40 ans après l'accident de Beaune qui a causé la mort de 53 personnes en 1982, le documentaire "Rester debout" est diffusé ce jeudi 8 septembre sur France 3 Bourgogne à 22 h 50. À cette occasion, la réalisatrice Frédérique Lantieri revient sur les témoignages qu'elle a recueilli auprès des rescapés de la tragédie.
Le 31 juillet 1982, 53 personnes étaient tuées dans un accident de bus près de Beaune. Le pire accident de la route de l'histoire en France. 40 ans après, un documentaire sur ce drame sera diffusé ce soir sur France 3 Bourgogne à 22 h 50. La réalisatrice, Frédérique Lantieri, était l'invitée du 12/13 de ce jeudi 8 septembre et a répondu à trois questions.
Comment convaincre les victimes de témoigner quarante ans après ?
Frédéric Lantieri : Je suis allée les voir à plusieurs reprises. Au début, je n'étais pas sûre de vouloir réaliser ce documentaire et de me plonger dans quelque chose d’aussi atroce. Et puis j'ai rencontré la présidente de l’association Marie-Andrée Martin*, je me suis dit qu’elle était tellement admirable par son combat, par sa résilience, par son absence totale de rancune alors qu’elle avait été autant maltraitée. Elle méritait que je montre ce qu'il s'est passé et tout le monde devait voir comment les familles tentent de se relever d’une catastrophe pareille.
*Marie-Andrée Martin a perdu trois enfants dans la catastrophe de Beaune. Elle a créée l’ADFVCA (Association de Défense des Familles Victimes de la Catastrophe de l’Autoroute A6 du 31 juillet 1982) afin de savoir ce qui s’est réellement passé ce jour-là. Grâce à leurs voix, un grand nombre de lois sur la sécurité routière ont évolué.
Comment Sylvie Martin, seule membre rescapée de sa famille, a-t-elle vécu ce drame ?
F.L : Toutes ces familles populaires viennent d’une même ville de Crépy-en-Valois, dans l'Oise. Sylvie est la fille de Marie-Andrée Martin. Ils sont 12 cousins dans le bus ce jour-là, et il se trouve que sa sœur lui demande de changer de place et de se mettre au fond. C'est ce qui va lui sauver la vie. Il faut comprendre que cette culpabilité d'avoir changé de place lui pèse sur les épaules, elle a le syndrome du survivant. J’en ai discuté avec elle, elle a une telle culpabilité qu’elle ne peut pas supporter les réunions de famille. Elle a l’impression que ses oncles et ses tantes voient les morts à travers elle. N’oublions pas aussi qu’elle est sortie parce qu'un moniteur a arraché les enfants à leur siège. La porte à l'avant était bloquée, mais aucun enfant n’a voulu passer par l’arrière. Le moniteur les a littéralement arrachés des flammes.
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Il n’y a pas eu de cellule psychologique en 1982. Est-ce la raison pour laquelle les rescapés se livrent autant dans ce documentaire ?
F.L : Elles ont été non seulement abandonnées mais également maltraitées. Marie-Andrée et sa sœur racontent que deux jours après le drame, elles reçoivent une lettre de la caisse d'allocations familiales qui voulait généralement dire “vous avez bien compris vous avez perdu vos enfants, maintenant les allocations c’est terminé”. Les gens n’ont même pas eu le temps d’enterrer leurs enfants, qu’on leur coupe toutes les aides. En plus, ils n’ont jamais reçu le moindre soutien psychologique. Le seul psychologue qu’ils ont eu a été diligenté par la partie adverse quand il y a eu un procès pour voir s’ils ont réellement été traumatisés par ce drame. Pour l’indemnisation des victimes, on leur a clairement dit “écoutez vous avez compris que vous veniez d’un milieu modeste. Vos enfants ne valent pas ceux des familles plus aisées et cultivées que vous.”
"Rester debout" sera diffusé ce jeudi 8 septembre à 22 h 50 et ce lundi 12 septembre à 9 h 05. Il est à retrouvé en replay sur notre page des documentaires.