La découverte est exceptionnelle. Un sabre, acquis il y a plusieurs années par un militaire retraité près de Dijon, a été identifié comme ayant appartenu à un empereur vietnamien. Il sera proposé aux enchères le 18 novembre. Mise à prix : 100 000 euros.
La lame est solide, les garnitures recouvertes d’or. Sur la garde et le pommeau, des rubis sont incrustés et des dragons gravés. Lorsqu’Emmanuel Delgado voit l’objet pour la première fois, il est stupéfait. "Tout de suite, la qualité me saute aux yeux. Je me dis : "Là, on est dans le prestige."
Acheté dans un château bourguignon
En cette fin d’année 2023, l’expert en objets militaires d’Arnay-le-Duc (Côte-d’Or) est en déplacement dans la campagne dijonnaise. Il rend visite à l’un de ses clients de longue date, un colonel à la retraite.
L’homme lui présente alors un sabre de près d’un mètre, acheté 20 ans plus tôt lors d’une vente aux enchères de mobilier de château. "Il me dit : "qu’est ce vous en pensez ?", se souvient Emmanuel Delgado. Je regarde, et là je vois des petites inscriptions sur la tranche de la garde, qui semblent être du chinois ou du mandarin."
L’expert contacte alors une traductrice, qui décrypte la phrase suivante : "Gravé pour l’empereur Minh Mang dans sa 21ème année de règne". A côté, l'indication de la masse d’or de l'épée, soit 350 grammes. "Rien que pour ça, il y en a pour plus de 25 000 euros", souffle Emmanuel Delgado.
Le sabre de Minh Mang, empereur de 1820 à 1841
Pour identifier formellement l’objet, des recherches sont entreprises en collaboration avec le Vietnam. "Grâce au nom, aux dragons et à l’or, caractéristiques de la cour impériale, on peut désormais assurer que ce sabre appartenait à Minh Mang ou à ses fils", atteste Emmanuel Delgado. L’empereur régna de 1820 à 1841 sur Annam, territoire du futur Vietnam.
"C’est une pièce unique, nous n’avons pas d’objet similaire. C’est le plus vieux sabre de cette dynastie que nous ayons retrouvé."
Emmanuel Delgado, expert en objets militaires
Depuis la guerre d’Indochine, beaucoup d’objets ont en effet disparu. Jusqu’ici, seuls des sabres modernes étaient passés en vente. Comment une épée impériale de cette époque a-t-elle donc pu parcourir plus de 10 000 kilomètres pour se retrouver dans une propriété bourguignonne ? "On n’en a absolument aucune idée, concède Emmanuel Delgado. On a d’abord pensé à un cadeau diplomatique, puis on a écarté l’hypothèse. Mais comme le Vietnam a ensuite été occupé par la France, on peut tout imaginer…"
Nombreuses offres
Longtemps resté rangé, le sabre est désormais protégé. Il est conservé dans un coffre en attendant d’être exposé à Paris, près de l’hôtel Drouot, du 4 au 6 novembre prochains. L’ambassadeur du Vietnam a déjà fait savoir qu’il se déplacerait.
Quant au propriétaire, il est sous le choc. "Quand il l’a acheté, le sabre était noir de suie, comme s’il était resté trop longtemps posé sur une cheminée", assure Emmanuel Delgado.
"Il ne l’a vraiment pas payé cher à l’époque, il ne savait même pas qu’il était en or !"
Emmanuel Delgado, expert en objets militaires
Face aux d’ores et déjà nombreuses propositions d’achat, il a donc décidé de s’en séparer. Le sabre sera proposé aux enchères d’Adam’s, à Dublin, le 18 novembre. Celui qui ne soupçonnait pas sa valeur pourrait bien repartir avec une belle somme : le prix de départ est fixé à 100 000 euros.