Dijon : Après 2 siècles, le "pleurant retenant ses larmes" retrouve le tombeau des Ducs de Bourgogne

Le "Pleurant retenant ses larmes" a rétrouvé samedi 11 juillet sa place au sein du Palais des Ducs de Bourgogne à Dijon (Côte d’Or). C’est l’une des 41 statuettes qui ornaient le tombeau de Philippe le Hardi. L’aboutissement d’un long périple historique et judiciaire.

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C’est une petite statuette de 42 centimètre, sculptée en albâtre. Le « Pleurant retenant ses larmes », également connu comme le Pleurant n° 17. Il s’agit de l’une des quarante-et-une statuettes en procession qui ornaient à l’origine le tombeau de Duc de Bourgogne Philippe Le Hardi.

Samedi 11 juillet, elle a été dévoilée et réinstallée au sein du musée des Beaux-Arts de Dijon, dans l'ancien palais des Ducs de Bourgogne. La fin de 7 ans de procédures judiciaires et de deux siècles loin des tombeaux.
 
 

L'histoire des Pleurants

Les quarante-et-un pleurants ont été sculptés entre 1406 et 1410 par Claus Sluter et son neveu, Claus de Werve, deux artistes au service de la cour des Ducs de Bourgogne, l'une des plus puissantes d'Europe.

Chacun des pleurants est traité comme une œuvre d’art et un chef d’œuvre à part entière.

Thomas Charenton


Pour l’époque, il s’agit d’un chef d’œuvre de finesse. « Les bas-reliefs entourant les tombeaux princiers étaient habituels à l'époque. Ce qui est remarquable sur le tombeau de Philippe le Hardi, c’est que pour la première fois, les sculptures sont traitées de manière individuelle avec une grande richesse de détails, explique Thomas Charenton, directeur adjoint des musées. Chacun des pleurants est traité comme une œuvre d’art et un chef d’œuvre à part entière. » Chacun a sa propre expression de la tristesse, du deuil ou du recueillement.
 

1793, la destruction des tombeaux

A l’origine, les Pleurants et les tombeaux de Philippe le Hardi et de son fils, Jean Sans Peur, sont installés dans la nécropole des Ducs de Bourgogne, la Chartreuse de Champmol à Dijon. Mais à la Révolution française, le monastère devient un bien national.

L’Etat qui manque d'argent décide alors de vendre le site. « On a des archives précises sur cette vente, fait valoir Thomas Charenton.  On exclut alors de la vente les tombeaux des Ducs de Bourgogne qui restent la propriété de l’Etat. Mais le nouveau propriétaire des lieux veut qu’on l’en débarrasse. » Ce sont ces documents qui justifient le retour du Pleurant n°17 à Dijon après une longue procédure judiciaire.

En 1792, les deux tombeaux et leurs pleurants sont alors déménagés et réinstallés à quelques centaines de mètres, au sein de l’Abbatiale Saint-Bénigne de Dijon qui devient cathédrale la même année. « En 1792, on sait que les 82 pleurants sont là ».  C’est notamment Nicolas Devosges, fondateur du futur musée des Beaux-arts qui réalise l’inventaire détaillé des statuettes.

L’année suivante, 1793, c’est la Terreur. La Convention donne l’ordre de détruire les symboles du despotisme. Les gisants des tombeaux sont martelés et détruits en grande partie. Mais les Pleurants sont conservés et retirés de la cathédrale.
 
 

Douze Pleurants disparaissent

C'est durant cette année 1793 que le sort du "Pleurant retenant ses larmes" et de quelques autre bascule. Dans le déménagement et la confusion de la période révolutionnaire, une douzaine de Pleurants disparait. « On n’en avait plus que 70, raconte Thomas Charenton. Les autres passent entre différentes mains. On sait que le Pleurant n°17 passe entre les mains d’un dénommé Baudot en 1811. Et en 1813, il est échangé contre d’autres biens à la famille qui en reste détentrice pendant deux siècles. »

La statuette devient alors la possession d’une famille de région parisienne. Elle est ensuite transmise de génération en génération, sans être pour autant cachée. Elle sera d’ailleurs expertisée et prêtée lors d’expositions.
 

2014, La procédure judiciaire

Deux sièces plus tard, en 2014, les 3 sœurs qui en ont désormais la possession décident de le vendre via une maison d’enchère. La société demande alors au ministère de la Culture un certificat d’exportation en vue d’une possible vente à l’étranger. Mais le ministère refuse. Surtout, il demande la restitution de l’œuvre.

Selon le ministère, malgré son passage de mains en mains, la statuette demeurait un bien national depuis la Révolution française et n’avait jamais été cédée. C’est le début d’une longue procédure judiciaire qui durera 4 ans.

En juin 2018, le Conseil d’Etat finira par juger légitime la demande de restitution formulée par l’Etat
 

3 Pleurants toujours disparus

Aujourd’hui, sur les 82 Pleurants qui ornaient les deux tombeaux des Ducs de Bourgogne, 79 sont visibles au Musée des Beaux-Arts de Dijon. Mais parmi eux, 5 sont des moulages, dont le Pleurant n°17.

A la fin de la période révolutionnaire, 12 Pleurants avaient été dénombrés manquants. Plusieurs ont été progressivement retrouvés et rachetés jusqu’au début du XXe siècle. Certains réintègrent les collections nationales via le musée du Louvre ou le musée de Cluny, musée national du Moyen-Age. Un autre est racheté par un collectionneur anglo-saxon qui en fait don au musée de Dijon.

Au milieu du XIXe siècle, 4 autres Pleurants font leur apparition sur le marché de l’Art. Mais ni la ville de Dijon, ni l’Etat ne peuvent ou ne veulent les acquérir. Ils sont finalement achetés par le musée de Cleveland aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs pour cette raison que lors de la rénovation du Musée des Beaux-Arts en 2012, les Pleurants de Jean sans Peur feront une tournée américaine, le temps des travaux, dans les musées outre-Atlantique.

Il reste 3 Pleurants dont le moulage n’a pas pu être fait. Il s’agit de deux enfants de chœur du tombeau de Philippe le Hardi et d’un « aspergeant » du tombeau de Jean sans Peur.

 
 

Et maintenant ? 

Ce retour au sein du Musée des Beaux Arts, émeut Thomas Charenton. "Ce qui est assez fort, c’est que les raisons juridiques sont dues au travail de nos prédecesseur conservateurs. C‘est parce que François Devosge en a fait l’inventaire précis en 1792 que nous le voyons revenir. Cela nous inscrit, en toute modestie, dans une contituinité et nous replace dans grandeur de notre mission. Et ce n'est pas désagréable" sourit le directeur adjoint du Musée des Beaux-Arts de Dijon. 

Le "Pleurant retenant ses larmes" ne sera pas réinstalé immédiatement autour du tombeau de Philippe le Hardi. Il est d'abord présenté durant tout l'été de manière individuelle afin de pouvoir être admiré sur toutes ses facettes. 
 

(Re)voir le reportage

Le reportage au Musée des Beaux-Arts de Dijon:
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