Les maires qui ne souhaitent pas rouvrir leurs écoles sont de plus en plus nombreux. Il y a aussi ceux qui repoussent ce retour en classe au mois de juin. Un choix réfléchi et concerté qui répond avant toute chose à un impératif de sécurité pour les enfants et les enseignants.
C'est un dilemme pour beaucoup d'élus. A quelques jours de la date choisie par le gouvernement pour la réouverture des écoles, de nombreux maires s'interrogent sur le bien-fondé de ce retour. Certains ont déjà tranché. Ils ne rouvriront pas leurs établissements avant l'été. C'est le cas du maire (SE) d'Etouvans dans le Doubs, commune de 800 habitants qui comptent 95 élèves.
On ne peut pas dire à quelqu’un tu es responsable de ce que tu fais sans avoir le libre arbitre de le faire ou pas
Nicolas Pacquot, maire d'Etouvans
« Ca me semblait très compliqué de mettre en place toutes les mesures prévues par le protocole sanitaire. Pour les plus petits cela revenait à mettre les enfants sur une chaise et attendre que ça passe.» Nicolas Pacquot est aussi le papa d’un enfant de CM1 et il a pu tester la classe virtuelle : «Elle a très bien fonctionné … les enseignants font un super boulot et on s’est dit que même si on arrivait à remettre 20 ou 25 gamins à l’école, impossible de laisser les enseignants assumer un double travail avec ceux qui resteraient à la maison.»
Un protocole sanitaire difficile à appliquer
L'impossibilité d'appliquer le protocole sanitaire, c'est aussi ce qui a décidé le maire (divers gauche) de Pouilley-les-Vignes Jean-Marc Bousset à ne pas rouvrir avant septembre les classes de maternelle. «Nous avons pris cette décision à l'unanimité. Certes, on a des locaux neufs mais si on veut respecter à la lettre le protocole c’est impossible ! Comment faire avec les jeux ? Ils vont se passer les cubes entre eux, sans compter les déplacements dans les classes et la récréation … dire non à un gamin de 3 ans pour s’amuser avec ses camarades et puis assurer le passage aux toilettes dans ces conditions … Devant cette montagne de difficultés, les gamins ne rentrerons pas ».
#Deconfinement L'ouverture progressive des écoles, collèges et lycées se fera dans le respect strict des prescriptions des autorités sanitaires.
— Ministère de l'Éducation nationale et Jeunesse (@EducationFrance) May 4, 2020
ℹ️Des protocoles sanitaires précisent les modalités pratiques de réouverture et de fonctionnement.https://t.co/mi14gOsSsg
En revanche, l'école primaire de Poulley-les-Vignes ouvrira le 14 mai avec deux classes pour commencer, CP et CM2 qui alterneront un jour sur deux pour respecter le nombre maximum d'enfants par classe. La même expérience sera mise en place dès le 25 mai pour les CE1/ CE2 et CM1.
«Le but, c’est la santé des enfants et des personnels qui travaillent et ceux qui gravitent autour de l’école. On fait passer le critère santé avant tout.» Mais Jean-Marc Bosset regrette «le flou juridique» qui entoure la responsabilité du maire «si par hasard un enfant venait à contaminer sa famille. Quid de notre responsabilité par rapport à un éventuel dépôt de plainte alors certes le gouvernement essaie de nous rassurer mais on ne se sent pas bordé au cas où… »
La responsabilité des maires en question
Un sentiment de vulnérabilité partagé par le maire (LR) de Valentigney, Philippe Gautier. « On navigue à vue. La responsabilité des maires reste un flou juridique. On demande à un élu de prendre des décisions alors je l’assume mais on les prend de façon concertée… on ressemble à un arbitre de foot sur le terrain, on arbitre en notre âme et conscience et avec les éléments dont on dispose mais une fois que la décision est prise, on ne fait pas machine arrière.»
Valentigney est la troisième commune de l’Agglomération à décider de ne pas rouvrir ses écoles la semaine prochaine. Une décision qui concerne les neuf établissements de la commune et ses 1 400 enfants. Par arrêté, Philippe Gautier a opté pour une reprise progressive des cours à compter du 2 juin « mais seulement si la situation sanitaire le permet », souligne l’élu et d'ajouter «moi je suis soignant (il est infirmier) et hors de question de mettre les enfants en danger... nous prendrons le temps de mettre en place le protocole».
C'est un arrêté motivé, ce n'est pas un caprice !
Daniel Buchwalder, maire de Seloncourt
Un délai supplémentaire, c'est aussi ce que réclame Daniel Buchwalder, le maire (DVD) de Seloncourt. «Quand on a lu la soixantaine de pages du protocole sanitaire et qu’on a fait l’inventaire de tout ce qui devait être mis en place, c’était matériellement impossible. Ce n’est pas de l’obstruction, on a pensé qu’on n’était pas en mesure de mettre quelque chose de fiable en place. Alors, on s’est donné le mois de mai pour être prêt dans de bonnes conditions.»
Seloncourt compte quatre écoles et 480 enfants en maternelle et en primaire. Le maire a donc pris également un arrêté pour décaler cette rentrée au 2 juin. «C’est pris de manière très objective et factuelle. Je pense que c’est une bonne décision et on va faire tout ce qu’il faut pour les accueillir en toute sécurité.»
Daniel Buchwalder nous précise toutefois que l’accueil est maintenu pour les enfants des personnels prioritaires et il se fera au cas par cas pour des familles qui rencontreraient des difficultés.
La réaction du préfet du Doubs
«C’est une question de justice sociale pour les enfants décrocheurs donc on dialoguera jusqu’au bout avec les maires. Le préfet et les services de l’Etat ont au téléphone les maires quasiment toutes les heures et les services de l’Etat se sont mis en mode solution pour dialoguer jusqu’au bout.»Joël Mathurin, préfet du Doubs.