Les Hospices Civils de Lyon organisent la 3ᵉ édition de la "Health Transplant Run" le 22 septembre prochain. Une course et un parcours de marche pour sensibiliser le public à l'insuffisance cardiaque et à la greffe du cœur. Victime d'une crise cardiaque, je vous explique pourquoi je participerai.
Dimanche 22 septembre, les Hospices Civils de Lyon organisent le "Hearth Transplant Run". Une manifestation crée par des soignantes du service rythmologie de l'hôpital Louis Pradel. Convaincues de la nécessité d'entretenir son corps et son cœur, elles souhaitent sensibiliser le public aux problèmes de l'insuffisance cardiaque qui "peuvent toucher n'importe qui, n'importe quand". Journaliste à France 3 Rhône-Alpes depuis une vingtaine d'années, je peux témoigner. J'ai vécu une crise cardiaque. J'en suis revenu. Et si on en parlait ?
– ”Le Samu, bonsoir”...
– ”Je n’arrive plus à respirer… À l’aide”
– "On arrive"...
Noir complet et silence absolu. Je ne sais pas si mon cœur bat toujours. Une chose est certaine : je suis inanimé. Peut-être même déjà mort.
Le cœur du réacteur
Depuis quelques semaines, une toux persistante me gêne. Des râles, des crépitements dans les poumons, une fatigue écrasante et des maux de tête permanents. Mon médecin traitant est dubitatif. Allergie ? Asthme ? Il faudra arrêter le tabac. Il faudra baisser mon rythme frénétique au travail. Et sûrement songer à faire un peu d'activité physique. Saleté de fatigue.
Mes nuits sont difficiles, la position allongée m’est pénible. Je ne peux trouver un semblant de sommeil qu’en étant assis. C’est l’hiver. Il fait froid. Le brouillard enveloppe toute la ville. Saleté de brouillard. Il me fait tousser encore plus. Ma respiration est saccadée, de plus en plus difficile. Mais la veille, j'ai quand même trouvé la force de sortir pour une soirée arrosée entre collègues. Je n'ai rien vu venir. Emporté par le tourbillon du quotidien, on minimise ces signaux que nous envoie notre réacteur. Le cœur a ses raisons. Encore faut-il les déceler pour anticiper. "Le SAMU, bonsoir"...
"Ils m'ont sauvé"
Après deux heures à tourner dans tous les sens, espérant trouver un sommeil réparateur, je dois me rendre à l’évidence. Il y a un gros problème. On dirait un petit chien qui vient de courir après les lapins. Langue pendue, gorge sèche, quelques hallucinations. Je ne vais pas bien. Je trouve la force. Je saisis mon téléphone, je compose difficilement le 15. Sans le savoir, à ce moment-là, ils m’ont sauvé. "Je n'arrive plus à respirer… À l'aide"...
Le noir s’est installé. Le silence avec. Un silence jamais éprouvé auparavant. Je n’entends même plus les battements de mon cœur. C’est la fin des souffrances. Je n’ai plus mal, je ne ressens plus rien. Et si elle était là la plénitude ? "On arrive"...
"Un tunnel sombre"
Des silhouettes blanches tournent autour de moi avec attention et délicatesse. D’autres, noires celles-ci, essaient de me saisir sans y parvenir. Je m’échappe. Je pars. Je vole. Soudain, au fond d’un tunnel tout sombre, une lumière. Elle est vive, puissante. Des sons résonnent. Ils sont réguliers. Des voix se font entendre, dont une plus forte, grave et presque sévère, celle d’un homme : “Vous êtes avec nous ?"
"Un peu de vie avec moi"
J’entrouvre les yeux, la lumière est celle d’une lampe torche placée juste devant ma pupille. Les sons proviennent d’un appareil ou s’agitent des courbes lumineuses. Les silhouettes blanches sont celles des médecins du SAMU, les noires celles des pompiers qui m’ont déjà installé sur un brancard. Je ne peux pas parler. Un masque à oxygène m’en empêche. Je suis entouré de fil et de tuyaux. Mais je respire. “On l’a récupéré” dit la même voix grave d’un ton moins sévère, presque soulagé.
Je ne sais pas combien de temps cela aura duré. On me sort de la maison sur le brancard. En passant par mon petit jardin, je ne peux m’empêcher de saisir au passage la branche d’un arbre. Un des secouristes me demande pourquoi. Je lui réponds, tant bien que mal : "j’emporte un peu de vie avec moi".
"Comme une renaissance"
Dans l’ambulance qui m’emmène vers l’hôpital, sirène hurlante, je sens des larmes couler sur mes joues. Je n’ai pas de sanglot, mon souffle est encore trop court. Tout est flou autour, mais je devine le médecin assis à côté de moi. Il me regarde avec un sourire bienveillant. Il m’explique que j’étais en train de mourir asphyxié, noyé par mon propre sang qui pénétrait dans les poumons. Je mesure à quel point je suis bien. Revenu à moi, à la vie, comme une renaissance. Je n’ai plus mal.
"Rassurer ceux qui redoutent"
Je vais être pris en charge pour “un œdème pulmonaire aigu suite à rupture de valve”. De quoi, un jour, écrire cette histoire. Il faut la partager. Cette nuit-là, il n’y avait plus de projet, sauf celui, instinctif, de survivre. Alors, oui, écrire. Pour rassurer ceux qui redoutent. Pour expliquer à ceux qui craignent. Pour remercier aussi ceux qui soignent. Cette histoire est la mienne, elle m’a réappris à vivre. Elle m’a fait grandir. Mais chaque année, en France, des milliers de personnes en font l’expérience. Même si l’on ne revient pas indemne d’une telle aventure. Je n’ai plus peur de la mort. Je reviens à la vie grâce au monde hospitalier. Autant de personnes, autant de héros.
Après une opération à cœur ouvert pendant trois heures, quatre jours de "réa", des semaines de rééducations, vient le temps de la cicatrisation.
"Faites de la marche"
Je pense toujours à ce chirurgien qui m'a opéré, à ces infirmières qui m'ont soulagé, à ces aides soignants qui m'ont rassuré. Et à tous ceux qui y sont restés. Parfois, dans la chambre d'à côté, en cardiologie, l'alternance des bips des machines se transformait en un long sifflement strident qui faisait s'animer, d'un coup, tout le service.
Mais, voilà, moi, je suis là. En voyant que les HCL organisaient une course pour sensibiliser à l'insuffisance cardiaque et à la greffe, je me suis rappelé les bons mots de mon cardiologue : "faites de la marche, c'est bon pour votre cœur, une demi-heure par jour". Mon cher Docteur, je vous écoute, j'irai marcher le dimanche 22 septembre, pour un parcours de 5 km. À bien y regarder, c'est un peu ce que je fais au quotidien pour me rendre au travail. Mais là, j'irai marcher pour faire avancer la recherche. Les 15 euros des frais d'inscription seront reversés à des associations qui font battre les cœurs.