À Dijon, la social-écologie en débat sur fond de crise des "gilets jaunes"

Martin Schulz, François Rebsamen, Stéphane Le Foll et Valérie Rabault étaient rassemblés mardi 4 décembre à Dijon pour une conférence consacrée à la social-écologie. Un thème d'actualité en pleine mobilisation des "gilets jaunes".

Sur scène, un ancien président du Parlement européen, deux anciens ministres et une ancienne vice-présidente de la commission des finances de l'Assemblée. Le thème du débat : "La social-écologie : une chance pour l'Europe ?". Et dans toutes les têtes bien sûr, le mouvement des "gilets jaunes" et la crise politique qu'il engendre.

Mardi 4 décembre 2018, l'amphithéâtre Louis de la Burgundy School of Business est rempli d'étudiants de l'école de commerce et de Sciences Po Dijon venus écouter le point de vue des quatre élus socialistes.

"Il faut qu'on arrête de jouer les intérêts de l'industrie contre les intérêts de l'environnement", entame dans un français parfait l'Allemand Martin Schulz, président du Parlement européen de 2012 à 2017. "Il faut qu'on investisse dans une autre industrie, une industrie propre du XXIe siècle, qui produit d'un côté mais qui respecte des règles environnementales de l'autre."
 

Concilier social et écologie

"Les premières victimes du réchauffement, des pesticides et plus largement de tous les problèmes environnementaux, on se rend compte que ce sont essentiellement les Français qui ont les revenus les moins élevés", rappelle la députée Valérie Rabault, ancienne vice-présidente de la commission des finances de l'Assemblée nationale. "Mettre les deux mots social et écologie sur un pied d'égalité, c'est extrêmement important. Parce que le social implique l'écologie. Et l'écologie implique le social. C'est transitif, ça va dans les deux sens. Le problème, c'est que les politiques publiques ne sont pas transitives dans beaucoup de cas."

"C'est ça la difficulté de porter le combat de la social-écologie, c'est que chacun vit dans son silo. Vous avez un ministre de l'écologie et un ministre des affaires sociales et du travail. Même si vous avez un premier ministre qui chapeaute le tout, il se trouve que l'organisation en France, chacun fonctionne dans son silo."


"Faire avancer les deux ensemble, c'est indispensable pour que ça marche, poursuit-elle. Si vous ne le faites pas, vous vous retrouvez dans la situation des "gilets jaunes" aujourd'hui."
 

Vous avez des taxes énergétiques qui ont augmenté de manière phénoménale alors même que ceux qui contribuent le plus à les payer sont ceux qui sont les plus pauvres. Donc forcément, à un moment, ça créé un craquement dans la société.


Revoir la conférence en intégralité


L'écologie est-elle de droite ou de gauche ?

"Je pense qu'il ne faut pas confondre le constat et la solution, explique la députée du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault. Le constat effectivement, c'est ni de droit ni de gauche. Le constat sur le réchauffement climatique, ce n'est pas une pensée qui relève d'une idéologie de droite ou de gauche.

En revanche, les solutions divergent radicalement. Je ne crois pas en matière de social-écologie à la main invisible qui ferait que la finance résoudrait nos objectifs de social-écologie. Il faut faire avancer les deux en même temps."


Elle ajoute : "La finance verte, ce n'est que le moyen. Si vous ne mettez pas de chef d'orchestre pour organiser cette transition énergétique, ce que les partis de droite font moins que ceux de gauche, vous arrivez  à des choses aberrantes aujourd'hui." Valérie Rabault cite par exemple un projet d'implantation d'éoliennes dans le département le moins venté de France.
 
 

Comment rendre la transition écologique acceptable fiscalement ?

"On ne peut pas pénaliser les gens qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler, parce qu'il n'y a pas de transports en commun, indique Valérie Rabault. Aujourd'hui, on fait une politique pour des salariés qui seraient devant un ordinateur."
 

Si on n'a pas une réponse adaptée à chacun et qu'on fait payer tout le monde de la même façon, on dégoûte tout le monde de la même façon.


"Vous habitez à Paris, vous achetez un pass Navigo, c'est 72 euros par mois. Si vous êtes salarié, votre employeur vous en paye la moitié, ça vous coûte 36 euros par mois. Ceux qui vivent dans les territoires ruraux ne payent pas ce montant-là. Et en plus, c'est à eux qu'on demande de payer plus."

"Sur l'impôt sur le revenu, on a inventé des tranches en fonction du revenu. Il faut faire la même chose sur la transition énergétique. Il faut qu'on sache, décile par décile de la population, qui contribue à la transition énergétique en terme de financement."
 
  
Face au recul des Etats-Unis et de la Chine sur les accords de Paris signés lors de la COP21, Martin Schulz explique qu'il faut utiliser la puissance d'une Europe unie. "Pourquoi je me bats sans arrêt pour un marché intérieur européen de l'énergie ? L'Europe ne va pas arriver aux objectifs de la conférence de Paris si chaque pays à une autre stratégie. On a besoin d'une stratégie européenne", indique-t-il.
 
"Si on continue à opposer la question sociale et la question écologique, on ouvre des brèches très puissantes à des populistes, à des nationalistes, explique le maire socialiste du Mans Stéphane Le Foll. Vous n'avez qu'à regarder ce qu'il se passe en Italie et écouter ce qu'ils disent sur la question écologique. C'est l'erreur à ne pas faire."

Il poursuit : "Si la social-écologie a un sens politique aujourd'hui, c'est parce qu'elle est capable de porter un message qui va combiner les trois performances absolument indispensables : économique, écologique et social."
 
 

Doit-on fusionner les ministères de l'économie et de l'écologie ?

"Le vrai sujet, au delà même des questions techniques de fusion [des ministères], c'est les programmes qui ne vont pas, admet Stéphane Le Foll. Les programmes sont conçus sans dimension de combinaison de performance économique, écologique et sociale. Donc quand on arrive au gouvernement, une institution comme Bercy reprend ses droits en plénitude sur les questions fiscales. Et les liens qu'on peut faire avec l'écologie ne se font pas."

Alors comment faire pour que les objectifs environnementaux pèsent dans les décisions gouvernementales ? "On a tout essayé, on mettre un ministre d'État numéro deux du gouvernement. Et puis, il n'a pas plus de pouvoir que les autres, rappelle le maire de Dijon François Rebsamen. On peut dire qu'on va lui soumettre tous les projets et on va verdir toutes les politiques et qu'en dernier recours, ce sera lui qui dira oui ou non. Mais en dernier recours, c'est toujours Bercy. Donc il faut qu'il y ait à Bercy celui qui porte le programme avec au cœur l'économie, l'écologie et le social. Sinon, on n'y arrivera pas."
 
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