cité et rien n’en est dit !». Il fait également référence à une vision de la société qui a changé.

Au sujet de Bernard Preynat, «il était le faux aîné de la famille, il y avait un problème de place dans la fratrie», en découle une difficulté d’identification, selon l’expert. Il est né dans une famille composée d’un père «taiseux» et d'une mère peu tactile qui donnait peu d’affection et peu de caresses.

Il relève aussi que Preynat souffrait d'un eczéma. Ce qui l’obligeait à faire des cures régulières et l’éloignait de sa famille. Mis à l’écart de ses camarades, «il était à côté du groupe» explique l’expert.

Sur son attirance sexuelle ressentie pour des garçons plus jeunes que lui, ce n’était pas une attirance homosexuelle a confié Bernard Preynat à l’expert. Il n’a jamais eu d’attirance pour les jeunes filles. C'est lors d'une sortie, dans sa jeunesse qu'un professeur remarque un «geste anormal» chez lui, une main sur la cuisse d'un camarade. Le jeune homme ne peut rester dans son établissement. Il doit partir à Lyon où il termine sa scolarité… «Cette perversion sexuelle est marquée du sceau du non-dit», explique l’expert, «il ne peut donc pas y avoir de démarche thérapeutique». Il a ensuite vu un expert parisien. Il suit une thérapie d'une année.

A propos de sa personnalité, l'expert parle d'une perversité sexuelle. "Pour le pervers, l'autre n'existe pas comme personne. La sexualité, c'est ce qui nous rapproche." Selon le Professeur Debout, "la perversion pédophile n’a aucune richesse sur le plan humain, on l’impose à l’autre."
L'expert évoque également une double personnalité : "mi-prêtre mi-traître". Par ailleurs, Bernard Preynat est enfermé dans le "déni", "le déni de la souffrance de l'autre."


Sur la question de l’emprise, le Prof. Debout explique que Bernard Preynat n’avait pas connaissance de cette notion, «le mot même ne lui disait rien». Il a ensuite peu à peu pris conscience des souffrances causées par cette emprise. Dans le déni, il protège son état psychique.

Bernard Preynat n’a pas évoqué avec l’expert des agressions dont il a été victime dans sa jeunesse et qui ont été révélées un peu plus tôt dans la journée. «Quels ont été les effets sur sa maturation des agressions dont il a été victime ? il n’est pas arrivé à la maturité sexuelle» conclu l’expert.

Bernard Preynat a fait un travail incomplet en 68-69. Doit-il suivre un travail psychologique, une thérapie ? L'expert émet des doutes en raisons de l'âge de Bernard Preynat. 

« Un violeur a dans le passé été lui-même violé… Il faut toujours se méfier des évidences» explique l’expert « Ce que j’ai dit de lui, je l’ai dit sans avoir connaissances de ce qu’il avait subi », explique le Prof Debout. Pour lui Bernard Preynat n’a pas cherché à se «victimiser».
Bernard Preynat, ayant lui-même été victime, était pourtant à même de comprendre la souffrance des victimes, selon l’une des avocates des parties civiles. Pour l'expert, dans le cas d'agression, les mécanismes psychiques à l'oeuvre sont très complexes. Il met en garde contre une "intellectualisation" de la souffrance des victimes. 


Bernard Preynat revient à la barre (19h45) pour réagir
Sur la question d’un faux aîné, Bernard Preynat conteste : je suis l’aîné d’une fratrie de sept enfants. «J’ai écouté attentivement tout ce qui a été dit, ces trois rencontres avec le Professeur notamment sur cette question de l’emprise» explique Bernard Preynat.


Pendant la brève suspension de séance, Me Doyez revient sur les révélations de son client



17H15 : Bernard Preynat, victime

«Monseigneur, je vais vous dire les faits abominables dont moi j’ai été victime quand j’étais enfant (...), j'ai été victime d’un moniteur, victime d'un sacristain, victime d'un prêtre alors que j’étais séminariste, » raconte Bernard Preynat en évoquant une lettre envoyée récemment au Diocèse, à Mgr Dubost. Ce dernier remplace le cardinal Philippe Barbarin dans la gestion du diocèse de Lyon depuis sa condamnation en mars pour ses silences sur le cas Preynat.

