Au cours des rencontres cinématographiques qui se tiennent à Dijon jusqu’à ce soir, les professionnels du cinéma ont manifesté leur opposition à un projet européen de revoir la façon dont les Etats ou les régions peuvent participer au financement des films.
Quelques mois après avoir remporté une victoire contre Bruxelles sur l'exception culturelle, les professionnels du cinéma sonnent la mobilisation contre une refonte de la Communication cinéma en cours lors des rencontres cinématographiques qui se tiennent à Dijon jusqu'à samedi soir. Une refonte qu'ils qualifient de "vrai danger" ou de "cauchemar".
La Commission cinéma sert de guide aux Etats membres de l'Union européenne pour définir le cadre dans lequel chacun peut soutenir le 7e art.
Actuellement, une région ou un Etat peut aider un film, quelle que soit sa nationalité, à condition qu'il soit tourné en grande partie dans la région ou l'Etat, afin de consolider une filière, l'emploi et même bénéficier au tourisme.
Bruxelles veut réduire considérablement le lien entre aide et territorialisation, au grand dam des professionnels, vent debout vendredi contre José Manuel Barroso, à l'occasion des Rencontres cinématographiques de Dijon, lieu annuel de débats du secteur.
Ainsi pour Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma (CNC), la nouvelle Communication cinéma est "un vrai danger car peu à peu les Etats n'auront plus intérêt à soutenir leur cinéma et c'est encore plus vrai pour les régions".
Rappelant que les CNC européens sont à l'unisson dans ce dossier face à une "réforme sans fondement et extrêmement dangereuse", elle a appelé à une mobilisation rapide alors que "la décision de la Commission doit intervenir dans la première quinzaine de novembre".
"Comment peut-on dire à un Etat qu'il a intérêt à investir dans le cinéma alors qu'il n'y a pas d'harmonie fiscale en Europe? Les tournages n'auront pas lieu dans le pays en question mais dans le pays voisin qui aura des taxes plus attractives", a-t-elle relevé.
Le député européen socialiste Henri Weber a lui évoqué encore le "danger principal" que constitue dans le nouveau texte "la clause de non discrimination", selon la nationalité. "A partir du moment où un film se fait sur un territoire, n'importe quel prestataire venu de n'importe quel Etat membre" pourra revendiquer d'y travailler, a-t-il dit.
"Ils nous refont le coup du plombier polonais!", résume Florence Gastaud, la déléguée générale de l'ARP (auteurs, réalisateurs, producteurs) à l'origine des rencontres. "La Commission européenne veut faire la même chose qu'avec l'exception culturelle. Elle veut appliquer les règles de libre-échange à une industrie qui ne peut pas les supporter", dit-elle. Si une telle décision devait intervenir ce serait "très dangereux pour l'emploi. Cela abimerait les industries historiques sans faire naître une industrie en Roumanie ou ailleurs", explique Mme Gastaud.Le CNC français a déjà fait mesurer l'impact d'un tel projet en France: "entre 10.000 et 16.000 emplois".
Didier Huck (Technicolor, groupe français de technologies pour les médias numériques) a rappelé que le numérique avait été "un gros choc" pour les industries techniques du cinéma. Pour lui, ce projet de texte "fait faire des cauchemars".
Citant la récente tribune de Pedro Almodvar qui dénonçait "un plan d'extermination du cinéma espagnol" par le gouvernement de Madrid, Henri Weber a prévenu que si les professionnels ne réagissent pas, l'Espagne ne "sera pas le seul pays" à "être sur le flanc".
"Je suis extrêmement préoccupée par ce qui se passe en Italie et en Espagne", a enchaîné Mme Bredin citant une chute de 60% des aides au cinéma espagnol depuis deux ans et une TVA sur les salles passée de 8% à 21%. "Il faut réfléchir à une manière d'agir avec ces pays de telle sorte que les cinéastes puissent encore produire des films", a poursuivi la présidente du CNC.
Pour Rémy Pflimlin, patron de France Télévisions, qui coproduit des films du Britannique Ken Loach, de l'Italien Nanni Moretti ou de l'Autrichien Michael Haneke , "la création dans ces pays nous concerne au premier chef". La France a signé 50 accords de coproductions avec des pays, donc "notre pays est ouvert", ce n'est pas un "village gaulois protectionniste", a conclu Mme Bredin.