Pièce autour du féminicide : polémique après l'interdiction de faire jouer des enfants, la préfecture de Côte-d'Or accusée de "censure"

La représentation d'une pièce d'une compagnie belge a dû être annulée en décembre dernier à Dijon, en Côte-d'Or. En cause, la figuration d'enfants dans la représentation, qui aborde la question des violences sexuelles et des féminicides. La trame du spectacle a été jugée "particulièrement mortifère" par la préfecture.

C'est un spectacle qui aurait dû être joué à Dijon le 21 décembre dernier. L'œuvre, baptisée Il n'y a rien dans ma vie qui montre que je suis moche intérieurement, a été interdite de représentation par la préfecture de Côte-d'Or pour la deuxième fois. En cause, la participation de sept enfants âgés de 9 à 12 ans pour la représentation. Le spectacle est proposé par la compagnie belge Gare centrale. 

"Une trame de la pièce particulièrement mortifère" qui contient "une atmosphère particulièrement sinistre", justifie la préfecture dans son courrier adressé à l'Association bourguignonne culturelle, en charge de la venue du spectacle à Dijon. Un spectacle notamment mis en scène et interprêté par la comédienne belge Agnès Limbos,  À travers la représentation d'un corps inanimé sur scène à l'arrivée des spectateurs, la comédienne et metteuse en scène Agnès Limbos évoque, grâce à des objets, la question des violences sexuelles et des féminicides. Les filles mineures concernées y font de courtes apparitions. Elles changent à chaque lieu de représentation. 

"Le spectacle est indiqué dans le dossier communiqué de "tout public à partir de 14 ans". Il apparaît donc incohérent que les mineures employées, âgées de 9 à 12 ans, puissent y être parties prenantes", détaille la préfecture de Côte-d'Or. 

Dans les professions du spectacle, le travail des enfants est soumis à une autorisation déposée à la préfecture. Celle-ci est étudiée par une commission présidée par un magistrat "chargé des fonctions de juge des enfants", indique cette dernière.

Une décision perçue comme une "censure insidieuse" pour l'observatoire de la liberté de création, qui s'est emparé du sujet.

"Cela n'a jamais posé de problèmes"

Le spectacle, interprété depuis 2021, a déjà été joué dans différents pays, y compris en France. La compagnie indique avoir déjà réalisé une quarantaine de représentations. "Cela n'a jamais posé de problème, même si la France est particulièrement stricte par rapport au travail des enfants", souligne Agnès Limbos.

On a le sentiment d'un vent de puritanisme. Cela a remué beaucoup de questions sur le milieu du théâtre à Bruxelles, sur ce que l'on peut mettre en scène, sur la place de la violence.

Agnès Limbos

Comédienne et metteuse en scène du spectacle

"À chaque représentation que l'on réalise, le théâtre recrute des enfants pour la représentation. On envoie un protocole, on demande l'autorisation des parents, on fournit une vidéo pour qu'elles voient ce qu'elles feront, explique la comédienne. Le premier jour, il y a trois heures de répétition avec elle, on échange sur la pièce, elles peuvent poser toutes les questions qu'elles souhaitent".

"La violence n'est jamais directe"

"La violence n’est jamais directe, elle est toujours suggérée [...] Des doigts agités dans une baignoire de poupée font comprendre un meurtre domestique. Le viol est mimé d’une manière qui n’a rien de réaliste", souligne L'observatoire de la liberté de création. [Les filles] sont préparées et accompagnées par une troupe qui, depuis plusieurs décennies, a l’habitude de s’adresser aux enfants." 

Alors qu'une première demande avait été refusée en 2022, Agnès Lambos indique avoir rencontré le secrétaire général de la préfecture en janvier 2023. "Il m'avait dit : si vous revenez et que vous faites la demande, il n'y aura pas de problème", raconte la comédienne. Une nouvelle représentation avait été programmée au théâtre des Feuillants, à Dijon, avant d'être annulée. 

"Cette décision défavorable porte uniquement sur l'emploi d'enfants mineurs au titre du code du travail, non pas sur la représentation en elle-même", rappelle la préfecture. 

"Aboutir" pour pouvoir se produire à Dijon

L'observatoire de liberté de création, partenaire de la Ligue des droits de l'homme, a écrit une lettre au préfet du département. Il a demandé une nouvelle rencontre entre les deux parties, et a choisi de solliciter les médias début février. Contactée, la préfecture indique simplement "avoir répondu". Une "simple fin de non-recevoir", réagit l'observatoire. L'autorité y confirme avoir agi "sur autorité conforme de la comission". Elle ne propose pas de nouvelle rencontre. Agnès Limbos espère quant à elle "aboutir" pour pouvoir se produire à Dijon. 

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