Le procès du meurtrier présumé de la jeune Marion Bouchard s'est poursuivi aux assises de Côte d’Or mercredi 23 octobre 2013. Un énorme rebondissement a eu lieu à la reprise de l'audience à 9h. La tension n'a cessé de monter. Elle n'a pas été apaisée par le verdict qui est tombé à 20h40
La journée d’hier a été particulièrement éprouvante pour la famille de Marion Bouchard qui a dû subir le récit détaillé de la mort de la jeune fille.
Fabien Souvigné a reconnu qu’il avait bien eu l’intention de tuer sa compagne et que ce n’était pas un accident. Les proches de Marion ont rejeté ses excuses. "Tes excuses tu peux te les mettre où je pense"...Tu nous a tous détruits", a déclaré notamment Yves Bouchard, le père de la jeune femme.
9h10 : l'accusé demande à être condamné à la perpétuité
Rebondissement à la reprise de l'audience, ce matin. A la surprise générale, Fabien Souvigné réclame à la cour qu'elle le condamne à vie.
"Je pensais que la violence que j'avais en moi était due à l'alcool... En entendant les experts, je m'aperçois que c'était un déclencheur... Je ne sais pas d'où elle vient. Je suis prêt à faire un travail avec les psychologues en prison.
Mais, ce que je voudrais dire, c'est que par rapport à ce que j'ai fait à Marion, à la souffrance je fais subir à tous, sa famille, ses amis...et pour que je ne puisse jamais refaire de mal à quelqu'un...je demande à la cour de me condamner à perpétuité".
Un rebondissement que son avocat Me Touraille, très surpris, n'avait pas prévu.
Renfermé et peu bavard depuis le début du procès lundi, Fabien Souvigné vient de prendre tout le monde de court.
10h : l'enquêtrice se dit "bluffée" par le sang froid de Fabien Souvigné
Valérie Molard appartient à la brigade de protection de la famille, qui se trouve au commissariat place Suquet à Dijon.
Elle était chargée des recherches lors de la disparition de Marion Bouchard début février 2012. C'est elle qui s'est rendue la première au domicile du couple, boulevard Pascal. Elle se souvient d'un accusé "calme, froid, d'apparence normale".
"Quand on a su après [ce qu'il avait fait], on a été bluffés par l'attitude qu'il avait eue..."
10h45 : Fabien Souvigné "jette l'éponge" selon son avocat
Me Emmanuel Touraille est très surpris par l'intervention de son client à l'ouverture de l'audience ce matin.
C'est la première fois en 18 ans de carrière qu'un client me fait une sortie pareille. Je crois que Fabien Souvigné n'en peut plus, qu'il est au bout du rouleau. Quoi qu'il dise, il a l'impression d'être inaudible, donc il jette l'éponge", dit son avocat.
Me Touraille assure que la défense "assumera" cet événement. "Ça ne change rien à ma stratégie ni ma plaidoirie" ( vraisemblablement prévue cet après midi).
11h40 : L'accusé réalise "ce qu'il a fait"
La défense et le parquet reviennent sur le coup d'éclat de Fabien Souvigné.
Maître Delphine Baldini : "Vous disiez ne pas vouloir tuer Marion et ce matin vous réclamez la perpétuité. Je ne vous suis pas".
Fabien Souvigné : "Je m'aperçois de ce que j'ai fait. J'ai besoin de comprendre et de travailler sur ma violence pour qu'elle disparaisse. C'est l'attitude qui me semble la plus appropriée pour la famille de Marion".
Jean-Michel Ezingeard, avocat général : "Vous avez conscience que vous réclamez la peine maximale prévue par la loi française ?"
Fabien Souvigné : "Je veux être puni pour ce que j'ai fait".
L'avocat général : "Vous considérez-vous encore dangereux ?"
Fabien Souvigné : "J''en sais rien...je ne me pensais pas capable de tuer la femme que j'aime"
L'avocat général : "Vous avez peur que cela se reproduise avec quelqu'un ?"
Fabien Souvigné : "Oui..."
L'accusé rajoute pour finir : "Tout cela est ma réflexion, elle va sûrement à l'encontre de ce que mes avocats m'ont dit de faire au départ".
Pendant quelque minutes, la séance est suspendue
12h : la plaidoirie de la partie civile débute
Maître Delphine Baldini vient à la barre : "Il l'a tuée deux fois, en lui ôtant la vie et en maltraitant son corps".
A propos de la famille de Marion Bouchard : "La quête de vérité est la seule chose qui leur reste...nous sommes ici pour combattre le désespoir, pour tenter de l'amoindrir".
