Chalon-sur-Saône : une mère infanticide est reconnue "irresponsable de son acte"

Une quadragénaire comparaissait devant les assises de Saône-et-Loire. Elle était accusée du meurtre de son nouveau-né, dont elle avait accouché secrètement lors d'un mariage en 2006. Après quatre jours de procès, elle n'a pas été reconnue responsable de son acte jeudi 19 septembre 2013.

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Les jurés ont reconnu un déni de grossesse provoqué par des troubles psychiques. Ils n'ont pas suivi l’avocate générale qui avait requis 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. 


LE RAPPEL DES FAITS 

Le 22 octobre 2006, au petit matin, lors d’une fête de mariage à Saint-Martin-sous-Montaigu en Saône-et-Loire, une des invitées est prise de maux de ventre. Elle se rend aux toilettes où elle donne naissance, seule et sans assistance, à son bébé. Victime d'une hémorragie, elle est transportée à l'hôpital mais les médecins se rendent compte que celle-ci vient d'accoucher. Le nourrisson de sexe féminin sera retrouvé sans vie dans une poubelle.

"Elle n'a porté aucun coup à l'enfant. Le bébé n'a pas crié et elle a cru qu'il était mort", a déclaré à l'AFP son avocat, Me Dominique Galmiche. Or, selon l'autopsie, l'enfant était viable et est décédé peu après, faute de soins.

LE PREMIER JOUR D'AUDIENCE

La mère de l'enfant, aujourd'hui âgée de 44 ans, comparaît libre depuis lundi 16 septembre. Elle doit répondre devant la cour d'assises d'homicide volontaire sur mineur.  L'accusée, très tendue, a répondu aux questions du juge. Elle a évoqué notamment sa liaison avec un homme marié, avec qui elle a conçu le nouveau-né, mais à qui elle n'a jamais dit qu'elle était enceinte.

Selon Me Dominique Galmiche, sa cliente est un "cas caractéristique du déni de grossesse". Il compte plaider l'acquittement, estimant que son discernement était aboli au moment des faits.  "Elle n'a jamais contesté les faits et, étant suivie sur le plan psychologique depuis sept ans, elle a pris conscience de son acte mais elle a été submergée et pour elle, c'est dramatique, elle n'a jamais eu d'autre enfant", ajoute-t-il.




Reportage de Pauline Ringenbach et Romain Liboz avec Dominique Galmiche, avocat de la défense



L'AVIS D'UN SPÉCIALISTE DU DÉNI DE GROSSESSE

Le professeur Israël Nisand, obstétricien spécialiste du déni de grossesse, était cité comme expert dans cette affaire à l'ouverture de l'audience. Il a estimé qu'il n'y "avait pas eu de grossesse psychique" chez l'accusée: "le déni s'est arrêté le jour de l'accouchement, mais trop tard. Et quand le déni recouvre l'accouchement, on a 25% de décès".

La prise de conscience de son accouchement a été "un capharnaüm psychique", a dit l'expert. Dans ce cas, "des actes irresponsables peuvent alors se produire, comme de déposer l'enfant dans une poubelle et d'aller se coucher, comme l'a fait
Mme Dedieu".

L'accusée ayant déclaré au cours de l'instruction s'être doutée de sa grossesse à son cinquième mois, l'accusation a demandé s'il pouvait s'agir, plutôt que d'un déni, d'une "grossesse cachée". Le Pr Nisand a répondu que "le déni est un mécanisme actif d'oubli mis en place par le psychisme pour s'éviter une souffrance", la femme pouvant alors se rendre compte de sa grossesse un jour et le lendemain l'avoir oubliée "comme on glisse un mouton sous le tapis".



LE TÉMOIGNAGE DE L'ACCUSÉE 

"Je n'ai plus de souvenirs du mariage, de l'accouchement", a déclaré Sylvie Dedieu, 44 ans, à l'audience mercredi 18 septembre 2013. "Je ne me souviens que de bribes".

Une "agonie en raison du confinement"
Les faits se sont passés le 22 octobre 2006, en marge d'une fête de mariage à Saint-Martin-sous-Montaigu, en Saône-et-Loire. L'accusée avait donné naissance, seule dans les toilettes de la salle des fêtes, à un bébé retrouvé quelques heures plus tard sans vie dans une poubelle. L'autopsie du corps de l'enfant, de sexe féminin et né à terme, avait révélé une "agonie en raison du confinement, aggravée par l'accouchement traumatique".

"Je vais souvent sur sa tombe pour m'excuser auprès d'elle"
"Je me rappelle de la douleur, du sang, de la panique et d'être seule au monde", dit Sylvie Dedieu. "A ce moment-là, j'étais seule au monde alors qu'il y avait vingt personnes au-dessus", à l'étage de la salle des fêtes, précise-t-elle. Le bébé "n'a jamais pleuré, il n'a jamais bougé, il était mort", affirme la femme brune aux cheveux courts, en étouffant un sanglot. La fillette sera prénommée par la suite Marie et sera inhumée. "Je regrette sincèrement ce qui s'est passé. J'ai beaucoup de culpabilité. Ma petite Marie, je vais souvent sur sa tombe pour m'excuser auprès d'elle", dit l'accusée.


LA PRÉVENUE A ÉTÉ DÉCLARÉE IRRESPONSABLE

"A toutes ces femmes à qui il arrive un déni de grossesse, je voulais dire que c'est quelque chose d'horrible. Il faut le faire connaître et se faire aider", a déclaré Sylvie Dedieu à l’issue du procès jeudi 19 septembre.
Son avocat, Me Dominique Galmiche, a plaidé pour "qu'on connaisse le déni de grossesse et qu'il y ait des acquittements pour attirer l'attention des gens". "Il y a un vrai problème", a-t-il dit, en faisant état de "2.000 cas par an en France".



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