L'existence de cette lettre a été trévélée lors de ce procès. Bernard Preynat dit l’avoir écrite après la lecture d'un article évoquant les faits «abominables» survenus à la paroisse Saint-Luc. «Ce mot m’a touché, m’a blessé» raconte lentement Bernard Preynat.

Il explique alors qu'on lui avait conseillé de suivre une psychothérapie. C'était en 1967- 1968, pendant son année scolaire. Il explique aussi qu'il a travaillé pour payer cette analyse.
 

Sur les faits dont il a été victime alors qu'il était enfant et adolescent : «j’avais honte !» dixit Bernard Preynat.


16h30 : peur du scandale public et de la rumeur, culture du silence...


Pour Bernard Preynat, son procès canonique aurait dû avoir lieu en 1991 et non en 2018. "Y a-t-il eu une culture du silence ?" demande la présidente. "A cette époque, ce qui était recommandé par l'Eglise, c'était "n'en parlez pas!", d'après le mis en cause. 

Mai 90 :  Bernard Preynat ne se souvient pas d’une rencontre avec François Devaux, à la révélation des faits. Il se souvient en revanche d’une recontre avec le père de François Devaux, à l’automne. Mais entretemps a lieu le camp d’Irlande durant lequel ont eu lieu d’autres agressions.

La réaction des parents n’a pas permis de vous arrêter, c’est en revanche la honte publique qui vous a arrêté explique une avocate. On est dans un temps de vérité, M.Preynat.

Pour ce dernier, c’est bien la réaction des parents qui a eu des effets et contribué à mettre un terme à ses agissements. 

A propos de son rapport à sa hiérarchie : «vous nous expliquez que l’Eglise a été bien silencieuse, mais vous avez trahi la confiance de votre hiérarchie» affirme l’avocate. Bernard Preynat reconnait avoir trahi la confiance de sa hiérarchie… «vous avez menti, il est dur pour vous ce terme de mensonge !». «C’est un mensonge de ne pas tenir sa promesse» reconnait le septuagénaire.

Quid de l’attitude de Mgr Billé ? «Il m’a reçu dix minutes et voulait savoir si les faits étaient prescrits ; il m’a envoyé chez un avocat et ne m’a posé aucune question sur les faits» raconte Bernard Preynat, «l’avocat l’a informé» dit-il en conclusion. Le prélat est mort quelques temps après. 

Concernant Philippe Barbarin, la première rencontre a lieu en 1991, il n’est pas encore cardinal mais simple prêtre. Une association de prêtres évoquée plus tôt dans la matinée… «Il était là en tant qu’animateur» précise B.Preynat. L’a-t-il confessé ? Le septuagénaire ne s’en souvient pas.
Ensuite il l’a rencontré en 2002, puis à plusieurs reprises. L’avocate souligne la contradiction de Bernard Preynat sur les entretiens avec Mgr Barbarin … "Il m’a convoqué deux fois, je confonds un peu les dates…", reconnait le septuagénaire. 
Au Cardinal Barbrain, il a reconnu les agressions sexuelles sur les enfants "mais il ne m'a pas demandé le détail des faits".
 

16h : comment ont réagi les parents ?

La présidente a classé les parents en plusieurs groupes, à commencer par ceux qui ont soutenu leurs enfants. C’était notamment le cas des parents de François Devaux.

Le 14 février 91, les parents Devaux alertent par courrier le cardinal Decourtray des agissements de Bernard Preynat sur leur fils, scout du groupe Saint-Luc. Ils ont également alerté le Père Boulanger qui a reconnu l’ampleur du problème. La lettre pointe du doigt l’inaction des autorités religieuses et fait part de l’inquiétude des parents : «nous n’avons jamais demandé à ce qu’on fasse le silence sur cette affaire» écrivent-ils. Ils indiquent aussi qu’ils ne voulaient pas accabler le père Preynat mais demandait la dislocation du groupe Saint-Luc et veiller que le père Preynat ne soit plus jamais en contact avec des enfants…

La présidente met fin à la lecture du courrier. «Tout était dit !» en conclusion à l’adresse de Bernard Preynat. Le Cardinal Decourtray lui  avait donné connaissance de ce courrier à l’époque.

