L'église Saint-Philibert, bâtie au 12è siècle, fait partie du décor du centre-ville et demeure remarquable par son architecture. C'est le seul clocher en pierre de la ville de Dijon. Des travaux d'urgence sur la toiture ont débuté, mais d'autres études pour une rénovation sont en cours, révélant un passé encore plus lointain.
Saint-Philibert est connue des Dijonnais, mais très peu ont pu y entrer. Utilisée par le passé comme lieu d'exposition pour le festival "Itinéraires singuliers", la plus ancienne église de Dijon est désormais interdite d'accès. Des travaux d'urgence sur la toiture ont commencé.
Une réparation du toit en urgence
Les travaux ont débuté le lundi 14 octobre, pour une durée de 4 mois. Objectif : stopper les infiltrations d'eau et remplacer des éléments de charpente.
C'est environ un tiers de la surface de toiture qui va être remplacée, un chantier dont le coût est estimé à 300 000 € environ. "Ce sont des travaux à faire assez rapidement, explique Bastien Deliau, responsable de projet à la Directrion des bâtiments de la ville de Dijon. Il y a avait des trous dans la toiture, des tuiles manquaient et la charpente commençait à être abîmée avec les intempéries. Il y avait eu depuis une vingtaine d'années des interventions ponctuelles pour remplacer quelques éléments, mais rien de global comme on a lancé maintenant."
Le sel a attaqué les piliers
Le plus préoccupant concerne la partie intérieure de l'église. Les inquiétudes portent sur un affaiblissement de ses structures (piliers, voûtes), dû à des remontées de sel par les piliers. Un problème ancien, lié aux utilisations multiples de cette église depuis sa désacralisation à la Révolution Française.
L'église subit actuellement une phase d'études et de diagnostics, afin de déterminer les meilleures actions à mener pour renforcer l'édifice. Des examens qui ont débuté il y a plus de deux ans, et qui ne sont pas terminés : "Le problème du sel est bien documenté en France par les Monuments Historiques, on a pas mal de solutions qui peuvent être apportées", affirme Bastien Deliau. "Aujourd'hui, le phénomène d'accumulation du sel est stoppé. La question qu'on se pose à présent, c'est : comment évacuer le sel des piliers ? Ça passe par plusieurs hypothèses de travail, qui vont du traitement chimique jusqu'au remplacement du pilier intégral."
Pourquoi la présence de sel dans cette église ?
L'église Saint-Philibert a eu plusieurs usages à partir de la Révolution. Zoé Blumenfeld-Chiodo, directrice de la valorisation du patrimoine à la ville de Dijon explique que "la présence de sel dans les sols est dûe à l'occupation militaire de Saint-Philibert, depuis la Révolution jusqu'en 1920. D'abord lieu de cantonnement pour les prisonniers ou militaires, puis écurie, elle a servi également de dépôt de vivres et à l'époque, la viande était conservée dans du sel, qui s'est infiltré dans le sol de la nef."
Mais le phénomène qui a déclenché les dégradations de la pierre remonte aux années 1970 : "Dans les années 1970, la ville de Dijon a souhaité faire de Saint-Philibert un lieu de spectacle et un lieu d'expositions, en coulant un sol en béton assorti d'un dispositif chauffant. L'ensemble du sel qui circulait de façon naturelle sur toute la superficie la nef s'est alors retrouvé concentré au niveau des piles (piliers). Ces remontées de sel qui se faisaient sur une surface extrêmement large se sont fait tout d'un coup à l'échelle des seules piles, causant les dégradations que l'on voit aujourd'hui encore."
Diagnostic de l'état des piliers et découvertes archéologiques
La ville a commandité une série d'études autour des piliers de l'église, pour découvrir jusqu'à quelle profondeur le sel pouvait se trouver dans les sols.
L'INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques et Préventives) a pris les choses en main, et des découvertes inattendues sont apparues. Telles qu'une première construction antérieure à Saint-Philibert, comme l'explique Clarisse Courderc, responsable d'opérations pour fouilles archéologiques et spécialiste du bâti à l'Inrap : "Ce mur témoigne d'une première occupation, d'une première construction, un premier état de l'église Saint-Philibert. Il était présumé, mais jamais avéré. On serait sur une maçonnerie qui serait de l'an mil".
Pourquoi aussi précisément ? Par sa technique de construction assez caractéristique de cette période , qu'on appelle opus picatum ou arêtes de poisson, c'est-à-dire des pierres qui sont obliques.
L'intérêt scientifique et patrimoninal de la découverte est souligné par l'archéologue : "C'est une découverte qui est totalement inattendue, on ne pensait pas du tout trouver une église antérieure à Saint-Philibert. En tous cas, pas de cette période-là et qui remonte aussi loin dans le temps. C'est emblématique et très intéressant au niveau du patrimoine."
La découverte est complémentaire avec d'autres trouvailles faites dernièrement dans le secteur de Saint-Philibert et Saint-Bénigne : "On va pouvoir justement prouver qu'on avait déjà à cette période là, autour de l'an mil, une occupation autour de l'église Saint-Philibert, une première église, sûrement en lien avec le bourg qu'on a pu mettre en évidence il y a quelques mois autour de l'abbaye Saint-Bénigne."
Les fouilles archéologiques ont révélé d'autres secrets, tels qu'un sarcophage, mais il y a de fortes probabilités de trouver d'autres vestiges : "Pour l'instant, on s'est arrêtés à cette cote de profondeur, mais il est possible que cette église de l'an mil repose sur des vestiges plus anciens, sur cette nécropole antique que nous avons déjà mis en évidence dans le secteur, datant du 4ème siècle environ."
Des travaux entrepris par le passé pour lutter contre le sel
Depuis les annéees 1970, plusieurs actions ont été entreprises pour enrayer les détériorations causées par le sel. Le sol imperméable a été supprimé, du métal inoxydable pris dans une résine a été posé sur le pied des piles. "Mais le sel étant présent dans les piliers, les échanges continuent de se faire à la surface, et on voit bien encore aujourd'hui une dégradation progressive de l'état de la pierre", avertit Zoé Blumenfeld-Chiodo.
Réhabiliter Saint-Philibert, un enjeu patrimonial
Saint-Philibert était un édifice important dans l'ancien bourg, attenant à la ville de Dijon. Au Moyen-Âge, l’investiture du maire et des échevins se faisait dans le cimetière de Saint-Bénigne, devant le porche de Saint-Philibert. Les assemblées communales s'y tenaient. Elle était aussi la paroisse des vignerons, ces derniers s'étant installés dans le quartier alentour.
Sauvée des eaux d'ici la fin d'année, l'église Saint-Philibert poursuivra sa phase de diagnostics et fouilles archéologiques, qui devrait se prolonger pendant tout le premier semestre 2025.