L'Agence Nationale de sécurité du Médicament lance une campagne d'information sur l'"Androcur", qui peut augmenter le risque d'une forme de tumeur. Dans le Rhône, une victime présumée a décidé de porter plainte contre l'entreprise Bayer. 

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L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament a récemment annoncé que le médicament "Androcur", prescrit notamment pour des problèmes hormonaux chez les femmes, augmentait significativement les risques d'une forme de tumeur au cerveau. Dans le Rhône, une victime présumée a décidé de porter plainte contre l'entreprise Bayer, notamment pour "défaut d'information".



Un cas parmi d'autres ?

Nathalie Grillot, âgée de 50 ans, habite à Villefranche sur Saône, dans le Rhône. A partir de 2002, elle s'est vu prescrire le médicament "Androcur". Elle l'utilisera pendant 15 ans, jusqu'à l'apparition d'un méningiome, une forme de tumeur au cerveau, qu'elle découvre en 2016. Tout de suite, son conseil médical lui conseille d'arrêter l'Androcur. Puis, au fur et à mesure des informations qu'elle reçoit, elle acquiert la conviction que c'est ce médicament qui a causé la maladie.



"Je ne peux pas laisser d'autres femmes l'utiliser sans savoir"

La tumeur de Nathalie Grillot a été retirée, mais les séquelles liées à l'opération ont bouleversé sa vie. Fatigue chronique, vertiges, douleurs diverses... Les troubles sont nombreux. Informaticienne et chef de projet, elle ne parviendra pas à reprendre pleinement ses responsabilités. Aujourd'hui au chômage, elle tente de reconstruire une activité professionnelle compatible avec ses nouveaux handicaps. Et elle se bat pour que d'autres femmes ne vivent pas son calvaire. Avec d'autres victimes présumées, elle a créé l'association Avamea, en janvier dernier.

"Quand j'ai compris le lien avec Androcur, je me suis dit : je ne peux pas laisser d'autres femmes prendre ce médicament sans savoir. Dans celles qui marchent dans la rue, il y en a combien qui continuent à l'utiliser !? L'association, c'est pour informer, soutenir les autres patientes, et se battre ensemble."


 
Un risque multiplié par 20

En effet, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a récemment conclu que l'Androcur augmente les risques de tumeurs au cerveau appelées "méningiomes". L'Androcur (laboratoire Bayer) et ses génériques prescrits pour combattre une pilosité excessive sévère (hirsutisme) ou, hors de son indication officielle, pour l'endométriose ou l'acné, peut multiplier jusqu'à 20 (après 5 années de traitement), et même davantage, la probabilité de tumeurs intracrâniennes chez les femmes traitées à hautes doses.
           


Bayer savait-il ?

L'étude de ce risque, rendue publique fin août 2018, a été réalisée par l'ANSM et l'Assurance maladie. Elle permet, pour la première fois, de quantifier le risque lié à la prise du médicament. Mais la suspicion de risque, elle, était déjà connue depuis longtemps. "Dès 2008, des articles scientifiques ont alerté sur des risques de tumeurs au cerveau liées à la prise de l'Androcur. Si j'avais été informée, j'aurai pu arrêter le traitement plus tôt. J'ai l'impression d'avoir été prise pour un cobaye", s'indigne Nathalie Grillot. 



Des plaintes déposées

"Je veux que justice soit faite". Nathalie Grillot a décidé de porter plainte contre l'entreprise Bayer. Elle va ainsi rejoindre la démarche d'au moins 3 autres victimes présumées du médicament Androcur, qui ont déjà assignées l'entreprise Bayer devant le tribunal de grande instance de Bobigny, en avril dernier, pour "défectuosité du médicament" et "défaut d'information" sur les risques encourus. Leur avocat commun, Charles Joseph-Oudin, a lancé la procédure au civil. Le procès doit débuter à l'automne prochain. 


 
Au moins 500 cas attribués à l'Androcur

Le nombre de méningiomes opérés ou traités par radiothérapie attribuables à l'exposition prolongée à l'Androcur à forte dose atteint 500 au minimum, notent Alain Weill et Joël Coste de l'Assurance maladie (Cnam) dans une synthèse de l'étude datée de mars. Cette estimation exclut les tumeurs surveillées médicalement.
                 
Mardi 18 juin, les résultats d'une enquête de pharmacovigilance devaient être présentés et discutés avec des représentants de patients. Elle porte sur les méningiomes sous Androcur déclarés entre août et fin octobre 2018.

Entre 2006 et 2014, plus de 400 000 femmes ont été traitées avec de l'acétate de cyprotérone. Un nombre qui confirme une "très large utilisation hors AMM", d'après l'Assurance maladie. Sa prescription "hors AMM" (hors indications officielles) comme contraception ou contre l'acné n'est pas justifiée, souligne la Dr Isabelle Yoldjian cheffe de pôle des médicaments en endocrinologie-ANSM. Mais pour l'endométriose sévère et résistante aux traitements habituels, cette molécule peut parfois se justifier.



Plus de 80 000 patient(e)s vont être informé(e)s

Dès le 1er juillet, tout patient débutant un traitement avec Androcur ou ses génériques devra être informé du risque de tumeur lié à ces médicaments et bénéficier d'un examen d'imagerie cérébrale, selon l'Agence du médicament. Une fiche d'information sur le risque de méningiome (tumeur le plus souvent "bénigne") de ces médicaments devra désormais être remise par les médecins prescripteurs à leurs patients.
 
"Cette information concerne principalement les femmes, l'acétate de cyprotérone, principe actif de ces médicaments, étant minoritairement prescrit aux hommes", a expliqué le Dr Jean-Michel Race, endocrinologue de l'ANSM à nos confrères de l'AFP. 

L'IRM cérébrale doit être systématique pour ceux qui débutent un traitement et envisagée pour les patients traités si le traitement est poursuivi. Tant que le traitement est maintenu, l'IRM suivante intervient au plus tard 5 ans après la première, puis tous les deux ans si l'IRM précédente est normale.
           
 

"Ce n'est pas un scandale sanitaire"

Jeudi 20 juin, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a invité les patients qui prennent de l'Androcur "à se rapprocher de leur généraliste" en, tout en soulignant "qu'il n'y avait pas d'urgence". "Ce n'est pas un cancer. Ce n'est pas un scandale sanitaire", a-t-elle relativisé auprès du journal CNews.

Sur son site, l'ANSM indique que "pour toute question, les patients sont invités à se rapprocher de leur médecin ou de leur pharmacien. Ils ne doivent en aucun cas arrêter leur traitement sans l'avis d'un médecin".
           
Enfin, un numéro vert, mis en place par l'ANSM à la fin 2018,  est accessible gratuitement du lundi au vendredi de 9h à 19h pour répondre aux questions des patients et de leur entourage : 

Numéro vert : 0 805 04 01 10

Reportage de Mathieu Boudet et Daniel Pajonk
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