A la suite de cela, le père Preynat a dû quitter la paroisse Saint-Luc après 20 ans (le groupe Saint-Luc a été fondé en août 1970). Bernard Preynat a été écarté au printemps 91. «Vous avez trouvé ce traitement injuste et vous l’avez écrit aux parents» raconte la présidente.
"Qu’ont pensé les parents ? Que vous avez eu un coup de fatigue ?" demande la présidente à Bernard Preynat. Ce dernier indique qu’il a expliqué son départ soudain de cette manière, ne se voyant pas donner la véritable raison de ce départ.
Bernard Preynat qui avait trouvé à l'époque ce traitement injuste, aurait aimé partir à  la fin de l'année paroissiale et non être muté d'un jour à l'autre.

B.Preynat qui se disait «très déprimé », a ensuite pris contact avec les parents Devaux : «comment pourrais-je quitter la paroisse où je n’ai pas fait que du mal, après plus de 20 ans ?» Le prêtre s’inquiétait de la rumeur et de son avenir, reconnaissant cependant s’être mal conduit avec leur fils. Ce même courrier a été envoyé à d’autres parents. Bernard Preynat a ensuite été nommé dans la Loire, après un passage chez les Petites Soeurs des Pauvres à La Part-Dieu. Il a été muté en 1991.

En décembre 2014, dans un courrier à Mgr Ladaria, le Cardinal Barbarin l'informe que le cardinal Decourtray avait parlé directement à Bernard Preynat et qu'il lui aurait accordé sa confiance. Aucune trace écrite de cet entretien ne figure dans le dossier.

En revanche, les parents Burdet ont rédigé un courrier élogieux à l’égard de Bernard Preynat. Ces derniers ont trouvé «scandaleux» que le père Preynat soit écarté «comme un malfaiteur».

 

15h35 - l'évocation des deux suicides : "Je pensais à tort qu'ils m'avaient pardonné" (B.Preynat)

Bernard Preynat indique avec fermeté qu'il n'a pas commis d'agressions sur ces deux personnes. Pour la deuxième personne, qui n'a pas été entendue par les enquêteurs, B.Preynat indique avoir seulement mis deux doigts dans son ceinturon le jour de son inscription. La présidente relève qu'il s'agit d'un souvenir très précis, contrairement à certaines déclarations imprécises concernant les faits. 

Bernard Preynat revient aussi sur les viols sur Christian Burdet : "ces actes de viols je les ai commis après une série de caresses, j'avais cru comprendre qu'il était consentant." Des actes qui ont débuté alors qu'il avait 14 ans et demi et qui se sont achevés alors qu'il avait 20 ans, lorsqu'il a quitté les scouts. B.Preynat rappelle qu’il lui a appris le mot «masturbation» et non « fellation ». Il rappelle qu’il était venu le voir dans la Loire pour la préparation de son mariage, «ce qui m’avait fait penser à tort qu’il m’avait pardonné» explique l’ancien prêtre. 

« J’ai reconnu aussi des faits de viols (des fellations ) avec M.Cousseau. Je pensais qu’il m’avait pardonné car il avait repris le contact avec moi du fait de sa propre initiative» indique Bernard Preynat.


B.Preynat fait ensuite le point sur les faits prescrits et donne des précisions. 

« Votre différence d’âge avec C.Burdet pour vous c’était normal ? » demande une des avocates des parties civiles. « J’avais l’esprit tordu ! » s’exclame Preynat avant d’expliquer qu’il pensait que l’adolescent de 14 ans et demi était consentant. Des faits qui remontent à 1979, le prêtre avait alors 35 ans. 

« Concernant A.Hezez, vous l’avez rencontré, une rencontre qui l’a laissé dans l’attente de mots que vous n’avez pas prononcés, » demande Me Doyez : « Il est sans amertume m’a dit le Cardinal Barbarin. Le Cardinal a organisé la rencontre avec Mme Maire pour faire le lien ; j’ai reconnu les faits devant Alexandre. A la fin de l’entretien, en effet, je n’ai pas dit « je te demande pardon ». Je pensais l’avoir fait par cette rencontre et par un serrement de mains ; on me l’a reproché. J’ai eu tort, » raconte B.Preynat.
 


