La Crèche "Graines de Moutarde" située au parc Valmy à Dijon, gérée par l'association La Maison Bleue, doit se conformer à un arrêté préfectoral réduisant son activité. Des dysfonctionnements ont été constatés et l'activité de l'établissement sera réduite à partir du 4 décembre. Un autre établissement du même groupe est aussi suivi dans une procédure.
Jeudi matin 16 novembre, nous avons croisé beaucoup de parents pressés pour déposer leur enfant à la crèche. Certains d'entre eux se retrouveront sans possibilité de garde après le 4 décembre, à la suite de l’arrêté préfectoral.
"S'il y a un manque de personnel, c'est normal de fermer"
Parmi les parents croisés à l'entrée de la crèche, quelques-uns sont au courant des problèmes de fonctionnement de l'établissement, mais demeurent attachés à la crèche.
Comme Marie, qui va être concernée par la réduction d'activité, elle ne pourra plus faire garder sa fille à partir du 4 décembre, une situation plutôt contraignante : "il y a eu une décision de la PMI (Protection Maternelle et Infantile ndlr) de réduire des agréments et ils ont beaucoup moins de places. Par conséquent mon contrat s'arrête." La mère de famille ne nie pas qu'il y a eu des soucis dans l'établissement : "Bien sûr il y a eu des dysfonctionnements, mais au-delà de ça ma fille est très contente d'aller à la crèche, je la trouve épanouie, c'est ce qui me désole encore plus ! Moi je n'ai pas de problèmes avec cette crèche.[...] je comprends les décisions prises au niveau de l'Etat parce que,oui, il y a un manque de personnel évident."
Une autre mère de famille, Sandrine, est impactée car la garde de son enfant doit s'arrêter à 18 heures : "Les règles de sécurité sont respectées ici. Ce qu'il s'est passé ces derniers jours, c'est qu'il y a une, deux, trois personnes qui sont retrouvées en arrêt de travail, et quand on ne peut plus respecter ces quotas, on est obligé de fermer des sections. Forcément les parents ne sont pas contents [...] C'est comme partout ils travaillent à flux tendu. Les crèches, il y a des règles, s'il y a un manque de personnel et qu'elles ne sont pas en nombre suffisant pour garder nos enfants, oui ça va fermer. Et c'est normal que ça ferme, parce qu'on mettrait en danger les enfants."
Alertes de la PMI puis arrêté Préfectoral
Ce sont plusieurs alertes répertoriées par la Protection Maternelle et Infantile (qui dépend du Conseil Département de Côte-d'Or) et une visite en date du 6 novembre dernier qui ont finalement conduit le Président du Conseil Départemental, François Sauvadet, à alerter le Préfet.
Un communiqué de la Préfecture de Côte-d'Or, du 15 novembre, rappelle : "À la suite de la constatation de dysfonctionnements (taux d'encadrement des enfants, qualification des personnels et absence d'infirmière-puéricultrice), le préfet de la Côte-d'Or, afin de garantir la sécurité des enfants, a décidé de réduire l'activité de cette crèche à compter du lundi 4 décembre 2023 et ce, jusqu'à ce que l'établissement respecte les normes.
A cette date, la capacité d'accueil sera fixée à :
- 40 places de 7H30 à 8H et de 17H30 à 18H30
- 45 places de 8H à 17H30"
Le Conseil Départemental de Bourgogne nous a transmis un historique des différents dysfonctionnements signalés tels que :
"le 22 février 2023, une nouvelle visite de l’établissement a eu lieu et il a été constaté que le taux d'encadrement n’était toujours pas respecté."
ou bien : "le service de la PMI a été destinataire de plusieurs plaintes de parents, de professionnels travaillant dans cette structure, d'organismes publics réservataires de berceaux au sein de l’établissement et de l'Inspection du travail alertant sur une prise en charge inadaptée des enfants au sein de la structure (manque de personnels, professionnels en souffrance, repas insuffisants)."
ou encore "le 6 avril 2023, un organigramme actualisé a été adressé par la structure au service, mais le taux d'encadrement est toujours de 1 adulte pour 7,4 enfants (au lieu de 1 pour 6) et un taux de personnel diplômé de 36 % (au lieu de 40% exigés par le Code de Santé Publique)."
Un deuxième établissement concerné à Dijon
Un autre établissement du même groupe "La Maison Bleue" situé à Dijon ("Les p'tits pieds dans la vigne", rue Nelson Mandela à Dijon) est également concerné par une procédure. Des problèmes ont été répertorié dans le cadre de "contrôles" mais aussi "via des plaintes formulées par des professionnels et des parents."
