C'est une tendance qui commence à plutôt bien s'implanter en France depuis une dizaine d'années : acheter ses produits de consommation usuels (aliments secs, fruits, légumes...) dans des épiceries où tout est présenté "en vrac". Mais quels sont les effets de ce mode de consommation, loin des supermarchés et autres circuits de commercialisation plus classiques ? Nous nous sommes rendus dans deux épiceries vrac de Dijon.
C'est une tendance de consommation que l'on voit plutôt dans les villes : les épiceries "vrac" pour trouver des produits alimentaires de consommation courante, mais aussi des produits d'entretien, des produits cosmétiques, de la droguerie. Des formules "drive" ont également essayé de conquérir des parts de marché.
Le vrac, pour gérer son budget au plus près
C'est un des arguments majeurs pour acheter en vrac : on n'achète que ce dont on a besoin, la juste mesure, au plus près de sa consommation.
Des clients de l'enseigne Day by Day située en centre-ville à Dijon nous l'ont confirmé.
Une cliente, prenant juste quelques articles, affirme : "Je ne suis pas une fana non plus du vrac. C'est juste parce que je préfère les produits vracs. Si je peux réduire mes emballages, ce n'est pas plus mal !"
Au rayon des produits d'entretien, une dame, une habituée, fait le plein de lessive liquide et de produit vaisselle : "Je viens avec un bidon que j'ai pris ici et que je ramène à chaque fois. Ils en mettent à disposition ici."
La tendance au vrac chez certains consommateurs est confirmée par la gérante de l'établissement, Céline : "C'est une vraie implication. La vraie raison au départ, c'est pour éviter le gaspillage alimentaire, donc gérer ses quantités. En ce moment, ça permet de gérer son budget aussi en fonction de ses besoins, et inévitablement, comme on propose sans emballage, on a un effet secondaire de réduction finale de déchets chez le consommateur."
"On amène son contenant"
Une des conséquences de la consommation "vrac", c'est la réduction des emballages, qui se fait "automatiquement", selon Céline. Mais il y a différents degrés d'implication dans le comportement "zéro déchet" :
"Il y a deux attitudes", nuance Céline. "Certains sont très concernés, et amènent leurs contenants, que ce soit des bocaux, des sachets tissu, des sachets kraft. Eux, en plus, ils ne veulent vraiment pas générer de déchets, en plus de gérer leurs quantités et de ne pas faire de gaspillage alimentaire.
Et il y a des gens qui viennent acheter en vrac, ils sont plus 'anti-plastique' et ils achètent tout dans des sachets kraft. Il n'y a pas la conscience du déchet du sachet kraft. C'est pour cela qu'on a mis en place une rétribution pour tous les gens qui utilisent des contenants de réemploi, on leur rétrocède un centime pour chaque contenant qui vient de la maison. Plutôt que de facturer les sachets kraft, on essaie de solliciter et de motiver le réemploi."
Un client arrive en vélo, avec des sacoches chargées de bocaux vides. Le jeune homme vient pour faire les courses du mois. Les produits qu'il vient chercher sont : "Tout ce qui est produits secs, céréales et produits ménagers aussi, tablettes de lave-vaisselle, liquide vaisselle, ils ont toute une gamme ici. On a quand même des achats en supermarché, avec des emballages."
La motivation première de venir dans un "vrac" selon lui, "c'est principalement la réduction d'emballage et le zéro déchet, et les produits locaux. On a constaté que la poubelle se remplit moins vite."
Alors le zéro déchet n'est peut-être pas possible, mais y-a-t-il moyen malgré tout d 'y arriver ? "Le zéro déchet, il faut tendre vers ça , on fait ça pour nous, par acquis de conscience, mais il y a beaucoup de gens, à qui ça va demander un gros effort de changer leurs habitudes !"
"Au moins 60 % de nos clients viennent pour nos valeurs : le vrac, la réduction des déchets"
C'est dans autre lieu à Dijon qu'on retrouve la vente en vrac : la Fourmillère, qui rassemble une épicerie vrac, un café-cantine et une ressourcerie végétale. Sa gérante, Julie Collin, nous confirme que les clients qui viennent se fournir en vrac sont pour une bonne partie des personnes convaincues par le zéro déchet, ou du moins, par la réduction des déchets.
"Il y a une grosse partie de notre clientèle, 60 % je pense, qui viennent pour les valeurs qu'on transmet, notamment le vrac, la réduction des déchets, et parce qu'ils veulent mettre ça en place dans leur vie. Et les 40% restants viennent nous voir parce que nous ne sommes pas loin de chez eux, que c'est pratique de venir chez nous, ou alors ils trouvent des produits spécifiques qu'ils recherchent, et ils sont fournis en vrac, donc les gens se mettent au vrac."
Julie confirme que les gens viennent acheter "en tout confort" les produits, car la démarche d'approvisionnement et de sélection de produits de qualité a déjà été faite en amont par le magasin.
Peut-on tendre vers une suppression des emballages ?
Les consommateurs qui achètent en vrac sont tous différents, et ce n'est pas parce qu'on achète en vrac que l'on va systématiquement réduire de façon drastique sa production d'emballages. Comme l'explique Julie, "chacun a ses contraintes, ses habitudes, ses besoins et pour certains c'est facile de mettre en place ce genre d'habitude. Il y en a pour qui c'est plus difficile, parce que c'est plus ancré de faire autrement, car les habitudes ne sont pas prises, les horaires de travail ne sont pas simples. Nous sommes plus là pour les accompagner !"
Une cliente, habituée du lieu, achète régulièrement des produits en vrac. C'est avant tout, pour elle, le gage d'avoir des produits de qualité, locaux et éventuellement bio : "La conséquence sur la réduction de déchets vient ensuite : je fais ce que je peux, sans que ce soit forcément une contrainte et que ça nuise à mon quotidien. Il y a des choses très faciles, acheter dans un esprit épicerie, amener ses propres sacs... C'est une toute une dynamique en fait que j'aime. Les produits bien moins chers qu'on peut trouver ailleurs ne seront pas qualitativement ceux que je recherche."
Au regard de ces témoignages, le "vrac" apparaît comme un mode de consommation vertueux. L'impact sur le ticket de caisse final demeure toutefois plus élevé, mais d'une façon mesurée, car les quantités achetées sont au plus juste de la consommation des ménages. Un chiffre prouve néanmoins que les ménages ne sont pas encore passés à ce mode de consommation de façon massive : on estime à 5% le nombre de ménages se fournissant en épicerie "vrac"; autant dire qu'il reste encore une bonne marge de progression pour séduire de nouveaux consommateurs.