14H : la référence aux victimes prescrites

La présidente revient sur les victimes pour lesquelles les faits sont prescrits. Me Hezez a le premier décrit les agressions de Bernard Preynat. Il avait aussi le sentiment d’être un «chouchou». Il a évoqué caresses et masturbations… il pensait que B.Preynat était mort depuis longtemps.
Une autre victime prescrite décrit aussi le «gros ventre» de l’ancien prêtre et évoque «un charisme de malade».
M.Virieux a relaté de 5 à 10 agressions sexuelles et un sentiment de malaise énorme et décrit Preynat comme un vrai «gourou». Ce dernier a parlé des faits à sa mère ; le père Preynat aurait dit à sa famille que cela ne se reproduirait plus.

La lecture des descriptions d’attouchements se poursuit. La présidente revient sur le chèque envoyé à la famille Berger pour la prise en charge d’une partie des frais de consultation psychologique de l’ancien scout. La présidente fait d'ailleurs la lecture d'un courrier de Bernard Preynat à la famille. Bertrand Cornet s’est suicidé, sa mère s’est demandée si ce suicide n’était pas lié aux attouchements pratiqués par le père Preynat sur son fils. Les témoignages d'autres victimes prescrites sont lus par la présidente. Bernard Preynat écoute attentivement. Appelé à prendre la parole, il dénonce "une avalanche d'accusations".

 "Comme je l'ai fait pour les plaignants, je voudrais aussi demander pardon aux victimes dont les faits sont prescrits," déclare Bernard Preynat à la barre qui ne fait aucune différence entre les victimes.

Il revient sur les propos lus de Mme D. concernant un jeune garçon prénommé Jérémy B. Il se défend de l'avoir agressé. Les lectures de témoignages de victimes prescrites effectuées à la demande du parquet. Me Doyez demande que deux pièces supplémentaires soient vues, notamment les déclarations de M.Guérin. Des déclarations «sorties de son imagination».  


L’audience est suspendue (12h55), elle reprend à 14h.

12h30 A propos de Frédéric S., absent au procès

La présidente passe alors au cas de Frédéric S., absent et qui n’a pas contacté d’avocat. Retrouvé par F.Devaux sur « Copains d’avant ». Elle évoque les propos retenus lors de l’enquête et de l’instruction. Ce dernier a notamment évoqué des faits survenus à Rome, en 1990. Il avait 13 ans au moment des faits. Il a évoqué un homme très autoritaire. Bernard Preynat écoute avec attention la présidente qui revient sur les propos de F.Sarrazin lus par la présidente.

Il n’y a pas eu de confrontation entre Frédéric S. et Bernard Preynat. « Je reconnais ce qu’il dit, je reconnais aussi les baisers sur la bouche, c’est un des rares avec qui s’est passé ce genre de baiser, » explique Preynat ; Pourquoi ? demande la présidente. « Je ne sais pas, peut-être parce qu’il était plus âgé ? » « Aviez-vous des gestes adaptés à l’âge des jeunes que vous aviez devant vous ? » demande la présidente évoquant des faits de viols sur des jeunes plus âgés.
Bernard Preynat a dénoncé trois viols, l’un d’eux ne l’a pas dénoncé, précise le procureur.
L’avocat d’une association partie civile revient sur le caractère colérique de Bernard Preynat, souligné notamment par Frédéric S.
Frédéric S., enfant unique d’un couple divorcé. Marié et père de famille, il connaît une vie de couple stable et harmonieuse. Il n'a jamais parlé des faits à ses parents et il n’a pas souhaité que son cas soit médiatisé. L’expertise n’a pas révélé de troubles post-traumatiques.
La présidente demande des explications avec F. Devaux sur les raisons de l’absence de Frédéric S. 
 

12h15 : Stéphane Sylvestre à la barre

Ce dernier avec beaucoup d’émotions dans la voix, revient sur l’épisode de la révélation des faits à ses parents. « J’ai pu en parler et être crû tout de suite, j’ai ensuite laissé la responsabilité à mes parents qui ont écrit à Preynat, » raconte S.Sylvestre. « Nous n’avons plus ces courriers, » précise la présidente. Pour la partie civile, cette affaire était classée. Quand il a été contacté par la police, on lui a indiqué dans un premier temps que ses faits étaient prescrits. Il a pu dans un second temps porter plainte. En 2003, S. Sylvestre parle de l’affaire à son épouse. Il n’a pas cherché à revoir Bernard Preynat et pensait aussi comme les autres être la seule victime. « J’avais le sentiment d’être unique, » résume-t-il. « on est un pantin dans un corps, on attend que ça se passe, » raconte Stéphane Sylvestre évoquant les sensations ressenties lors des faits.

