La droite populiste suisse, l'UDC, résolument anti-immigration et anti-Union Européenne, a enregistré ce dimanche 19 octobre une progression spectaculaire aux élections législatives, qui la conforte comme premier parti de la Confédération Helvétique.
L'UDC obtient près d'un tiers des sièges du Conseil National, selon les résultats définitifs et gagne 11 élus, avec au total 65 représentants sur les 200 de la chambre basse du parlement. Elle fait mieux que son meilleur score de 2007 (62 élus).
Dans une projection, la télévision publique RTS estime le score en voix de l'UDC à 29,5%, son plus haut niveau historique (28,9% de 2007) et du jamais vu pour un parti suisse.
Le décalage entre le score en voix et en députés s'explique par un système complexe de proportionnelle où les électeurs peuvent rayer des noms sur la liste des partis, panacher des candidats, et par des alliances locales entre partis. Dans la chambre sortante élue en 2011 l'UDC occupait 54 sièges.
La participation au vote de dimanche a été à peine supérieure à 48%. "Les gens ont voté guidés par la peur", selon une candidate socialiste, Rebecca Ruiz, ajoutant que le thème des réfugiés et de l'immigration, favori de l'UDC, avait été "malheureusement très dominant dans la campagne". Le parti socialiste (PS), deuxième formation du pays, perd 3 sièges avec 43 élus et l'autre parti de droite, le Parti des libéraux radicaux (PLR) obtient 3 élus de plus avec 33 représentants.
Ce virage à droite se fait aux détriments des petits partis du centre (moins 3 sièges) et des deux principales formations écologistes qui perdraient au total 9 sièges. Dans certaines communes du Jura Bernois, "nous progressons de 4, 8 ou 10 points", s'est félicité Manfred Bühler de l'UDC. Dans les Grisons, Magdalena Martullo Blocher, la fille du leader charismatique et historique de l'UDC Christoph Blocher, a été élue et à Lucerne le parti populiste deviendrait la première force politique, détrônant les modérés du PDC (démocrate-chrétien).
L'UDC s'était choisi comme slogan "rester libres". En février 2014 il avait surpris avec le succès de son référendum contre "l'immigration de masse", pour imposer des quotas aux ressortissants de l'UE de plus en plus nombreux à venir travailler en Suisse. L'UE a alors menacé de dénoncer tous les accords bilatéraux avec Berne si la libre circulation était supprimée. Le gouvernement a jusqu'en 2017 pour trouver une solution.
L'affiche la plus radicale durant la campagne était celle des jeunes UDC du Canton de Vaud: une caricature de jihadiste portant un brassard UE, avec en fond le drapeau étoilé de l'UE, qui s'apprête à décapiter une jeune blonde bâillonnée vêtue d'un drapeau suisse avec l'appel: "Gardez la tête sur les épaules", "votez pour la liste UDC". Alors que la Suisse est pour le moment épargnée par la vague de migrants arrivant en Europe, un sondage de l'institut gfs.bern révélait que pour près d'un Suisse sur deux (48%) les questions de l'asile et de l'immigration constituent la "première priorité", loin devant les relations avec l'UE.
"Pas question de surcharger les finances publiques et le budget social en ouvrant toutes grandes les frontières, quand tant de jeunes ici restent sur le carreau", avait résumé pendant la campagne Roger Golay, élu dimanche à Genève pour le Mouvement des citoyens genevois, petite formation de la droite populiste qu'il préside. L'UDC et le PLR, souvent opposés, devraient travailler ensemble dorénavant selon le vice-président de l'UDC, Luzi Stamm. Plus évasif, Christian Lüscher du PLR a répondu: "Nous avons tous le souhait de préserver notre économie et notre prospérité".
L'UDC, qui ne détient qu'un portefeuille dans le gouvernement contrairement au PS et au PLR, en a demandé un supplémentaire. Le nouveau gouvernement sera élu le 9 décembre par le parlement. La spécificité de la démocratie suisse est le multipartisme permettant à cinq partis de se partager les sept portefeuilles ministériels du gouvernement.
Pour le Conseil des Etats, la chambre haute du parlement élue selon un scrutin individuel majoritaire, seulement 27 des 46 sièges ont été pourvus et un second tour aura lieu en novembre.
En France la présidente du Front National, la formaton d'extrême droite s'est réjouie de ces résultats. "Partout en Europe les peuples disent non à la submersion migratoire", a affirmé Marine Le Pen dans un tweet.