La consigne des bouteilles en plastique, "une arnaque intellectuelle" ? Pourquoi elle provoque une levée de boucliers

Remise en consultation en janvier 2023 par le gouvernement, la consigne des bouteilles en plastique mécontente beaucoup d'élus locaux. 39 intercommunalités et syndicats de Bourgogne-Franche-Comté ont signé et transmis au préfet de région une position commune contre ce projet. Opposant 14 propositions alternatives à ce "système aux effets pervers".

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Payer plus cher ses bouteilles en plastique, et récupérer une partie de leur prix une fois retournées à la consigne ? L'idée avait été écartée en 2020 par les sénateurs et les collectivités dans l'étude de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec). Mais elle est revenue sur le devant de la scène au travers d'une consultation lancée par le gouvernement en janvier 2023.

De nombreuses intercommunalités et syndicats de communes s'opposent à ce projet. Sébastien Martin, Président du Grand Chalon (Saône-et-Loire) et de l'association Intercommunalités de France appelle à un front uni contre la "fausse consigne". Ils sont 39 communautés de communes et syndicats de Bourgogne-Franche-Comté à avoir signé la position commune qui a été envoyée au préfet de région ce vendredi 5 mai.

C'est une arnaque intellectuelle, une "fausse consigne". La chaîne de recyclage sera la même qu'actuellement.

Florian Paquet, vice-Président de la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon

Une "fausse solution" contre la pollution plastique?

L'objectif européen, repris par la France, est de collecter 90% des bouteilles plastique à l'horizon 2030.

La consigne, à première vue, peut donc paraître attrayante. Mais à mieux y regarder, elle ne semble pas proposer de solution au problème de la pollution par le plastique. L'Allemagne, par exemple, qui l'a mise en place il y a plusieurs années, collecte près de 98% des bouteilles. Mais en contrepartie, sa production de plastique a depuis augmenté de près de 30%.

En France, les bouteilles en plastique représentent moins de 1% des déchets ménagers, et elles sont actuellement collectées et recyclées à près de 70% par les services locaux chez les particuliers. Certaines régions comme la Bourgogne-Franche-Comté dépassent même les 80% de collecte.

En revanche, en dehors de nos foyers, en entreprise, dans les lieux publics ou de loisir par exemple, le pourcentage de bouteilles traitées n'est plus que de 10%. Et sur ce point, la consigne ne serait pas efficace selon ses détracteurs, puisque les points de collecte seraient sur les parkings des grandes surfaces.

Les élus estiment qu'il faut concentrer les efforts sur ces derniers cas de figure, plutôt que dans le contexte ménager. "Le service public des déchets fonctionne très bien en France, les collectivités ont les possibilités de bien faire. Le véritable défi, c'est de récupérer les déchets plastique hors foyer" soulignait Florian Paquet, le vice-président de la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon ce mardi matin à France Bleu Bourgogne.

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{} ©France Bleu Bourgogne

La mise en place d'un second circuit de traitement présenterait une nouvelle source de pollution, pour la collecte et le retraitement. Ce qui ne correspond pas aux engagements nationaux d'économie d'énergie et d'émission de gaz à effets de serre. De plus, les opposants à la consigne de la bouteille plastique soulèvent qu'il est nécessaire de mettre en place des usages alternatifs, la réutilisation notamment. La solution actuellement proposée risque de "verdir" l'image de la bouteille en plastique et de déculpabiliser leur utilisation.

La consigne signifierait un surcoût pour les consommateurs et un manque à gagner pour les collectivités.

Catherine Castaing, UFC-Que Choisir de Saône-et-Loire

Au-delà des considérations écologiques, les élus, ainsi que l'UFC que Choisir, craignent que cette stratégie finisse par coûter très cher à tout le monde, et cela au profit des industries qui vendent leur bien en bouteille plastique.

"Les consommateurs paieraient quelques dizaines de centimes d'euro supllémentaires par bouteille, et n'en récupèreraient qu'une partie une fois celle-ci ramenée à la consigne" explique Catherine Castaing de l'UFC Que Choisir de Saône-et-Loire. Les consommateurs financeraient donc les points de consigne tout en continuant de payer un service de ramassage pour les autres déchets.

"Les collectivités ont beaucoup investi dans leur service de collecte sélective. La revente aux entreprises de recyclage de la matière collectée leur permet de financer les services", analyse Catherine Castaing, "Si on leur enlève la collecte des bouteilles plastique, les collectivités devront augmenter leur tarifs pour continuer d'assurer les levées".

C'est du business, les metteurs en marché veulent remettre la main sur le plastique parce que ça a de la valeur

Florian Paquet, vice-Président de la COVETI

C'est une autre critique que font les élus et les associations de consommateurs à la démarche de consultation ouverte par l'État. Tous soupçonnent les industries de vendeurs de bien en bouteille de faire pression pour obtenir de nombreux avantages. Le premier est de récupérer la matière plastique actuellement collectée par les collectivités dont la revente s'élèverait à 150 millions d'€ par an. Le second de ne plus avoir à payer l'écocontribution au titre de la Responsabilité Élargie des Producteurs emballages d'une valeur de 170 millions d'€ par an. Si on y rajoute les 400 millions d'€ hypothétiques de consignation, les syndicats de collectivités dénoncent un gain potentiel de plus de 700 millions d'€ pour les metteurs en marché au détriment du contribuable et des collectivités.

Pour le contribuable et pour les consommateurs, ce n'est pas défendable

Florian Paquet, vice-Président de la COVETI

"Ce qu'on voit, c'est des grands metteurs en marché qui vont s'approprier un bien de valeur, une confiscation au détriment des petits marchés" affirme Jean-François Jaunet, vice-Président de la communauté urbaine Creusot Montceau en charge des déchets.

14 contre-propositions avancées

Mais s'opposer n'est pas suffisant pour les élus, leur volonté est de participer au respect des engagements pris par la France en matière d'économie circulaire et de lutte contre la pollution plastique.

Ils ont donc fait 14 contre-propositions concrètes. Parmi elles figurent des actions de réduction des bouteilles plastiques par deux d'ici 2030, et une grande mobilisation nationale sur le tri, notamment en entreprise et dans les lieux hors foyer. Ils proposent aussi des améliorations juridiques et de procédure sur les collectes et les retraitements.

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