Stéphane Sylvestre a aussi une peur pathologique devenir lui-même agresseur. Depuis l’instruction, il est devenu le père de jumeaux, deux petits garçons de deux ans… « parfois quand on les change, on a des flash qui apparaissent, des choses qui remontent », explique-t-il la voix serrée.  Une nouvelle fois, Bernard Preynat reconnaît les faits et réitère ses excuses et sa demande de pardon.


12 h - L'exposé des faits concernant le cas de Stéphane Sylvestre

Bernard Preynat a été confronté à Stéphane Sylvestre durant l'enquête : « Je n’ai pas eu le souvenir qu’il faisait partie de ceux à qui j’ai touché le sexe, » avait déclaré Bernard Preynat. S. Sylvestre a évoqué deux faits durant l’enquête. Le deuxième fait s’est déroulé en Irlande. Bernard Preynat n’a pas le souvenir exact des faits mais reconnait qu’il y a eu des faits.
« Trois ou quatre victimes évoquent des faits durant un camp de louveteaux en Irlande à l’été 90, avons-nous là toutes les victimes de ce camp ici ? » demande la présidente. Bernard Preynat reste évasif.

En évoquant les réparations aux victimes, «une victime (M Berger) m’a demandé de pouvoir le rencontrer à St-Etienne chez son psy. Au début de l’entrevue, il a refusé de me serrer la main, la conversation s’est déroulée devant son psy. A la fin, il m’a serré la main et m’a tapé dans le dos. Son père m’a demandé de participer aux frais de la psychothérapie. J’ai envoyé un chèque» raconte Bernard Preynat.

Le procureur note qu’il ne s’agit pas d’un acte spontané. Bernard Preynat indique qu’il ne sait pas comment il aurait pu faire autrement, sauf à contacter chaque victime. Enfin, ce dernier indique qu’il a revu Vincent Berger, en 2015, ce dernier voulant savoir si les actes avaient recommencé. Il note la présence d’une journaliste ce jour-là.
 

Très ému, Stéphane Hoareau arrive enfin à la barre pour témoigner (11h30)

D'emblée, il entend faire une précision. Les agissements de Bernard Preynat étaient des masturbations et pas des caresses. Il évoque quatre à cinq faits avec Bernard Preynat. 
 


Concernant son parcours, cette partie civile a un passé compliqué et l'explique devant le tribunal. «J’ai été placé à l’âge de 4 ans, suite à un autre prédateur…" explique Stéphane Hoareau, un homme fragile placé aussi en foyer avant d’être placé chez Me C. Retour ensuite en foyer. Il raconte avoir été à la rue dès l’âge de 18 ans et s’est engagé dans l’armée. L’éducateur qui aurait dû s’occuper de lui, jeune majeur, "s’est retrouvé en prison"… même son nom est erroné : Hoarau et non Hoareau ! Le tribunal prend note. « Il y a des gens qui ne sont pas nés sous la bonne étoile,» résume Stéphane Hoarau avec une pointe d’ironie. Il est aujourd’hui marié et père de famille, d'ailleurs très investi dans son rôle de père. Mais il explique avoir eu du mal à les confier à autrui, à avoir des contacts physiques avec eux. «Un peu par crainte».
Stéphane Hoarau avait déjà été victime avant d'être confronté à Bernard Preynat, « pour vous c’était clair, » constate la présidente.

Stéphane Hoarau a du mal à contenir son émotion, son avocat Me Sauvayre ne le quitte pas et est présent à ses côtés à la barre. La partie civile évoque aussi le sentiment de solitude, connu depuis toujours sauf en foyer où il a eu le sentiment de vivre dans une famille… Stéphane Hoarau explique n’avoir jamais pu parler de ce qui s’était passé avec Preynat.  

Bernard Preynat revient à la barre : « je ne connaissais pas les difficultés qu’il a eu ensuite comme adolescent ou adulte ; je voulais lui dire combien je regrettais ce qui s’était passé avec lui. Je voulais lui demander pardon."  Stéphane Hoarau a également déclaré durant l’enquête que Me C. en l’envoyant chez les scouts voulait « le redresser ». Bernard Preynat ne pense pas avoir eu la réputation d'être un homme dur. 
 

