Difficultés financières et climatiques, évolution de la demande des consommateurs, les agriculteurs ont du mal à trouver leur place. Selon une étude de la MSA (Mutualité sociale agricole), chaque jour deux agriculteurs se suicident, malgré les dispositifs d'aides existants.
Malmené par le changement climatique et l’évolution de la demande des consommateurs, le modèle agricole traditionnel datant des 30 glorieuses, s'essoufle.
Même avec des journées harassantes, de nombreux agriculteurs connaissent des difficultés et ont du mal à vivre de leur travail. A cela s’ajoute de plus en plus le sentiment d’être rejeté.
Certains d’entre eux ont du mal à y faire face et mettent fin à leurs jours. Ce problème du suicide dans le monde agricole n’est pas récent.Même si c’est difficile, les agriculteurs ont l’habitude de faire face aux difficultés économiques et à la réglementation. Mais aujourd’hui, ils doivent faire face en plus au rejet dans leurs familles et leurs villages. Ils sont en plein désarroi et ne savent plus quoi faire pour bien faire. Cyrille Fournier, responsable pôle entreprise de la chambre d’agriculture de l’Yonne.
Dès 2011, la MSA (Mutualité sociale agricole) a mis en œuvre un plan de prévention du suicide dans le monde agricole. En octobre 2014, elle a mis en place un numéro dédié à l’écoute des agriculteurs en situation de détresse : 09 69 39 29 19.
Jusqu’à présent le taux de suicide des agriculteurs était estimé à 150 à 200 par an (chiffres concernant les hommes responsables d’exploitation). La Bourgogne-Franche-Comté, comme Rhône-Alpes Auvergne, était une des régions les plus touchées.
Cet été, la MSA a publié des chiffres encore plus alarmants : 605 suicides ont été recensés parmi les 1,6 million de personnes de plus de 15 ans ayant reçu un soin en 2015.
Cela équivaut à près de deux suicides chaque jour, en France. Un sujet souvent tabou dans le milieu agricole.
Pour Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, il faudra être particulièrement vigilant cet automne. En 2019, après deux années de suite de sécheresse, des prix agricoles au plus bas, les exploitations agricoles vont connaître de grandes difficultés. Il répond à nos questions.
► Que pensez-vous de la situation du suicide en Bourgogne ?
Nous avons une situation préoccupante dans l’Yonne mais aussi pour toute la région Bourgogne. Elle est due à deux années de sécheresse de suite qui risque de mettre encore plus en difficulté les agriculteurs. Les éleveurs vont manquer de nourriture pour leur bétail, mais les grandes cultures comme le maïs ont également manqué d’eau.
Nous restons très vigilants car nous pensons que la situation va être très préoccupante cet automne.
► De quels moyens disposez-vous pour y faire face ?
Dans le département de l’Yonne le dispositif Réagir 89, opérationnel depuis 2015, répond aux besoins des agriculteurs qui en font la demande : 09 69 36 20 50.
Pour cela des conseillers de la Chambre d’agriculture ont été formés à l’écoute afin de les aider à exprimer leurs difficultés et mettre en place des dispositifs pour leur venir en aides et les soutenir.
Les agriculteurs ont du mal à demander de l’aide, ils vivent les difficultés de leurs exploitations comme un échec personnel et non comme un seul effet de la conjoncture. C’est donc une profession exposée au risque de suicide. Il faut être extrêmement vigilant.
► Comment faites-vous pour les toucher ?
Les dispositifs existent. Sur le département de l’Yonne, en plus de notre dispositif il y a Solidarité paysans, le numéro d’appel de la MSA (Mutualité sociale agricole), Agri écoute (09 69 39 29 19).
Dès qu’une difficulté est connue et si l’agriculteur est d’accord, on peut activer des leviers comme le réseau d’assistantes sociales de la MSA, contacter les banques.. Car, plus on fait tôt, plus on a des chances d'aider l'agriculteur à sortir de ses difficultés.
Le véritable problème est qu'ils fassent la démarche de venir à nous pour qu’on puisse les aider. Il faut donc nous faire connaître et communiquer.
Pour cela, nous travaillons avec les structures et les organismes qui s’occupent des agriculteurs. La MSA, certaines assurances, les coopératives, les syndicats agricoles..., pour qu’ils jouent un rôle de veille et puissent les informer de l’existence du dispositif Réagir 89.
Notre but est de mettre en place un réseau le plus large possible. Nous sommes aussi en lien avec les maires des communes pour qu’ils interviennent dès qu’ils s’aperçoivent qu’un agriculteur se referme sur lui.
Avec le non-paiement des factures, c’est un des signes d’alerte auquel il faut être attentif.
► Que faudrait-il faire pour améliorer la situation ?
Il faut que les gens se parlent et que les agriculteurs et les consommateurs se rencontrent. Ainsi chacun pourra faire connaître ses difficultés à l'autre. La chambre d’Agriculture de l’Yonne vient d’organiser une rencontre "Cultivons la biodiversité" qui leur a permis de rencontrer et de se connaître.
Il faut qu’on se mette à la place de chacun et passer au bio n’est pas forcément la solution. Les agriculteurs ne peuvent pas répondre qu’à une tranche de la société;, ils doivent pouvoir produire pour ceux qui ne souhaitent pas aller vers ce genre de produits sans se sentir rejetés.
Quant au souci du changement du climat, la Chambre d'agriculture accompagne les agriculteurs dans la réflexion d'avoir recours à de nouvelles cultures. Mais ce n'est pas simple, car derrière une culture, comme le colza chez nous, il y a toute une filiére qu'il faut réorganiser et cela prend du temps.
Bourgogne : dispositifs d'aide aux agriculteurs en difficult&
- Côte-d’Or : le dispositif « Faire face, ensemble » a été créé en janvier 2017 : 0380900001
- Nièvre : le dispositif Aid’Agri 58 a été mis en place en 2016 : 03 86 47 37 65
- Saône-et-Loire : le réseau Agri-solidarité a été créé il y a 30 ans : 03 85 39 52 11
- Yonne : le dispositif Réagir 89 est opérationnel depuis 2015 : 03 86 94 22 22
Pour contacter le travailleur social MSA de sa commune, il faut consulter ses coordonnées sur le site internet www.msa-bourgogne.fr ou appeler le 09 69 36 20 50