Le tribunal administratif de Besançon examinera mardi le recours de la famille de Léonarda Dibrani. Ils souhaitent revenir en France.
L'affaire Leonarda Dibrani, cette collégienne rom kosovare dont l'expulsion en
pleine sortie scolaire avait secoué le gouvernement, revient mardi devant la justice,
avec l'examen d'un recours de ses parents en vue d'obtenir un titre de séjour en
France.
L'audience débutera à 9h devant le tribunal administratif de Besançon,
en l'absence des membres de la famille Dibrani qui avaient été reconduits au Kosovo
début octobre. La décision du tribunal sera rendue sous deux ou trois semaines,
ont indiqué les avocats des parties.
Dans une interview accordée au Figaro, Léonarda raconte le quotidien de la famille Dibrani au Kosovo.
Plusieurs demandes refusées
Jusqu'à présent, l'ensemble des demandes d'obtention du droit d'asile, de titre
de séjour ou de régularisation du couple au titre de la circulaire Valls du 28
novembre 2012 ont été rejetées.
Le père de famille, Resat Dibrani, et la mère, Gemilja, sollicitent, via leur
avocate Me Brigitte Bertin, l'obtention d'un titre de séjour "vie privée et familiale"
et demandent l'annulation du refus de titre de séjour, portant obligation de quitter
le territoire français (OQTF) et fixant le Kosovo comme pays de retour, prononcé
à leur encontre par le préfet du Doubs le 19 juin dernier.
La question de la nationalité
Me Bertin fera valoir, entre autres, que six enfants du couple sont nés en Italie
et un en France, et non pas au Kosovo où ils ont été renvoyés. De retour dans ce
pays, Resat Dibrani avait affirmé avoir menti à l'administration française sur
l'origine de sa famille afin d'être accueilli en France.
L'avocate soulignera également l'importance de la scolarisation des enfants:
"sur le territoire français, sur le plan de leur scolarisation, ils avaient acquis une
stabilité conforme à leur intérêt et qu'ils ne retrouveront pas au Kosovo".
Pour la préfecture du Doubs : pas de volonté de s'intégrer
Mais pour Me Yves Claisse, avocat du préfet du Doubs, "il
n'y a pas eu de réelle scolarisation des enfants", ni de "réelle volonté de s'intégrer
dans la société française".
"Ce dossier, est sans doute le plus mauvais dossier pour ceux qui veulent critiquer
le fonctionnement de l'administration et des services de l'Etat"
car "ce sont des milliers d'euros dépensés, des centaines d'heures de mobilisation de tous les services
et près d'une vingtaine de décisions de justice allant toutes dans le même sens",
celui du refus de séjour sur le territoire français, a estimé Me Claisse, contacté
par l'AFP.
Réseau éducation sans frontière (Resf) a appelé à assister à l'audience par "soutien"
à la famille
Rappel des faits
Le 9 octobre dernier à Pontarlier (Doubs), la police avait
pris en charge Léonarda Dibrani, 15 ans, à la descente d'un bus scolaire alors
qu'elle participait à une sortie pédagogique, pour l'expulser avec sa famille au
Kosovo. Les parents Dibrani et leurs sept enfants, âgés de un à 23 ans, étaient
arrivés irrégulièrement en France en janvier 2009, après avoir vécu plusieurs années
en Italie.
Cette expulsion, relayée par Réseau éducation sans frontière (Resf), avait soulevé
une vague d'émotion et fait descendre dans la rue des milliers de lycéens.
Une enquête administrative a conclu, le 19 octobre, que l'expulsion était "conforme
à la réglementation en vigueur", mais que les forces de l'ordre "n'(avaient) pas
fait preuve du discernement nécessaire" en prenant en charge la collégienne lors
d'une sortie scolaire.
Face au tollé, François Hollande avait lui-même pris la parole lors d'une allocution
télévisée pour proposer à Léonarda de rentrer en France, mais sans sa famille.
L'adolescente avait refusé tout net et le chef de l'Etat, était sorti politiquement
affaibli de cette affaire.
"Si cela (ndlr: le retour de la famille) n'est pas possible gentiment, alors il
se fera de force", avait alors déclaré Resat Dibrani, dont l'enquête administrative
dresse un portrait peu favorable. Resat Dibrani a notamment été mis en cause pour
des vols et des violences sur ses filles, avant qu'elles ne retirent leur plainte.
Les étapes du parcours administratif de la famille Dibrani
C’est la troisième fois que le tribunal administratif de Besançon aura à statuer sur la légalité de refus de titre opposés à M et Mme Dibrani, dont le parcours juridico-administratif peut être résumé de la manière suivante :- Selon les dires des intéressés, ils sont entrés en France le 26 janvier 2009.
- Ils ont sollicité le droit au séjour en France en qualité de demandeur d’asile le 30 janvier 2009.
- Leur demande d’asile a été rejetée le 20 août 2009 par l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA).
- Ce refus a été confirmé le 31 janvier 2011 par la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA).
- A la suite du rejet de leur demande d’asile, le préfet du Doubs a rejeté leur demande de titre de séjour par arrêtés du 28 avril 2011.
- Le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête dirigée contre ces arrêtés par jugement du 2 août 2011.
- Entre-temps, les époux Dibrani ont sollicité le réexamen de leur demande d’asile.
- Cette demande de réexamen a été rejetée par l’OFPRA le 29 juin 2011.
- A la suite de ce rejet, le préfet leur a opposé un deuxième refus de séjour le 29 septembre 2011.
- Par jugements du 26 janvier 2012, confirmés par arrêt du 21 février 2013 de la cour administrative d’appel de Nancy, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête tendant à l’annulation de ce deuxième refus de séjour.
- Le 3 avril 2012, la CNDA a confirmé la légalité du rejet de la demande de réexamen de la demande d’asile des intéressés.
- A la suite de la publication de la circulaire Valls, les époux Dibrani ont sollicité à nouveau la délivrance d’un titre de séjour. Cette demande a été rejetée par les arrêtés du 19 juin 2013 qui font l’objet des requêtes audiencées ce 7 janvier 2014.
Source : tribunal administratif de Besançon