La mise en cause du sacerdoce de Bernard Preynat (10h30)

Me Sauvayre, avocat de Stéphane Hoareau, revient sur la fragilité de son client lors de son enfance. « J’ai complètement manqué à mon devoir, à la responsabilité que j’avais envers lui puisque je l’ai agressé, » répond Bernard Preynat.

« Comment on choisit sa victime ? On a le choix parmi tous ces enfants » demande abruptement Me Sauvayre. « ça ne s’explique pas vraiment, » répond Preynat. « Il y avait énormément d’enfants, j’étais loin de tous les agresser, Dieu Merci ! »
 

« Je ne me suis jamais donné en exemple. J’étais tourmenté du fossé entre mes actes coupables et mon ministère, » répond B.Preynat aux questions de Me Sauvayre sur les fonctions de Bernard Preynat au sein de l’Eglise.

« Comment on s’arrange avec le Bon Dieu ? » poursuit Me Sauvayre. « Je voudrais préciser que je n’ai jamais agressé d’enfants dans le cadre du catéchisme, » précise l’ancien prêtre.

« L’aspect public (des révélations) vous a-t-il conduit à cette abstinence en 91 ? » demande Me Sauvayre. « Ça a beaucoup joué, avec les enfants qui partaient du groupe, mais c’est surtout à cause des réactions des familles, j’ai compris que je les avais trompés et j’ai pris la résolution d’arrêter, » explique Bernard Preynat.
Déçu par des soins en 1967 – 1968, « je pensais être guéri mais quelques mois après, ça a recommencé, » explique à nouveau Bernard Preynat… il explique ne pas avoir voulu renouveler cette expérience de soins en 1990 pour cette raison. 

« Vous savez que vous êtes fragile et vous acceptez ces postes où vous avez une proximité avec ces enfants ? » demande Me Sauvayre qui parle de « tentations ». « Je n’organisais pas ce groupe scout pour avoir des enfants sous mon autorité et pouvoir en jouir, » explique Preynat. « Mais le Diable tentateur était là ? C’est Vous le Diable…» retorque Me Sauvayre. Bernard Preynat se dit « sans réponse » sur le fait d’être attiré par de jeunes garçons.

« Je n’ai pas été capable de résister et peut-être on ne pas apporter de l’aide. Tout seul c’est difficile » explique Preynat "surtout quand on est très jeune".


Me Sauvayre a des mots très durs et parle d’imposture de son sacerdoce. L’ancien prêtre regrette à la barre de ne pas avoir été accompagné et écouté.

« Ma vie n’a pas été une imposture, ma vie a été un drame, pour moi, pour les victimes, pour l'Eglise, pour la société, » déplore Bernard Preynat qui explique que déjà ses supérieurs avaient connaissance de sa situation au séminaire.
 

 « On a le sentiment que dans les excuses que vous formulez, qu’à chaque fois vous demandez pardon, ce pardon faisait appel à la notion de pardon chrétien de la foi des familles… » constate à son tour le Procureur qui questionne Bernard Preynat. «Quand j’ai demandé pardon, je n’ai jamais fait appel à des sentiments chrétiens, » répond Bernard Preynat. Le Procureur poursuit : « Vous dites "on ne m’a pas tendu la main", mais M.Preynat, votre hiérarchie vous faisait confiance. Vous lui reprochez aujourd’hui d’avoir cru en vous, dans les assurances données ». « Je ne veux pas qu’on imagine que je fais des reproches à l’Eglise pour le dédouaner, » explique B.Preynat, «je ne veux pas accuser l’Eglise pour me disculper… ».

Me Doyez intervient : « On peut à chaque instant de l’audience se lancer dans un mini-plaidoyer. Il y a un ordre qui n’est pas respecté… » « Parfois quand on pose une question, il faut écouter la réponse… et j’avais le sentiment que ce n’était pas l’objectif ! ».

Question à Bernard Preynat de son avocat : « êtes-vous un agresseur en série ? » « Je n’ai pas l’habitude de faire une file d’attente et d’agresser les enfants les uns après les autres. Ça n’arrivait pas tous les samedis, » repond Preynat.

