Des magistrats des tribunaux administratifs sont en grève ce lundi 18 décembre pour protester contre certaines mesures du projet de loi immigration. À Lyon ils étaient une vingtaine à manifester leur mécontentement devant le palais de justice.
Les magistrats de Lyon en grève ce lundi 18 décembre, contre une partie de la loi immigration, dénoncent un texte qui selon eux porte atteinte aux principes fondateurs de la justice française, sans pour autant régler les problèmes des tribunaux administratifs. Ils se sont rassemblés devant le palais de justice.
Commission mixte paritaire
Alors que le projet de loi "pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration", doit être examiné en commission mixte paritaire ce lundi 18 décembre (suite à la motion de rejet de l’Assemblée nationale), le Syndicat de la Juridiction Administrative (SJA) et l'Union Syndicales des Magistrats Administratifs (USMA) ont appelé à la grève pour dénoncer un texte qui "impacterait négativement des principes essentiels de la justice administrative".
📢 Les organisations syndicales de magistrats administratifs se mobilisent contre plusieurs dispositions procédurales du #PJLimmigration !
— USMA (@SyndicatUsma) December 14, 2023
L'USMA et le @SyndicatSJA ont déposé un préavis de grève commun pour le lundi 18 décembre : https://t.co/hqrjWRDLPw
Notre communiqué ⤵️ pic.twitter.com/utbb2rmOqj
Dématérialisation de la justice
Un mouvement de protestation national, suivi par une partie des magistrats administratifs lyonnais qui se disent "particulièrement concernés par la mesure qui prévoit, pour les étrangers sous le coup d'une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), la tenue d'audiences délocalisées ou, à défaut, de visio-audiences". Les Magistrats sont particulièrement concernés à Lyon, parce que deux centres de rétention administratifs se trouvent dans la capitale des Gaules, et que ces contentieux des étrangers représentent 45% des affaires dans les tribunaux administratifs. "Nous sommes un syndicat apolitique professionnel" rappelle Gabrielle Maubon, secrétaire générale du SJA qui manifeste à Lyon ce lundi, "on ne se mobilise pas sur la politique migratoire mais contre des dispositions spécifiques, et pour défendre la qualité de la justice".
"C'est la confiance en la justice qui est mise à mal"
C'est la généralisation de ces audiences délocalisées hors des tribunaux, voire effectuée en visioconférence directement depuis les centres de rétention administratifs qui est la cible de la plupart des critiques. "C'est à l’indépendance et à la crédibilité de la justice aux yeux des justiciables qu’il est porté atteinte" écrivent les deux syndicats majoritaires dans leurs communiqués. Pour ces magistrats, la mesure impliquerait de nombreux effets hautement néfastes au bon fonctionnement de la justice.
"Le SAF, qui dénonce depuis plus d’un an ce projet de loi, soutient l’appel à la grève lancé par l’USMA (@SyndicatUsma) et le SJA (@SyndicatSJA), qui sont mobilisés pour la défense d’une justice de qualité pour toutes et tous." 🔊📢💪https://t.co/8M2LX07GPe
— SAF Paris (@Saf_Paris) December 18, 2023
Pour ce qui est des visios-audiences, que les magistrats lyonnais qualifient d'audiences "dégradées" : "C’est la confiance en la justice qui est mise à mal lorsque la figure du juge apparaît au loin, derrière un écran, et que l’avocat est lui aussi de l’autre côté de l’écran" estiment les syndicats. Mais ce n'est pas le seul reproche qu'ils émettent. Selon eux, la confidentialité des échanges entre un avocat et son client ne serait pas garantie lorsque l'échange se fait par ordinateurs interposés, et sous escorte policière pour ce qui est du client. "La justice est un service public qui ne peut pas être dématérialisé" martèle la représentante syndicale du SJA à la manifestation des magistrats devant le palais des juridictions administratives de Lyon.
Le principe de débat contradictoire menacé
D'autres problèmes sont soulevés, ils concernent à la fois les audiences par visioconférence, et celles délocalisées en dehors des palais de justice, souvent directement dans les centres de rétentions, loin des centres-villes et difficile accessibles. "Des locaux qui ne ressemblent pas vraiment à des lieux de justice, qui n'ont de salle d'audience que le nom" précise Gabrielle Maubon. Bien souvent aucun dispositif d'accueil du public (ou des journalistes) n'y est prévu, ce qui remet grandement en question le principe de publicité de l'audience. Pour les syndicats de magistrats administratifs, ce n'est plus seulement la clarté, mais l'existence même d'un débat contradictoire, indispensable à toute procédure de justice, qui est "mise en péril lorsque ni juge, ni avocat, ni interprète ne sont présents aux côtés du requérant".
Un projet de loi en question
"Il y a un risque réel de dégradation de la qualité de la justice" estime la secrétaire générale du SJA, présente à Lyon, "c'est par petites touches comme cela que l'on peut saper petit à petit les fondements d'un service public". Pour les syndicats des magistrats administratifs, le projet de loi sur l'immigration, en tout cas en son état actuel, n'est finalement "qu'une atteinte au principe d'égalité devant la justice", dans le seul but d'effectuer des réductions budgétaires.
C'est là l'autre grande critique formulée dans le communiqué de grève, le projet "ne procède pas à une véritable simplification des procédures en matière de contentieux des étrangers". C’est-à-dire qu'il ne permettrait même pas d'améliorer les délais de justice dans des tribunaux administratifs débordés. "L’occasion est manquée de mettre enfin en place des délais de recours et de jugement adaptés au degré réel d’urgence à statuer" concluent les syndicats. Cette loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration" ferait selon eux plus de mal que de bien.