C’est un revirement de jurisprudence. Le parquet général de Paris préconise l'extradition de Rwandais recherchés par Kigali pour leur participation présumée au génocide de 1994. L’un d’eux avait été arrêté dans l’agglomération dijonnaise.
Il reviendra à la cour d'appel de Paris de se prononcer sur un éventuel renvoi de deux Rwandais dans leur pays, ce qui constituerait une première en France. L'audience est prévue mercredi 25 septembre 2013. La décision, qui devrait être mise en délibéré à une date ultérieure, sera encore susceptible d'être frappée d'un pourvoi.
Une formation de chauffeur-livreur à Longvic
La cour d'appel de Paris examinera deux requêtes, dont celle d’Innocent Musabyimana, 41 ans. Kigali l’accuse de plusieurs infractions (génocide, complicité de génocide, meurtres, viols, adhésion et participation dans un groupe criminel) commises en 1994. Le Rwandais suivait une formation de chauffeur-livreur à Longvic, près de Dijon. Il avait été arrêté en janvier 2013 suite à une demande d'extradition du gouvernement rwandais. La cour d'appel de Dijon avait rendu un avis favorable à son extradition, mais l’arrêt avait été annulé par la Cour de cassation, qui a renvoyé l'examen de la requête rwandaise devant la cour d'appel de Paris. Innocent Musabyimana avait été remis en liberté sur décision de la Cour d'appel de Paris mercredi 29 mai.Les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles
Le parquet général de Paris s'était jusqu'alors toujours opposé, pour différents motifs, aux extraditions vers Kigali. Ce n'est aujourd'hui plus le cas, selon les conclusions écrites déposées avant l'audience par l'avocat général suivant les dossiers, que l'AFP a consultés. Le ministère public demande à la cour d'appel d'émettre un avis favorable à l'extradition des deux hommes. Pour le parquet général, ils ne peuvent être extradés pour un certain nombre de crimes selon lui prescrits. Mais ils peuvent l'être pour ceux de génocide et crimes contre l'humanité, imprescriptibles.Le Rwanda offre toutes les garanties d'un procès équitable
Dans ses réquisitions, l'avocat général contourne la Cour de cassation en invoquant "les principes généraux reconnus par l'ensemble des nations". Autrement dit, le crime de génocide serait d'une telle gravité que les réserves soulevées par la Cour de cassation ne devraient pas être appliquées. "C'est la position que je défends depuis deux ans", se réjouit Me Gilles Paruelle, avocat du Rwanda. "La Convention des droits de l'Homme est supérieure à nos propres lois."Les conclusions écrites montrent en outre que le parquet général considère désormais que le Rwanda offre toutes les garanties d'un procès équitable pour les personnes susceptibles d'être extradées, qui ne risquent par ailleurs plus la peine de mort abolie en 2007.