Concernant l'histoire d'amour du couple : "Dès le début, la tragédie se met en marche. Marion téléphone à sa mère et lui dit qu'elle ne se sent pas bien".
Sur les derniers instants de Marion : "Il serre tellement fort lorsqu'il l'étrangle, qu'il entend sa gorge craquer. Elle toussote. Il continue" (L'accusé se met à pleurer)
"Fabien Souvigné a fait le choix terrible de faire disparaître le corps, de porter atteinte à une dépouille. Il l'a placée dans des sacs poubelles, là même où on met des déchets [...] Il va jusqu'à inviter sa mère à boire un café alors que sa fille est déjà morte et découpée", maître Delphine Baldini.
En s'adressant aux jurés : "Vous pouvez encore aider les parents de Marion à trouver un peu de paix avec une décision qui ait du sens et du poids parce que pour eux, le chagrin est à perpétuité "
12h40 : l'audience est suspendue. Elle reprendra à 14h15 avec le réquisitoire de l'avocat général et la plaidoirie de la défense.
14h20 : les réquisitions de l'avocat général
Jean-Michel Ezingeard commence son réquisitoire par l'évocation des femmes battues.
50 000 femmes sont victimes de violences chaque année en France, 122 meurent sous les coups. C'est un décès tous les trois jours. Marion était l'une de ces victimes".
Il poursuit en évoquant la personnalité de l'accusé.
"Un menteur" qui livre des versions toujours différentes des faits, "qui esquive les questions et finit par avouer un meurtre lorsqu'il se sent cerné". "Quelqu'un de violent qui a une facilité dans le passage à l'acte".
Violence, alcool et drogue, c'est la chronique d'une catastrophe annoncée", déclare l'avocat général.
15h : La présidente rappelle le public à l'ordre
Le public est nombreux pour assister aux réquisitions. L'assistance est tendue et bruyante. La présidente a menacé de l'exclure si les incidents se poursuivaient.
15h30 : l'avocat général demande 30 ans de réclusion criminelle à l'encontre de Fabien Souvigné
"J'aurais voulu percevoir chez vous des regrets, des larmes, des sanglots et non cette froideur et ce détachement surprenant dont parlent les experts", déclare Jean-Michel Ezingeard.
Juridiquement, Fabien Souvigné est jugé pour meurtre et seulement ça. Mais, ce qui s'est passé après doit aussi déterminer la peine, estime l'avocat général.
15h40 : incident de séance
A l'énoncé du réquisitoire (ndlr : 30 ans de réclusion), un proche de la victime se lève et crie "vous lui donnez une chance de recommencer". L'homme est évacué de la salle.
16h15 : la défense commence sa plaidoirie
Maître Émilie Cavin est la première à prendre la parole pour défendre Fabien Souvigné.
Aux jurés, elle dit : "son acte est monstrueux mais cela ne fait pas de lui un monstre. Vous ne jugez pas un monstre mais un jeune homme […] un jeune à la dérive qui boit et fume dès l'âge de 15 ans […]
16h45 : selon la défense, Marion et Fabien s'aimaient mal, mais ils s'aimaient
Maître Emmanuel Touraille prend la suite de sa consoeur.
"Marion, elle a aimé un homme en souffrance, un homme fragile. Dire qu'elle a aimé un monstre serait la dévaloriser [...] On ne comprend pas un crime si on ne comprend pas la relation qui s'instaure entre une victime et son agresseur [..] Marion et Fabien s'aimaient mal, mais ils s'aimaient [..] C'est ma vérité, mais selon moi, cela aurait été beaucoup plus inquiétant que Fabien puisse détailler les faits avec force et précision".
"Fabien, ce n'est pas un violent destructeur, c'est un lâche, qui n'a jamais le courage d'affronter et qui prend la fuite. Depuis toujours"
Porter atteinte à une dépouille, c'est moralement répréhensible, mais c'est punissable d'un an d'emprisonnement", déclare l'avocat de Fabien Souvigné.
17h45 : Fabien Souvigné ne fera pas appel
Me Touraille conclut sa plaidoirie sur ces mots : "La seule hypothèse possible, c'est celle de droit pénal et de la peine que vous estimez la plus juste. Fabien Souvigné m'a dit, avant ce procès, qu'il ne ferait pas appel. Il ne veut pas faire revivre ça à la famille de Marion".
18h : les jurés se retirent pour délibérer.
20h40 : Fabien Souvigné est condamné à 22 ans de réclusion criminelle.
Il se retire sous les huées de la salle et des proches de la victime.