Le 17 juin 2012, Audrey Bertaut, une ex-cote d'orienne, ainsi qu'une autre de ses collègues ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions à Collobrières dans le Var. Le procès du meurtrier présumé s'est ouvert à Draguignan. Il devrait durer jusqu'au 20 février 2015.
"Elle était même pas là, il dit n'importe quoi!" Au premier jour de son procès pour le meurtre de deux femmes gendarmes en 2012 à Collobrières (Var), Abdallah Boumezaar s'est emporté plusieurs fois, faisant tout pour défendre son ex-compagne, jugée pour complicité.
"C'est du mensonge, et le mensonge, ça me rend nerveux, moi je dis la vérité": écoutant les dépositions de deux enquêteurs devant la cour d'assises, l'accusé de 32 ans au caractère impulsif a interrompu à plusieurs reprises les débats.
"C'est un menteur, c'est moi qui l'ai prise avec moi, elle ne voulait pas venir. Ils n'ont rien à faire à part inventer, on n'est pas là pour rigoler", lance-t-il
quand l'adjudant-chef Hervé Bonnin décrit sa compagne à l'époque, Inès Farhat, 22 ans, comme "celle qui semble piloter Boumezaar pendant la fuite", après les homicides.
Le président Thierry Fusina le rappelle à l'ordre plusieurs fois. Le 17 juin 2012, l'adjudant Alicia Champlon, 28 ans, et le maréchal des logis-chef Audrey Bertaut, 35 ans, avaient été abattues par Abdallah Boumezaar après avoir été appelées à Collobrières, à une quarantaine de kilomètres de Toulon où le jeune homme avait commis peu avant un cambriolage et une tentative de vol.
L'accusé, multirécidiviste au moment des faits, avait dérobé son arme à Audrey Bertaut au cours d'une rixe qui avait éclaté avec les gendarmes dans l'appartement qu'il occupait dans le village avec sa compagne. Il avait abattu la gendarme dans l'appartement avant de poursuivre Alicia Champlon et de la tuer dans la rue. Le couple avait été arrêté sans heurt quelques heures plus tard, non loin de là. Abdallah Boumezaar a toujours reconnu les faits qui lui sont reprochés, avançant s'être senti menacé par les gendarmes et soulignant aussi son caractère impulsif quand il a bu, ce qui était le cas au moment du double homicide.
Lui encourt la perpétuité réelle --une peine rarement prononcée-- pour le meurtre d'Audrey Bertaut et l'assassinat d'Alicia Champlon. Inès Farhat, poursuivie pour complicité dans le premier homicide, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Les parents d'Audrey Bertaut sont parties civiles dans le procès
'Un mur devant moi'
Réagissant déjà au cours de la matinée après la synthèse de l'ordonnance de renvoi présentée par le président Thierry Fusina, Abdallah Boumezaar avait laissé percer ce qui semble être son seul objectif au cours du procès, qui doit durer jusqu'au 20 février: exonérer son ex-compagne qui, de son côté, nie toute implication dans les homicides et notamment dans la mêlée au cours de laquelle M. Boumezaar vole une arme.
"C'est important qu'on soit pas puni pour rien, c'est moi l'auteur de ces actes, je ne l'ai pas nié", lance-t-il au président.
"Je dois être puni, c'est normal. Mais il n'y a pas que les familles des gendarmes qui souffrent. J'ai fait une erreur mais il y a des gens qui n'ont pas fait d'erreur et qui souffrent, et ça je le supporte pas", ajoute-t-il, en gilet gris sur un sweat noir, les cheveux courts, dans une nouvelle référence à sa coaccusée.
Pour les gendarmes qui ont déposé mardi, pourtant, aucun doute: Inès Farhat a bien agi comme la complice de son compagnon. "Elle nous a menti à plusieurs reprises(...) elle a participé à l'échauffourée, elle s'est interposée (...), elle va appeler pour organiser la fuite", énumère le capitaine Jean-Marc Delfaud: "Ce sont pour le moins des actes de complicité". Inès Farhat, en gilet bleu marine sur un corsage rouge, les cheveux sagement coiffés
en queue de cheval, ne se voit pourtant pas en complice: "Je me suis retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment, avec la mauvaise personne", résume-t-elle.
Elle aussi, condamnée plusieurs fois au moment des faits, assure que la prison l'a changée: "Au début, je pensais que j'allais sortir rapidement, mais je suis toujours pas sortie. (...) Maintenant, j'ai une enfant, j'ai envie d'avancer mais il y a un mur devant moi." Pendant sa détention, elle a donné naissance à une fille, conçue avec Abdallah Boumezaar. "Si j'avais pas un enfant, je l'aurais oublié", assure-t-elle, disant avoir "tiré un trait" sur leur relation.