La bâtisse est connue des Auxonnais depuis toujours. Située sur la Place d’Armes, à l’angle de la rue Carnot, la maison s’élève sur 4 étages. Prévue pour être transformée en une auberge collective, certains pensionnaires sont déjà là : plus de 1200 chauve-souris vont être scrupuleusement protégées pour la suite des travaux de transformation.
C'est un projet immobilier insolite qui met en relation beaucoup d'interlocuteurs, mais avec en ligne de mire la préservation d'une espèce protégée de chauves-souris : les grands murins.
Un projet d'hébergements sur Auxonne
Le projet prévoit de transformer la maison de 4 étages en une auberge collective, une nouvelle catégorie d’hébergement touristique. D'une capacité de 15 personnes et de 5 chambres, cette auberge permettra à Auxonne d'accueillir de nouveaux touristes.
Il y a toutefois une petite précaution à prendre : la maison est déjà occupée... du moins, son grenier. 1200 à 1500 grands murins y résident. Soit la plus grande colonie de chauve-souris de Côte-d'Or !
Il faut dire que cette espèce, protégée depuis 1981, affectionne la zone sur Auxonne. Le porteur du projet, un investisseur privé, ainsi que ses intermédiaires, sont particulièrement concernés par la préservation des combles pour l'hébergement de cette espèce.
Le maire d'Auxonne, Jacques-François Coiquil (DVC), ne cache pas son enthousiasme pour le projet. "C'est une très bonne nouvelle pour Auxonne, ça montre qu'il y a un atout sur la ville. Allier cela avec une préservation des chauves-souris qui sont déjà présentes, c'est assez insolite et plutôt sympa. Et lier un hébergement collectif dans un bâtiment qui est au cœur de ville, je trouve cela très vertueux !"
Auxonne, zone Natura 2000
Catherine Bresson, animatrice Natura 2000 et chiroptérologue, connaît bien la colonie qui niche à Auxonne : "le grand murin est une espèce protégée qui a un statut particulier. C'est une espèce d'intérêt communautaire, en lien avec Natura 2000. La ville d'Auxonne est un site Natura 2000, il y a des petites portions sur la Côte-d'Or qui sont dédiées aux chauves-souris, notamment sur la vallée de la Saône."
Carte Natura 2000 au titre de la Directive Habitats
L'espèce a donc besoin d'être respectée, et son cycle de reproduction dicte le calendrier des travaux où les chiroptères peuvent être dérangés : "Les chauves-souris viennent de sortir de leur période d'hibernation. Les femelles vont regagner leur gîte de mise bas au cours du mois de mai, les naissances vont avoir lieu au cours du mois de juin. Les travaux dans les habitats sont plutôt proposés en période automnale, lorsque tout le monde est parti."
Une des plus grandes colonies de Côte-d'Or
Gérald Fayolle est responsable de la démarche conservatoire des plaines alluviales de la Saône et du Doubs, à l'EPTB Saône-Doubs. Bien qu'il ne soit pas en lien directement avec le dossier de réhabilitation à Auxonne, il nous confirme l'effectif important de la colonie abritée dans la bâtisse : "on avoisine les 1200 individus. C'est une colonie que l'on suit depuis quelques années. Un animateur Natura 2000 entretient le grenier, à savoir effectuer le comptage de la colonie et nettoyer le grenier régulièrement. C'est la colonie-phare du secteur qu'on souhaite préserver. Il y a déjà une étude qui a été faite sur le comportement de ces chiroptères. Le grenier est en deux parties, la colonie niche dans une des extrémités, la plus petite, mais elle emprunte le grenier voisin pour sortir du bâtiment. "
Autre garantie de la protection de l'espèce, un outil notarié, l'ORE (obligations réelles environnementales), qui permet au propriétaire de mettre en place une protection environnementale sur un bien.
Gérald Fayolle détaille l'avantage de ce dispositif : "la gestion du bien peut être confiée à un établissement public, une collectivité. Là, la gestion du grenier a été confiée à l'EPTB (établissement public territorial Saône-Doubs) de façon à assurer l'entretien et la préservation de cette colonie. L'ORE s'effectue souvent sur du foncier, un espace naturel boisé par exemple, et on peut demander à un gestionnaire privé à l'entretenir mais il y a des prescriptions. Le propriétaire doit les respecter, comme ici les périodes de reproduction pour ne pas déranger les chauves-souris."
Gérald Fayolle s'enthousiasme au sujet du dispositif ORE : "Là où cet outil est fort, pour nous gestionnaires des espaces naturels, c'est qu'il peut aller jusqu'à 99 ans. En l'occurrence, c'est le cas du grenier de la maison à Auxonne, et il porte sur le foncier et pas sur le nom propre du propriétaire. En cas de cession, l'ORE et ses prescriptions sont toujours valides, tout le temps du dispositif."
Le dossier de réhabilitation de la maison est en cours d'instruction. Les travaux pourraient démarrer d'ici l'automne 2024.