Près de 33 ans après les faits, l'interrogatoire à Dijon de cinq membres de la famille Villemin a spectaculairement relancé l'affaire Grégory, du nom d'un garçonnet assassiné en 1984, qui demeure l'une des grandes énigmes policières du XXe siècle en France. Retour sur 3 jours de rebondissements.
Mercredi 14 juin 2017 : le coup de théâtre
Mercredi matin, coup de théâtre : Marcel Jacob, l'oncle de Jean-Marie Villemin (le père de l'enfant) et sa femme Jacqueline ont été interpellés dans le village d'Aumontzey, dans les Vosges, par les gendarmes de la section de recherche de Dijon. Une belle-soeur du père, Ginette Villemin, a quant à elle été arrêtée à Arches, à moins de 30 kilomètres de là. Tous les trois ont été placés en garde à vue et transférés à Dijon. Les grands-parents du petit garçon, Monique Villemin (dont l'état de santé ne permettait pas une garde à vue) et Albert Villemin ont pour leur part été entendus en audition libre. Tous deux sont restés dans les Vosges.
Ces interpellations, "qui visent des personnes très proches du coeur de l'affaire, ont pour but d'éclaircir certains points et d'apporter des réponses à des questions posées, parfois de longue date, par des zones d'ombre de la procédure", a relevé dans un communiqué Jean-Jacques Bosc, le procureur général de la cour d'appel de Dijon, en charge du dossier.
Jeudi 15 juin 2017 : les corbeaux démasqués ?
Les gardes à vue de Marcel et Jacqueline Jacob (grand-oncle et grande-tante maternelle de Grégory Villemin) sont prolongées de 24 heures, à la gendarmerie de Dijon. Ginette Villemin est remise en liberté en fin d'après-midi. A 16 heures, le procureur général de Dijon Jean-Jacques Bosc tient un point presse très attendu depuis la cour d'appel. "Je ne suis pas venu aujourd'hui vous dire que l'affaire était résolue. A ce stade, les investigations montrent que plusieurs personnes ont concouru à la réalisation du crime. Il apparaît que dans les jours précédant le passage à l'acte, des repérages et surveillances ont été réalisés, opérés par un homme portant une moustache et quelques fois accompagné d'une femme", déclare le magistrat.
Conférence procureur général affaire grégory
De nouvelles expertises d'une lettre de menaces, manuscrite et anonyme, adressée en 1983 au père de Grégory, orientent les soupçons sur Jacqueline Jacob. Des documents écrits par la grand-tante de Grégory ont été retrouvés en perquisition à des fins de comparaison. La grand-mère, Monique Villemin, entendue mercredi comme témoin à son domicile dans les Vosges, serait quant à elle l'auteur d'une lettre de menaces datant de 1989, adressée au juge Maurice Simon, alors chargé de l'instruction et décédé depuis. Marcel Jacob a déjà été soupçonné, durant la procédure, d'avoir endossé le rôle du "corbeau", d'autant que l'incertitude planait sur son emploi du temps au moment du meurtre, mais il n'avait jamais été inquiété jusque-là.
"Sur le fond, il n'y a pas d'éléments nouveaux", souligne-t-on de source proche de l'enquête mais le logiciel d'analyse criminelle Anacrim, conçu et utilisé par la gendarmerie, a permis d'avoir "un regard neuf sur la procédure". Avec cet outil, les gendarmes ont reconstitué la chronologie des jours ayant précédé et suivi le crime, de façon à positionner dans l'espace et dans le temps l'ensemble des protagonistes et des éléments considérés comme intéressants. Le logiciel a ainsi mis au jour de nouvelles incohérences, que les enquêteurs cherchent à comprendre.
Vendredi 16 juin 2017 : le couple Jacob mis en examen
Vendredi matin, les gardes à vue de Marcel et Jacqueline Jacob (respectivement 71 et 72 ans) prennent fin. Le couple Jacob est déferé au parquet général de Dijon. et présenté à un juge d'instruction. Jacqueline Jacob reste silencieuse, quand Marcel nie les faits qui lui sont reprochés. A 17 heures, une nouvelle conférence de presse se déroule à la cour d'appel de Dijon. Le procureur Jean-Jacques Bosc annonce les mises en examen pour "enlèvement suivi de mort" à l'encontre de Marcel et Jacqueline Jacob. Le couple est placé en détention provisoire pour quatre jours, le temps que la chambre d'instruction se prononce. "A l'évidence Grégory a été enlevé du domicile de ses parents et retenu un certain temps jusqu'à sa mort", explique le magistrat, ajoutant que les personnes qui ont participé à cet enlèvement "sont les auteurs du crime".
Me Stéphane Giuranna, l'avocat de Marcel Jacob, s'étonne : "en vingt ans d'exercice professionnel, je n'ai jamais vu ça de ma vie. Je pense qu'il y a un piège et qu'ils vont nous sortir de nouveaux éléments lundi. Je ne comprends pas", déclare-t-il à l'AFP. Il poursuit après le point presse du procureur : "c'est criminel de jeter en pâture le nom d'un couple, quand on n'a rien !" précisant qu'il allait rapidement demander "la nullité de la mise en examen" de son client qui aurait dû seulement être placé sous le statut de témoin assisté selon lui.
C'est criminel de relancer cette affaire. Il n'y a rien. Me Giuranna (avocat Marcel Jacob) #affaireGregory pic.twitter.com/5yESOfWRBF
— Tarrisse Christophe (@TarrisseChristo) 16 juin 2017
Si l'enquête sur l'assassinat de Grégory Villemin, retrouvé mort dans les eaux de la Vologne, pieds et poings liés, le 16 octobre 1984, n'est pas résolue, elle vient, selon le parquet, de connaître des avancées importantes, notamment en ce qui concerne l'identifications des corbeaux. Les investigations vont se poursuivre dans les prochains jours.
Marcel et Jacqueline Jacob sont incarcérés dans deux établissements bourguignons.
vendredi 16 juin 2017
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