Dans la nuit de mardi 15 à mercredi 16 mars, 95 chauves-souris ont été relâchées dans la commune de Decize (Nièvre). Elles avaient été recueillies par l'Hôpital Faune Sauvage, dans le Cher, après avoir été délogées des arbres dans lesquels elles hibernaient.
Dans la Nièvre, ce n'est pas un spectacle que l'on voit toutes les nuits. Entre mardi 15 et mercredi 16 mars, 95 chauves-souris ont été relâchées dans la commune de Decize.
Deux colonies ont été recueillies à un mois d'intervalle, les 7 février et 7 mars. Alors en hibernation, elles ont été délogées au cours de l'abattage de l'allée de platanes dans laquelle elles avaient élu domicile. Pour Amélie Chrétien, chiroptérologue au muséum d'histoire naturelle de Bourges, pas question de les laisser seules dans la nature.
"Lorsqu’il y a un dérangement pendant l’hiver, le principal problème, c’est que les chauves-souris vont se réveiller, s’envoler, mais qu’elles n’auront rien à manger", précise-t-elle. "Toutes les chauves-souris en France sont insectivores, mais en hiver, il n'y a pas d'insectes. L'absence de nourriture, c'est le principal problème."
Des médecins aux petits soins avec leurs patients
De la nourriture, ces noctules sauvages ne risquaient pas d'en manquer à l'Hôpital de la Faune Sauvage (Cher). Avant d'être à nouveau placées en hibernation, elles ont été nourries et soignées.
"Quand elles sont arrivées, ces chauves-souris ont d'abord été auscultées, pesées, sexées", énumère Fanny Villain, co-responsable de l'établissement. "Le but a été de les remettre en hibernation le plus vite possible, pour les plus costauds. Les petites ont eu des rations supplémentaires avant de se rendormir."
Avec l'augmentation des températures, les petits mammifères vont se réveiller. Le risque étant qu'ils paniquent et se blessent, comme ils ne se trouvent plus dans leur habitat naturel. "Il faut les relâcher le plus vite possible", confirme Fanny Villain.
Réveillées par les tronçonneuses
Les chauves-souris dormaient paisiblement dans l'année des platanes de Decize... jusqu'à ce que les arbres soient abattus. Officiellement, la mairie a invoqué l'urgence de mettre la promenade en sécurité. Pourtant, selon Juliette Riboli, bénévole à la Société d'histoire naturelle d'Autun, cette opération représente une atteinte à la loi.
"Bien sûr qu'on pouvait se douter qu'il y avait des chauves-souris !", s'insurge-t-elle. "Les arbres creux sont des arbres 'gîtes', qui accueillent potentiellement des espèces. Dès qu'on abat un arbre, il faut faire une étude sévère, approfondie et bien en amont de la prise de de décision de l'abattage. C'est sûrement là que ça a péché : prise de décision trop rapide et/ou étude trop succincte."
Ça aurait été une espèce mignonne, comme les bébés phoques ou les loutres, tout le monde se serait mobilisé. Mais là forcément, ce sont des chauves-souris, et elles ont toujours la même mauvaise réputation.
Juliette Riboli, bénévole à la Société d'histoire naturelle d'Autun
Pour rappel, les noctules communes sont une espèce protégée. Elles sont également concernées par un plan national d'action. Il s'agit d'un dispositif qui intervient en complément de la réglementation sur les espèces protégées, afin d'assurer la bonne conservation de la population d'une espèce.
La mairie a précisé disposer de toutes les autorisations des services de l'État pour mener le chantier d'abattage. Une procédure judiciaire a cependant été lancée, afin de vérifier si la réglementation avait été respectée.
"La destruction directe de la noctule commune est interdite, la perturbation de son habitat également", indique Cyril Sénéchal, inspecteur de l'environnement à la Office français de la biodiversité. "Si des destructions de l’habitat doivent être effectuées, ça s'accompagne nécessairement d'une étude d'impact."
De leur côté, les chauves-souris vont se remettre à la recherche d'un abri dans les arbres restants. Si elles n'y parviennent pas, elles pourraient quitter les lieux pour trouver un environnement plus favorable.