La Préfecture a décidé, le 15 novembre "d'entamer une procédure contradictoire avec mise en demeure de l'établissement de se mettre en conformité, faute de quoi l'établissement s'exposera à une fermeture."
Selon les informations du Conseil Départemental, "ces plaintes dénoncent essentiellement la surcharge de travail ne permettant pas d’assurer les besoins fondamentaux des enfants accueillis. Le service de PMI rencontre d’ailleurs des difficultés pour obtenir un organigramme détaillé du personnel et les diplômes des professionnels dans le but de vérifier le respect des normes en matière d’encadrement des accueillis conformément au Code la Santé Publique."
Néanmoins "de nombreuses visites d’inspection entre janvier 2022 et avril 2023, avec une rencontre avec le gestionnaire et la direction en mars 2023" ont eu lieu, précise le Département.
"En l’absence de réponse de la part du gestionnaire, un courrier de recadrage a été adressé à la structure en février 2023, afin d’obtenir l’organigramme demandé ainsi que le planning des enfants et du personnel. Lors d’une visite en avril 2023, aucun dysfonctionnement concernant le taux d’encadrement n’a été constaté."
Sur des signalements, "le service de PMI a procédé à une nouvelle visite d’inspection en juin 2023. Les éléments constatés ont permis de considérer que les conditions d’installation, d‘organisation et de fonctionnement de cette structure compromettaient la santé, la sécurité et le bien-être physique des enfants accueillis."
Un courrier d’injonction a alors été adressé à l’établissement, assorti de "visites inopinées". Si la structure "avait pris en compte différentes demandes de la PMI, des aménagements restaient à réaliser tout comme le recrutement de personnel supplémentaire pour la rentrée de septembre."
De nouveaux dysfonctionnements "ont été constatés lors d’une visite en octobre 2023" et ont conduit le Président du Conseil Départemental à alerter la Préfecture sur cette situation.
"Nous avons une priorité, l'accueil et la sécurité des enfants"
Pour Frankie Jourdaine, directeur régional du groupe "La Maison Bleue", la décision de la Préfecture est accueillie favorablement. Il ne nie pas les problèmes du groupe mais rappelle le contexte du secteur professionnel de la petite enfance : "En France aujourd'hui il manque 10 000 professionnels dans la corporation, et nous sommes impactés par cette situation à Dijon."
"Au sein de la Maison Bleue, nous avons une priorité, c'est l'accueil et la sécurité des enfants, dans le respect de la réglementation. Et on ne transige pas avec ces mots-clés."
"Nous avons étés associés à cette décision, évidemment nous la comprenons, mais nous y étions favorables. À aucun moment nous étions opposés à cette décision. Il faut qu'on puisse stabiliser cette crèche avec le nombre de professionnels que nous avons actuellement pour accueillir le nombre d'enfants correspondant à la réglementation. Et lorsqu'on aura recruté, on pourra ré-accueillir et prioritairement les familles qui ont été impactées dernièrement."
Le directeur régional rappelle que "dès le mois d'octobre, on avait répondu par écrit que nous étions favorables à réduire temporairement l'accueil du nombre des enfants. Nous avons dans tous les cas été associés à cette décision pour faire en sorte que la sécurité et l'accueil soient bien respectés. C'est une priorité."
Le groupe La Maison Bleue recrute actuellement 7 postes, et "temporairement, on a parfois des difficultés à recruter des professionnels" ajoute Frankie Jourdaine.
Au sujet de la crèche "Les petits pieds dans la vigne" située dans le quartier Arsenal à Dijon, Frankie Jourdaine assure que lors d'une visite de la PMI en octobre, "il n'y avait pas de problèmes de personnels dans cette crèche, de taux d'encadrement présent par rapport au nombre d'enfants présents dans la crèche." Il y aurait eu, selon lui "un problème d'accès à la porte d'entrée, où des parents ont donné le digicode au services de la PMI qui arrivaient en même temps."
De son côté, le Directeur ne voit pas de menace de fermeture sur cet établissement : "Mais nous n'avons pas eu d'information majeure comme quoi il y avait une menace de fermeture sur cette crèche."
Le Directeur rappelle sa priorité à "respecter la réglementation", par conséquent "de réduire l'amplitude d'ouverture de la crèche en cas d'abscence de professionnels pour accueillir les enfants."