Edouard Philippe l'a rappelé, c'est le 23 mai qu'un rapport scientifique dira si un deuxième tour des municipales en juin est pertinent. Mais d'ores et déjà, c'est l'automne qui se profile, voir mars 2021 avec des questions juridiques inédites et des positions diverses : on vous explique pourquoi.
Du jamais vu, dans l'histoire politique française ! La crise constitutionnelle issue du report du deuxième tour des municipales est aussi inédite que la crise sanitaire. Et elle pourrait s'apparenter à une obscure querelle d'experts et d'élus si le rôle des maires n'était pas aussi essentiel dans la vie du pays, par exemple sur le dossier de l'école quand sonnera l'heure du déconfinement, où pour assurer la continuité de la commande publique, centrale dans l'éventuel redémarrage de l'économie.
Pour l'instant, le premier tour a été suffisant pour 30 000 communes sur 35 000. 30 000 maires ont été élus, mais les conseils d'installation ont été reportés : on a donc des équipes battues qui restent aux commandes, des candidats désignés par les électeurs mais en retrait, des maires sortants en ballotage et en première ligne dans la crise avec une opposition qui forcément peine à exister dans la gravité de la situation .
Plusieurs hypothèses
Lors du report en mars, c'est le mois de juin qui a été prévu dans la loi.
La fenêtre de tir suivante se situait jusque là en octobre, mais dans ce cas, le Conseil d'Etat a stipulé qu'il faudrait refaire le premier tour dans les communes en situation de ballotage pour garantir la sincérité du scrutin , les premiers tours terminés restant acquis.Il ne s'agit que d'un avis,très discuté , y compris par l'association des Maires de France, c'est "in fine" le Conseil Constitutionnel qui trancherait.
Enfin, une autre fenêtre de tir est fréquemment évoquée, mars 2021, un an après le premier tour, au moment où devaient se tenir départementales et régionales...
Mais une nouvelle hypothèse est apparue il y a quatre jours avec une déclaration du président des Maires de France, François Baroin : lors d'une audition au Sénat il a évoqué un deuxième tour - et un deuxième tour seulement- dans la deuxième quinzaine de septembre ...
Un scénario rapide, qui mettrait toutes les communes et les intercommunalités en fonctionnement, scénario qui est aussi privilégié par l'association France Urbaine qui regroupe tous les maires des grandes villes.
Ce qu'ils en disent
En Bourgogne, un certain nombre de communes n'ont eu besoin que d'un seul tour, comme Nevers, Chalon, Macon, Joigny, Tonnerre ou Chenove.
Mais il faudra un deuxième tour dans quelques villes encore, à commencer par Dijon, où le maire sortant PS François Rebsamen s'est dit opposé à un report en mars 2021, avec des maires en situation provisoire pendant un an et des fonctionnement municipaux et communautaires compliqués.
Il n'est pas possible que pendant 9 mois les 42 maires des villes de plus de 100 000 habitants ne soient pas légitimés démocratiquement . Les élections doivent avoir lieu le plus vite possible, en juin ou à la rentrée.
"Je ne voulais pas en parler compte tenu des urgences," rajoute le maire de Dijon "mais le Premier Ministre a ouvert le dossier, j'ai donc évoqué le sujet avec l'association France Urbaine qui a adopté une position commune. Il faudra faire un deuxième tour quand c'est nécessaire, le premier tour étant lui validé pour tout le monde".
Le candidat LR Emmanuel Bichot estime lui que les mandats peuvent être prolongés,mais pas au-delà d'un an.
"Il ne faut pas se précipiter et trouver une date fiable, qui ne perturbera pas la gestion de la crise sanitaire.
Il ne faut pas un nouveau premier tour, mais il faut surtout que les assemblées locales, conseil municipal et conseil de métropole soient réunies , y compris avec des moyens alternatifs"
La tête de liste EELV Stéphanie Modde demande elle aussi un fonctionnement des assemblées, avec une information des élus, même si les maires ont obtenu des prérogatives de crise. "On aimerait une date pour se projeter, mais ça n'est pas l'essentiel. L'important c'est le déconfinement, et le suivi des populations en situations critiques."
A Autun, le maire sortant Modem Vincent Chauvet est en ballotage. Mais quand nous l'avons joint, il ne parlait pas d'un deuxième tour mais de la distribution des masques à toute la population, en collaboration avec l'entreprise locale Dim. Dans l'absolu, il privilégie le scénario d'un deuxième tour en septembre, mais il craint que des populations soient encore confinées à ce moment là...
Pour son opposant Frédéric Brochot , par ailleurs conseiller départemental "la priorité, c'est la crise sanitaire.Je fais confiance aux parlementaires pour prendre les bonnes décisions, même si je rejoins F.Baroin pour un second tour aux environs du 15 septembre."Octobre, mars, ça n'est pas le plus important. Le choix doit se faire sur des éléments rationnels et pas sur des objectifs électoraux.
Enfin à Auxerre, élu depuis 2001, Guy Ferez est lui aussi en ballotage. Lui aussi penche pour "un deuxième tour rapide en septembre, sous réserve que les conditions sanitaires le permettent. La priorité c'est la santé et le confinement" et il rajoute :
La tête de liste LR Crescent Marault pense d'abord en chef d'entreprise .Ce qu'on attend tous, surtout, c'est une décision.
Quand la vraie crise économique arrivera, et qui faudra gérer les conséquences sociales de cette crise, les équipes municipales et intercommunales devront être en place. Il ne faut pas attendre mars 2021, mais aller vite, par exemple en septembre comme le propose l'AMF.
Maud Navarre est la tête de liste EELV à Auxerre. Elle est elle aussi en ballotage et souhaite elle aussi que la situation ne traine pas.
Si les conditions sanitaires le permettent, il me semble important de maintenir le second tour en juin afin d'installer au plus tôt les équipes municipales et permettre aux collectivités de fonctionner normalement et démocratiquement afin de venir en aide à ceux qui sont fragilisés par cette crise sanitaire.
Globalement, la plupart des candidats et des élus souhaitent un dénouement rapide, pour une situation claire face aux enjeux inédits de cette crise sanitaire du Covid-19. Et avant un hypothétique deuxième tour, la première échéance après le déconfinement sera l'installation des conseils élus au premier tour .