Le petit Grégory Villemin, 4 ans, a été retrouvé mort, pieds et poings liés, dans la rivière Vologne en 1984. Depuis trois ans, sa famille recevait de nombreux appels et lettres anonymes. C’est là que se trouve "la clé de l'énigme", selon le livre La voix rauque.
Le livre La voix rauque, publié aux éditions Les Arènes, a été écrit par le journaliste Thibaut Solano. Ecrit comme un carnet de bord, il retrace la chronologie des insultes et des menaces de celui que les Villemin appellent "le gars à la voix rauque", ou simplement "le gars".
De 1981 à 1984, les coups de téléphone du "gars" sont passés tous azimuts. Ces appels révèlent les rancoeurs et les jalousies de cette famille. Ils visent les parents du petit Grégory, Christine et Jean-Marie Villemin, mais aussi les parents et les frères de ce dernier.
Parfois, un croque-mort se présente pour un décès imaginaire. Une ambulance pour un accident qui ne s'est jamais produit. Un garagiste pour une fausse panne. Ces événements se produisent toujours après avoir reçu l'appel de cette voix mystérieuse.
Le corbeau a harcelé la famille Villemin pendant 3 ans avant la mort de Grégory
Le 16 octobre 1984, la vie de Christine et Jean-Marie Villemin bascule. Leur fils de 4 ans, Grégory Villemin, est retrouvé mort dans une rivière des Vosges. Une lettre anonyme, postée le même jour, revendique le crime. "L'assassin de Grégory, le nom du coupable se cachent dans les noms" qui figurent dans le dossier, assure le journaliste Thibaut Solano.
Pendant des mois, il a épluché les milliers de pages, croisé les auditions pour reconstituer la trame de ce qui s'est passé "avant que les caméras arrivent, avant l'hystérie médiatique" qui en a fait l'une des plus grandes affaire criminelles françaises.
"Les trois années pendant lesquelles le corbeau a harcelé la famille Villemin sont beaucoup plus brumeuses (que ce qui s'est passé ensuite). Pourtant, je pense que la clé de l'énigme est là. Tout est déjà en place : les conflits de famille, les secrets..."
Qui se cache derrière la "voix rauque"?
Selon certains témoins, c'est un homme au timbre déguisé. D'autres reconnaissent une femme. Pour beaucoup, il s'agit certainement d'un couple.
Le "corbeau" de l'affaire Grégory est en tout cas extrêmement bien renseigné. Il connaît certains détails intimes, rapporte des histoires d'adultères, réelles ou supposées. Dans cette famille aux multiples ramifications le soupçon est partout et chacun tentera, sans succès, de le démasquer.
Lorsque Thibaut Solano commence les recherches pour son livre en 2015, l'affaire semblait être au point mort. L'auteur complète sa lecture du dossier par quelques entretiens avec des témoins, dont il préserve l'anonymat. Mais alors qu'il termine son manuscrit en juin 2017, l'affaire repart de plus belle, 32 ans après la mort de Grégory.
Plusieurs membres de la famille Villemin sont interpellés par les gendarmes de la section de recherche de Dijon.
Parmi eux se trouvent notamment Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grand-tante de Grégory, qui n'avaient jamais été inquiétés jusqu'alors.
La justice les soupçonne d'avoir été les fameux "corbeaux".
Selon les enquêteurs, qui se basent notamment sur une nouvelle expertise graphologique et du champ lexical de certains courriers, ils seraient aussi impliqués dans le rapt et la mort du garçonnet dans le cadre d'un "acte collectif".
Marcel et Jacqueline Jacob sont mis en examen pour enlèvement et séquestration suivie de mort. Murielle Bolle, témoin clé de l'affaire en 1984, est elle aussi mise en examen. Depuis des mois, tous clament leur innocence. Murielle Bolle est toujours assignée à résidence dans la Nièvre pour éviter tout contact avec des membres de sa famille.
Thibaut Solano reste prudent. Le journaliste n'est "pas certain" que ce rebondissement débouche sur un renvoi aux assises. Mais il serait "dramatique" qu'il n'y ait jamais de procès pour donner la clé de cette affaire, estime-t-il, car "dans ce vase clos, quelqu'un sait."