Dijon : comment des élèves d’Agrosup luttent contre les suicides des agriculteurs

"On a tous un rôle à jouer pour empêcher les agriculteurs de se suicider" : c’est le message que des étudiants d’Agrosup Dijon veulent faire passer. Un message destiné notamment aux futurs ingénieurs qui sont nombreux à ne pas être issus du monde agricole.
 

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Chaque jour des agriculteurs se suicident 

Apolline, Florian, Justine, Ophélie et Victor ont entre 21 et 23 ans et viennent de Côte-d’Or, du Jura, de Lorraine et de l’Aisne. Ils sont étudiants à l’école d’ingénieurs AgroSup Dijon et ont décidé de se mobiliser contre le malaise du monde agricole et les nombreux suicides qui touchent la profession.

"Le déclencheur est venu du film "Au nom de la terre", expliquent-ils.
Ce film, qui est sorti en septembre 2019, est basé sur une histoire vraie, celle du réalisateur Edouard Bergeon. Il raconte comment son père, qui était passionné par son métier d'éleveur, travaillait comme un forçat, ce qui ne l’a pas empêché de se retrouver pris au piège du surendettement. Une spirale infernale qui l’a mené au suicide. Des drames comme celui-là, il s’en produit plus d'un tous les jours en France, rappelle le film "Au nom de la terre" qui a enregistré deux millions d’entrées en quelques semaines. La Bourgogne fait partie des régions les plus durement touchées. 

"Le suicide des agriculteurs est un thème qu’on n’aborde pas en cours. En deux ans, je n’en ai pas entendu parler à Agrosup", dit Ophélie, qui est en 2e année d’agronomie. Elle-même est fille d’agriculteurs, mais ce n’est pas le cas de tous les élèves des établissements d’enseignement agricole, loin de là.

Avec Apolline, Florian, Justine et Victor, elle se lance alors dans un projet d’école très concret. Il s’agit de répondre à deux questions simples : quels sont les dispositifs qui existent pour aider les agriculteurs en difficulté et comment faire pour qu’ils ne se suicident pas ?
 

Au nom de la terre
Au nom de la terre Bande-annonce VF
 

Que répondre quand quelqu'un vous dit "Je n’en peux plus" ?


Les cinq étudiants ont commencé par mener une enquête auprès d’organismes para-agricoles (comme la MSA, les syndicats agricoles, la Chambre d’agriculture, des associations comme Solidarités Paysans, mais aussi des experts-comptables, etc).

A partir des réponses obtenues, ils ont créé un poster qui rappelle :
-les signes avant-coureurs des suicides
-les causes de ces suicides : dettes, catastrophes agricoles, agribashing, problèmes familiaux...  
-les dispositifs d’aide aux agriculteurs
-les comportements à adopter face à un agriculteur en détresse.

"Si un technicien qui vend des aliments pour les animaux va chez un agriculteur qui lui dit « Je n’en peux plus », il doit agir. Il y a des phrases simples à prononcer, comme « Je connais un dispositif qui peut t’aider et je vais t’accompagner ». Ces quelques mots peuvent parfois éviter un passage à l’acte."

Ce poster a été présenté à des élèves d’Agrosup et de BTS qui l’ont accueilli très favorablement. "Comme il a été conçu par des étudiants, ils étaient plus réceptifs."   
 



La deuxième phase de ce projet, qui est commandité par la chambre d'agriculture, aura lieu jeudi 23 janvier au Ciné Cap Vert, à Quetigny. Ce sera un ciné-débat organisé autour du film "Au nom de la Terre". Trois cents personnes participeront à cet événement : après la projection, un débat sera mené par un économiste et deux sociologues.

Les étudiants doivent en principe consacrer quatre heures par semaine à leur projet d’école. "En réalité, cela nous a demandé beaucoup plus de travail, mais cela ne nous dérange pas", concluent Ophélie, Apolline, Florian, Victor et Justine.

Après avoir rédigé un rapport, ils présenteront ensuite leur projet à l’oral, en espérant que leur travail permettra d’allumer un signal dans la tête des futurs ingénieurs et techniciens agricoles quand ils entendront un paysan dire « Je n’y arrive pas. Je n’en peux plus ». Qu’ils se souviendront alors qu’il suffit parfois de quelques mots pour sauver une vie.

 

 
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