VIDEO. Delisec : du Vercors au Vendée Globe, des plats déshydratés pour les aventuriers

Comment bien se nourrir dans des conditions extrêmes ? Comment concilier valeurs énergétiques et plaisir de manger ? Une équation qu'Anne-Lise Vacher tente de résoudre en fournissant des plats déshydratés aux skippers du Vendée Globe. Des menus sur mesure élaborés avec des produits du Vercors.

Dans sa cuisine de Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme, Anne-Lise Vacher taille des pommes de terre et des poireaux bio achetés en local, du poisson pêché à la ligne ou encore du Vercorais. Aujourd'hui, elle réalise un crumble de poisson déshydraté.

Ce plat sera sans doute dégusté en mer, dans la cabine d'un bateau ou sous une tente plantée sur la banquise. Il faut donc qu'il soit nourrissant mais aussi ravigotant. Et pour ça, Anne-Lise mise sur deux ingrédients essentiels : des produits locaux et du goût.

Cette graphiste de formation s'est lancée dans cette production artisanale en 2018, par amour.

 

 

Eviter les coups de barre et retrouver le plaisir de manger

Cette année-là, son mari, Sébastien Roubinet, partait pour une troisième tentative de traversée du pôle Nord à la voile. Et pour lui, il était hors de question de manger pendant trois mois des repas lyophilisés, matin, midi et soir.

"Le lyophilisé, on ne le digérait plus", explique Anne-Lise qui a elle aussi participé à plusieurs expéditions et vécu au Groenland. "Et le fait de ne pas digérer un repas, après, on est fatigué, on a des gros coups de mou et pour le moral, c'est pas top. Et ça se répercute sur le physique", ajoute-t-elle.

Elle met donc au point une vingtaine de recettes équilibrées et familiales. Son fil rouge, ce ne sont pas les calories, mais les vertus des aliments. 

"Quelqu'un qui part sur la banquise trois mois par exemple, je vais lui prévoir des plats avec des aliments réchauffants, qui vont chasser le froid du corps, comme le gingembre, l'ail, le poivre, l'agneau", indique Anne-Lise. "Il y a, au contraire, des aliments plutôt refroidissants, qui vont chasser la chaleur du corps, comme les algues, le concombre. Je vais me concentrer sur ces produits-là pour des plats à déguster sous les tropiques".

 

On arrête d'avoir faim, on arrête d'avoir froid, on dort mieux.

Sébastien Roubinet, aventurier polaire

 

Après trois mois d'expédition dans l'océan Arctique avec Vincent et Eric, ses deux coéquipiers, Sébastien revient pour la première fois sans gelures.

"D'habitude sur des expés de deux mois, je perdais à peu près entre cinq et dix kilos. Là sur la dernière expédition, moi j'ai perdu un kilo, Vincent a perdu zéro et Eric a pris trois kilos", dit Sébastien Roubinet en souriant. "On arrête d'avoir faim entre les repas, on arrête d'avoir froid, on dort mieux, on a un meilleur transit". 

 

 

Les plats d'Anne-Lise embarqués sur le Vendée Globe

Pas question pour lui de revenir au lyophilisé. Il le fait savoir dans le monde de la voile et le bouche-à-oreille fait le reste : voilà Anne-Lise embarquée dans une nouvelle aventure. Elle livrera plus d'une centaine de plats déshydratés à plusieurs skippers du Vendée Globe : Yannick Bestaven, Clément Giraud et Isabelle Joschke.

 

"Des menus sur mesure élaborés avec chacun d'entre eux"

Il lui aura fallu plusieurs mois pour préparer les commandes des skippers. Car déshydrater prend du temps. Une fois le plat cuit, Anne-Lise l'étale sur une plaque de cuisson qu'elle glisse dans un déshydrateur à basse température. Au bout de 48 à 72 heures, le plat est désséché et prêt à être mis sous vide.

Le contenu du sachet est glissé dans un petit récipient avec de l'eau bouillante. Idéalement, il faut le remuer. "Ce n'est pas un problème sur un bateau", commente Anne-Lise d'un air malicieux. Ensuite, il faut à nouveau un peu plus de temps que pour déguster un plat lyophilisé : une à deux heures pour que le plat retrouve une apparence normale. La portion de 110 à 120 grammes en sachet sera trois fois plus volumineuse une fois réhydratée.

 

"La cuisine, comme à la maison"

"Il n'y a pas que la technique", ajoute Sébastien Roubinet. "Il y a aussi le choix des aliments, leur qualité. Faire du déshydraté avec des aliments de mauvaise qualité et de manière industrielle, je ne suis pas sûr que cela fonctionnerait bien".

Isabelle Joschke partage cet avis. Nous avons réussi à joindre la navigatrice avant son abandon, quelques jours après le passage du Cap Horn. 

 "J'ai l'impression de retrouver le goût de la maison", nous confiait-elle. "Anne-Lise fait un curry thaï d'agneau qui est excellent, et à Noël j'ai mangé le magret de canard".

 

/ MIAM ! ? / L’alimentation est un véritable levier de bien-être et de performance, ce n’est pas Isabelle qui vous dira...

Publiée par Isabelle Joschke - Skipper MACSF sur Mercredi 28 octobre 2020

 

La skipper de MASCF était ravie. "Cela fait plus de 55 jours que je suis en mer et je me réjouis toujours de manger. Et je pense que franchement, je dois être la seule de la trentaine de participants à se réjouir encore de manger des plats. Parce que, le problème, c'est que dans des conditions comme les nôtres, on se lasse vite, on tourne vite en rond et là moi je considère que c'est un vrai atout gagnant".

 

Les plats d'Anne-Lise, "un atour gagnant" pour la skipper Isabelle Joschke

Ce qui a surtout plu à Isabelle Joschke, c'est de pouvoir discuter avant le départ de la course avec Anne-Lise pour mettre au point des recettes sur mesure. "J'ai besoin de plats qui ne sont pas acidifiants pour l'estomac et pour l'organisme. On est arrivé avec des considérations très précises et on a répondu à toutes ces questions et ça marche incroyablement bien".

Parmi ses recettes, un curry thaï, un tajine d'agneau, un crumble de poisson, un chili con carne, ou encore une salade de sarrasin. Des plats à la carte qui ont un coup : entre 18 et 20 euros, soit le double des plats lyophilisés. 

 

 

"Je ne veux pas faire des plats à la chaîne"

"C'est artisanal, sur mesure. Fonctionner comme ça, c'est ce qui m'intéresse, je ne veux pas faire des plats à la chaîne. Je veux garder ce côté artisanal, le goût et la qualité des produits", explique Anne-Lise Vacher. 

L'infographiste ne souhaite pas faire de cette nouvelle aventure professionnelle un plan de carrière. Elle préfère conserver ses deux casquettes. Plus que de la fierté de voir ses plats migrer sur toutes les mers du monde, elle est "contente d'avoir réussi mais surtout de faire plaisir aux marins ou aux aventuriers qui sont en mer ou sur la banquise et qui se rendent compte qu'avec ces repas-là, ils vivent leur expédition d'une autre manière, beaucoup mieux".

"C'est pour ça que je fais ça, pas pour autre chose", conclut cette mère de famille qui a permis, avec sa cuisine ingénieuse, de faire voyager les produits du Vercors, autour du globe.

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