Dans les Alpes, les Italiens appelés aux urnes pour élire leurs représentants

Eux aussi sont en campagne ! D'ici le 3 décembre prochain, ils sont plus de 100 000 Italiens de la région consulaire de Lyon à devoir élire leurs représentants dans les Comites (Comité des Italiens à l'étranger). Une représentation élue depuis le milieu des années 80, et qui arrive à un tournant de son histoire avec l'arrivée en France d'une nouvelle génération d'expatriés.

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Ce n'est pas une campagne à grands coups d'annonces fracassantes ou de débats télévisés qui va secouer vos médias favoris. Et pourtant, avec une année de retard pour cause de pandémie, les quelques 90 000 Italiens recensés par le consulat d'Italie à Lyon sont bel et bien convoqués aux urnes.

C'est en Savoie que le scrutin est le plus emblématique de l'évolution de la "little Italy" alpine. Avec une communauté d'environ 14 000 inscrits, les Savoie sont en effet les quasi seuls départements français qui ont réussi à conserver leur Comité des italiens à l'étranger. Celui de Grenoble a été fondu dans celui de Lyon quelques années après la disparition du consulat d'Italie du Cours Jean Jaurès.

7 Comites en France : Paris, Lyon, Marseille... Chambéry, mais pas Grenoble !

"Le maintien du Comites de Chambéry est significatif des liens historiques qui unissent la Savoie à l'Italie (l'annexion de la Savoie et de Nice par la France n'a guère plus d'un siècle et demi et Chambéry était la première capitale du royaume de Piémont-Sardaigne bien avant Turin, NDLR), explique Graziano del Treppo, le président sortant du Comites des Savoies. "Mais on ne l'a pas pour autant, gardé sans se battre" , ajoute aussitôt l'ancien syndicaliste de la CISL (la CFDT italienne).

Car elle est bien là, la vocation de ces Comités des Italiens d'ailleurs : faire remonter les doléances de cette deuxième Italie, invisible sur une mappemonde, mais bien réelle avec ses 6 millions de citoyens expatriés sur les 5 continents.

"Le rôle d'un Comites, c'est d'abord d'assister dans leurs démarches administratives ou d'installation nos ressortissants vivants en France", explique-t-on au Consulat d'Italie de Lyon. "C'est un instrument de médiation privilégié entre le citoyen et les institutions du pays".

Une "little Italy" de France de moins en moins... petite

Avec 500 000 ressortissants déclarés, la France se place encore parmi les grands pays d'accueil des italiens. "Ces 5 dernières années", commente encore Graziano del Treppo, "on a assisté à un vraie envolée des effectifs italiens en France. On est passé de 370 000 en 2015, à 500 000 !".

Les Savoie n'ont évidemment, comme dans tous les épisodes historiques de l'émigration italienne n'a pas fait défaut. Ce sont ainsi, 14 000 Italiens qui vivent désormais officiellement dans les départements 73 et 74.

"Mais cette nouvelle vague d'émigration n'a rien à voir avec celles qu'ont connu nos parents ou grands-parents", explique volontiers Sara Fonsato.

Recherche d'emplois stable et revenus de transfert: deux atouts français

Une candidate à la présidence du Comites des Savoie dont l'itinéraire résume à lui seul la nature du mouvement d'expatriation actuel de ses concitoyens. Originaire d'Asti (Piémont), la jeune professeure de lettres du lycée Vaugelas de Chambéry est d'abord venue étudier en Savoie, avant de décrocher son diplôme binational et de s'y installer définitivement en 2013.

"Ce qui m'a poussé à venir en France n'est pas très différent des motivations qui animent les quelques 100 000 jeunes italiens qui franchissent les frontières", explique la candidate. 

"Les rémunérations plus élevées ici ne sont pas la seule explication. La stabilité des emplois, le moindre recourt au travail non déclaré sont aussi de forts déclencheurs pour les candidats au départ." "Et puis, ajoute-t-elle, il ne faut pas croire que les jeunes italiens sont des "bamboccioni" (des "Tanguy") par nature !"

Une façon de souligner que l'Etat italien est souvent beaucoup moins généreux que le français pour aider les jeunes à quitter le domicile de leurs parents. "En Italie, si vous n'avez pas de parents ou de grands-parents pour vous aider à garder vos enfants en bas âge par exemple, la vie de famille peut devenir très compliquée".

Des "expats", plus des "migrants"

Pour toutes ces raisons, et pour d'autres encore, c'est donc une nouvelle génération de migrants italiens qui quittent le pays. Ils sont encore maçons, parfois, mais aussi pizzaioli, serveurs, ingénieurs, professeurs ou médecins.

Les 16 candidats de la liste de Sara Fonsato, (pour 12 sièges au Comites des Savoies) devront représenter les désormais, mille-et-une facettes de la communauté italienne des deux départements alpins.

"Pour tous ceux de ma génération," explique Graziano del Treppo, "nous étions des émigrés italiens. Maintenant, les Italo-Savoyards d'aujourd'hui s'appellent eux-mêmes des 'expats' !" 

Un changement de style, qui appelle un renouvellement nécessaire, d'après celui qui reste la figure des Italiens de Savoie après presque deux décennies à la tête du Comites des Savoie.

"Un ancien consul d'Italie disait volontiers lors de ses discours en ma présence, que je représentais les italiens de Savoie depuis l'unité italienne", explique-t-il en souriant. "Une façon de dire qu'il était temps pour lui de passer la main, face à la nouvelle donne des migrations italiennes".

"Mais j'ai une grande confiance dans cette jeune génération. Comme nous, ils se feront leur place en Savoie à leur manière, pour peu qu'ils jouent collectif en allant voter par exemple. Car trop nombreux sont les jeunes Italiens arrivant en France qui ne se déclarent pas à la sécurité sociale ou à l'Ursaff alors que les lois européennes leur en donnent le droit, s'il sont présents sur le territoire plus de deux ans."

Insouciance de la jeunesse, ou individualisme forcené ? Les Italiens de France ont jusqu'au 3 décembre pour dire, au-delà, de toute obédience politique, à quelle sauce ils entendent continuer de cuisiner, en France, le "spaghetto" qui toujours les unit à leur mère patrie.

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