Yonne : 73 ans après, le mystère du Docteur Petiot demeure

Le docteur Petiot, médecin et maire de Villeneuve-sur-Yonne, était-il fou ou coupable ? Soixante-dix ans après son arrestation le 31 octobre 1944, la question reste posée pour l'un des plus célèbres tueurs en série du XXe siècle, guillotiné le 25 mai 1946 à Paris. Décryptage en vidéo et en archives.

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Qui était le Docteur Petiot ?


Marcel André Henri Félix Petiot, dit le docteur Petiot, est né le 17 janvier 1897 à Auxerre et guillotiné le 25 mai 1946 à Paris. C'est un médecin qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fut accusé de meurtres, après la découverte à son domicile parisien des restes de 27 personnes. 

Dans son enfance, sa mère est internée à Sainte-Anne en psychiatrie, il suit alors son père à Joigny. Dans son adolescence, il commet quelques méfaits (indiscipline à l'école, fracture de boîtes aux lettres). Un psychiatre le déclarait même inapte à être jugé. Même si le terme n'est pas employé à l'époque, on parle de bipolaire.

Après la guerre où il fut blessé par une grenade, il ouvre un cabinet médical à Villeneuve-sur-Yonne en 1922. Très populaire auprès des habitants, il est élu conseiller municipal en 1925 puis maire en juillet 1926. Mais il est très vite appelé devant les tribunaux pour plusieurs délits (fausses déclarations d'assurance maladie, détournements de fonds). L'affaire Petiot peut alors commencer.

Revoir le magazine de Julie Valin et Christophe Gaillard sur le parcours du docteur Petiot
 

 

Qu'est-ce que l'affaire Petiot ?


Le 11 mars 1944, Paris vit encore sous l'Occupation allemande lorsqu'un charnier est découvert dans un hôtel particulier parisien. Le propriétaire de l'immeuble, le Dr Marcel Petiot, 47 ans, est arrêté puis accusé du meurtre de 27 personnes principalement des juifs qui essayaient de fuir la Gestapo. Le personnage est trouble. Pour certains, il fut "le docteur des pauvres", celui qui soignait gratuitement les plus démunis, pour d'autres, "l'abominable Dr Petiot", le "Dr Satan".

Médecin apprécié dans les années 1920, jugé à la fois très intelligent, pervers et déséquilibré, il va apparaître tantôt comme un résistant tantôt comme un collabo. Après son arrestation, il va jusqu'à revendiquer 63 meurtres alors qu'on lui en impute 27. "Petiot incarne tout le problème de la responsabilité pénale" et son avocat René Floriot, malgré sa célébrité, "l'a envoyé directement à la guillotine" en ne soulevant pas cette question, estime dans une interview à l'AFP l'historien Claude Quétel, spécialisé dans l'histoire de la psychiatrie et auteur de "L'effrayant Docteur Petiot" (Perrin 2014).

Selon M. Quétel, Petiot aurait pu être sauvé grâce au célèbre article 64 du code pénal qui précise qu'"il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence (...) ou a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister". Dans cette affaire retentissante, "la justice n'a pas fait son travail", estime-t-il. Peut-être voulait-on faire un exemple, imagine l'historien, pour montrer que la justice civile, en 1946, reprenait le pas sur la justice de l'épuration. - fausse filière du "bon Dr Eugène" -

Cette folie, négligée par la justice de 1945-46, avait pourtant été décelée trente ans plus tôt. Fait rare, Petiot avait été réformé pour "déséquilibre mental et neurasthénie" en pleine guerre de 1914-18, mais au lieu de finir à l'asile, il avait décroché brillamment, en 1921, son diplôme de médecin et ouvert un cabinet à Villeneuve-sur-Yonne.

En 1934, le préfet de l'Yonne l'avait démis de ses mandats électifs après la découverte de sulfureuses affaires (vols, tentative d'escroquerie...): "Le maire fou", avait alors titré la presse. En 1936, après divers larcins, il avait été interné d'office au vu de son passé et avait séjourné sept mois à l'asile d'Ivry-sur-Seine. Le déclenchement de la Seconde guerre mondiale a fourni à Petiot de nouvelles occasions de défier la justice mais aussi l'Occupant. Arrêté en mai 1943 par la Gestapo qui le soupçonnait d'appartenir à la Résistance, il résiste sept mois aux tortures sans dire un mot. Il sera libéré faute de preuves. En fuite après la découverte du charnier en mars 1944, il nargue la Résistance et la police en s'engageant dans les Forces française de l'Intérieur (FFI).
 

Son procès


Lors de son procès, il plaisante ou dort pendant l'audience alors qu'il joue sa vie. "Simuler la folie à ce point-là, c'est être fou!" observe Claude Quétel. Lors de l'instruction, Petiot avait bien été examiné par trois psychiatres mais tous avaient conclu à la bonne santé mentale de l'accusé. Petiot était resté ferme sur ses positions : il a toujours affirmé avoir tué, pour la Résistance, 63 Allemands ou "collabos", "tous des ennemis de la France". Selon plusieurs auteurs il aurait aussi fait disparaître les cadavres de la "Gestapo française" de la rue Lauriston.

Selon M. Quétel, Petiot n'a travaillé ni pour la Résistance, ni pour des collaborateurs. "Il n'avait aucun sens du bien et du mal". Le meurtre était pour lui un moyen d'appropriation et d'enrichissement. Ses victimes étaient riches et tombaient facilement dans le piège de ce bon "Dr Eugène" qui leur avait promis de fuir vers l'Argentine grâce à son "réseau Fly-T".

En fait, tout se terminait dans la chaudière du sous-sol ou dans le bac de chaux vive. Comme pour Landru, c'est la puanteur et les fumées suspectes qui alerteront les voisins. Petiot avait gardé les valises de ses victimes chargées des biens les plus précieux, les plus monnayables, et des liasses de billets sorties des matelas. Cette collection de valises sera le principal élément de l'accusation. Mais le magot, lui, avait disparu.

A l'avocat général qui le questionne une dernière fois au pied de la guillotine, il répond, énigmatique: "Je suis un voyageur qui emporte ses valises".

 
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