Depusi ce lundi 1er février, les opticiens présents dans les centres commerciaux de plus de 20.000 m2 sont obligés de fermer boutique comme les autres magasins considérés comme non-essentiels, suscitant l'incompréhension générale. C'est le cas notamment à la Toison d'Or de Dijon (Côte-d'Or).
"On est dans l'incompréhension la plus totale". Philippe Guillou est gérant de deux magasins d'optique Krys. L'un est situé dans le centre commercial de la Toison d'or à Dijon, l'autre dans le centre-ville de la cité des Ducs. Depuis ce matin, son téléphone n'arrête pas de sonner. "Aujourd’hui, on est harcelé par nos clients qui ont besoin de leur lunettes".
Beaucoup de ses clients veulent récupérer leur commande de verres ou de lunettes. Seulement voilà, contrairement au deuxième confinement, il ne peut pas cette fois les recevoir ou leur livrer leurs commandes.
Pas de distinction cette fois entre boutiques essentielles ou non
Face à la polémique, la notion de commerce "essentiel" ou "non-essentiel" n'existe plus aujourd'hui. Avec la fermeture des centres commerciaux non-alimentaires de plus de 20.000 m² (et de certaines galeries marchandes) annoncée vendredi soir par le premier ministre Jean Castex, ce sont donc tous les magasins des galeries qui doivent fermer leurs portes exceptés les pharmacies et les commerces "de bouche".
"Certains de mes clients vont chercher leurs capsules chez Nespresso à côté qui est le numéro 1 de la livraison à domicile. Ils peuvent aller acheter du chocolat chez Jeff de Bruges. En revanche, ils ne peuvent pas venir chercher des lunettes commandées chez moi," déplore Philippe Guillou.
Heureusement pour lui, il dispose d'une seconde boutique dans le centre-ville de Dijon. Il va donc devoir réorganiser toute son activité cette semaine. "On a toute une organisation à mettre en place de manière à livrer toutes nos lunettes en centre-ville," explique l'opticien. "On est en train de voir comment on peut faire des navettes."
"Pour nous, c’est compliqué. On n'a pas de possibilité de dérouter nos clients."
Plus loi dans la galerie de la Toison d'Or, les six conseillers d'Atol enchaînent les appels derrières les grilles baissées. Nicolas Desprets, le gérant, lui n'a pas la chance de disposer d'une deuxième boutique en centre-ville. Il doit donc trouver des solutions pour pallier à l'interdiction de livrer ou recevoir ses clients. "Pour nous, c’est compliqué. On n'a pas de possibilité de dérouter nos clients."
On passe livrer sur un parking un produit de santé alors que ce même client peut rentrer cinq minutes après dans la galerie acheter son chocolat ou son café. On est dans le délire."
Pour gérer les urgences, lui et ses collaborateurs donnent donc des rendez-vous spécifiques. "On donne des points de rendez-vous à nos clients et on les livre comme ça, où c’est le plus urgent. Par exemple, on est allé ce matin sur un parking d’un commerce en face à Valmy pour aller livrer une commande sur un parking. On passe livrer sur un parking un produit de santé alors que ce même client peut rentrer cinq minutes après dans la galerie acheter son chocolat ou son café. On est dans le délire."
Cet opticien espère que le gouvernement va revenir sur sa décision concernant les commerces "médicaux". "On ne change pas de lunettes parce qu’on a que l’envie de changer de lunettes. Il y a un besoin médical derrière", souligne-t-il. "Et le fait qu’on soit situé dans un centre commercial, on pénalise les clients et les patients qui ont déjà commandés chez nous dans les quinze derniers jours."
Trois confinements, trois modes opératoires
Depuis le premier confinement, les opticiens n'ont jamais été logés à la même enseigne. Ils ont été fermés puis un site d'urgence avait été mis en place par les magasins d'optique pour assurer un service minimum. "On a vécu un premier confinement où l'on a mis en place un service d’urgence. On se rendait chez les gens qui avaient cassé leur lunette. On s’est vraiment mobilisé mais très clairement cela nous a coûté très cher" explique Philippe Guillou.
Durant le deuxième confinement, les "commerces de détail d'optique" pouvaient rester ouverts. Mais depuis ce matin, ceux situés dans les centre commerciaux de plus de 20.000 m2 doivent refermer leurs portes pour une durée indéterminée. "D’un seul coup, il n’y a pas plus la notion de commerce essentiel mais nous la particularité de notre métier, c’est que l’on a une commande à un instant T ," explique Nicolas Desprets. "C’est de la fabrication, ce n’est pas de la vente directe, il n’y a pas de stock."
Nicolas Desprets ne comprend pas cette décision du gouvernement, d'autant plus que depuis le mois de mai, il a mis en place un protocole sanitaire strict dans son magasin. "Depuis mai, on reçoit 90% de nos clients sur rendez-vous. Tout est jaugé, on a un carnet de rendez-vous. Et là, compte tenu de la spécificité de notre activité, on ne peut pas livrer. C’est compliqué."
Des salariés en chômage partiel
Pour les deux opticiens, cette fermeture administrative leur demande de revoir la réorganisation de leur effectif. Philippe Guillou dispose d'une quinzaine de salariés sur son magasin situé à la Toison d'or. Il compte en redéployer une partie sur son magasin du centre-ville. "On va jusqu'à mercredi rester en équipe complète du fait de l’inertie. Mais après, on va se retrouver coincer. On va avoir une dizaine de personnes en chômage partiel hélas."
Si pour le moment l'activité ne manque pas, se pose la question de l'après. "Pour l’instant, on a l’inertie, on va avoir toutes les commandes de la semaine passée à réaliser cette semaine. On a 50% des effectifs en chômage partiel pour absorber le flux" explique Nicolas Desprets. "A la réouverture, tout le monde ne reprendra pas."
Les syndicats ont rencontré samedi dernier le ministre de l'économie Bruno le Maire pour tenter de le convaincre de revenir sur la fermeture des magasins d'optique. Mais selon Nicolas Desprets, le ministre de l'Economie est resté "ferme. Ils ne veulent plus parler de commerce essentiel ou non-essentiels. Mais on devrait plutôt parler de commerce de santé sans parler d’essentiel".