« A l’issue de vos confessions présentiez-vous vos agissements sous l’aspect d’un pêché ou d’une agression ? » demande Me Doyez à son client. « Un pêché. Mon confesseur me donnait des encouragements pour que ça ne recommence pas, » répond Bernard Preynat. « On ne vous a jamais dit ça ne relève pas de la confession mais du jugement» demande Me Doyez. « On m’a dit plusieurs fois que j’étais malade, je recevais l’absolution. Mais je n’allais pas me confesser toutes les semaines» explique Bernard Preynat.
 

9h40 : Reprise du procès avec les faits concernant Stéphane Hoareau 

Les faits concernant Stéphane Hoareau vont être étudiés.
Stéphane Hoareau a déposé plainte en avril 2016 ; Il a décrit des attouchements de la part du Père Preynat. Il avait entre 8 et 11 ans. Il faisait à l’époque l’objet d’un placement dans une famille d’accueil. « Il n’arrivait plus à remettre un nom sur Vous, » indique la présidente à Bernard Preynat. «C’était un homme d’Eglise qui portait la soutane, il avait un gros ventre…». Durant l’enquête, il évoque des faits rapides à chaque fois car la famille d’accueil l’attendait sur le parking. Il a reconnu Bernard Preynat sur une photo d’un article de presse.
« Je ne me suis jamais méfié de lui, j’avais confiance… c’était toujours un prétexte, il avait besoin d’un coup de main » a-t-il expliqué. Les faits ont débuté en 87. S.Hoareau a évoqué dans ses diverses déclarations des caresses sur le ventre, les fesses et le sexe, et des baisers (la langue dans la bouche).
Bernard Preynat a indiqué se souvenir de lui durant l’enquête. Six lignes de réponses devant le juge d’instruction figurent dans le dossier.
« Je me souviens bien de lui, je reconnais que j’ai commis sur lui des agressions, je ne pourrais pas dire comment ça s’est passé, » explique Bernard Preynat qui conteste le détail sur la soutane. Il indique également que des agressions ont pu se produire à son domicile, ce qui n'avait jamais été dit auparavant dans cette affaire.

S.Hoareau décrit quatre faits. B.Preynat n’est pas formel : « ce qu’il dit est tout à fait possible, je ne le mets pas en doute ». « Comment pouvez-vous vous souvenir du nombre d’enfants ? » s’interroge la présidente. « Quand je pense à M.Hoareau je pense à plusieurs agressions, mais je ne sais pas combien se sont produites, » indique l’ancien prêtre.
Le jeune Hoareau âgé de 8 ans était dans une situation difficile à l’époque, confié à une famille d’accueil (composée de la seule Mme C.) qui avait décidé de l’inscrire chez les scouts. « Je connaissais sa situation, » précise B.Preynat. « On peut présumer qu’il était dans une situation fragile, pour autant vous l’avez agressé, ça n’était pas un frein, les situations fragiles ? » demande la présidente ; Bernard Preynat acquiesce.
« Finalement vous étiez attiré par tous ? » demande la présidente. B.Preynat ne sait pas expliquer.

L'audience doit reprendre à 9h30 ce mercredi 15 janvier


Ce matin, ce sont les cas de deux dernières victimes de Bernard Preynat qui seront examinées par le tribunal. Il sera également question de la responsabilité de l'Eglise. Enfin, dans l'après-midi, la personnalité de Bernard Preynat fera l'objet des débats.

Mardi 14 janvier, Bernard Preynat, qui comparaît pour des faits d'agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité, affronte le regard et les questions de ses accusateurs. Face au septuagénaire, dix anciens scouts de la Paroisse Saint-Luc, qui évoquent des faits datant des années 80 - 90. Hier, François Devaux, Pierre-Emmanuel Germain Thill, Benoît Repoux ou encore Anthony Gourd ont raconté leurs souffrances, les caresses sur le sexe pour certains, les cuisses, sous le short, les étreintes malsaines, les baisers sur la bouche... Ils ont évoqué l'emprise de l'ancien prêtre et comment à chacun il disait : "tu es mon préféré".  À chaque témoignage, Bernard Preynat a demandé "pardon" aux victimes, en minimisant parfois les faits ou en indiquant qu'il ne se rappelait pas. 
Dix parties civiles, sur 35 victimes entendues pendant l'enquête, sont constituées au procès. Beaucoup de faits sont frappés de prescription. Le prévenu assure avoir "tout arrêté" en 1991. L'enquête n'a retenu aucun fait par la suite.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité