À Saint-Philibert, un collectif de riverains manifestait ce dimanche pour réclamer l'arrêt du chantier de la future Compostière de Bourgogne. Les habitants craignent le bruit, l'odeur et les risques environnementaux qu'entraînerait l'activité, à quelques centaines de mètres des premières maisons.
Tout le monde s'accorde à le dire : faire son propre compost, c'est écolo, c'est ludique, c'est dans l'air du temps. Mais lorsqu'une entreprise décide d'installer une compostière à quelques centaines de mètres des habitations, la pilule est plus difficile à avaler. À Saint-Philibert, près de Gevrey-Chambertin, les travaux de la Compostière de Bourgogne ont commencé au début de l'année 2022. Les riverains ne l'entendent pas de cette oreille, les entrepreneurs de leur côté se défendent de tout abus.
Le bruit et l'odeur
Le long d'une petite route qui file en ligne droite entre l'autoroute et le village, le site de la compostière n'est pas encore terminé. On y aperçoit déjà des amas de branchages près d'un hangar, qui servait auparavant à abriter des chevaux. C'est ici qu'une petite centaine d'habitants s'est réunie ce dimanche, à l'appel de la municipalité, qui est vent debout contre le projet.
"Il faut que le compostage se fasse, c'est une pratique tout à fait reconnue. Par contre, qu'elle se fasse à nos portes, ça on ne l'accepte pas", déclare le maire de Saint-Philibert, Hubert Poullot (divers droite). Il dit craindre "des problèmes d'accès avec un va-et-vient de poids-lourds, des nuisances olfactives et sonores, puisqu'il y aura un broyeur sur place."
"On ne sait pas s'il y a un cadre légal et autorisé"
Problème : si le terrain est situé tout près des habitations, il appartient au cadastre de Gevrey-Chambertin. Sur le papier, la commune de Saint-Philibert n'a donc pas son mot à dire. Alors pour tenter de faire annuler le chantier, un collectif de riverains s'est organisé, avec le soutien de la mairie. Michel Mugnier, en veste bleue, nous montre sa maison, "à 300 mètres du chantier". Habitant de Saint-Philibert depuis 40 ans, il se plaint notamment du passage à venir des camions sur cette départementale étroite : "c'est hyper dangereux", plaide-t-il.
Parmi les autres riverains inquiets, il y a les deux voisins Eric et Jérémy, dont les enfants "jouent dehors tout près du terrain" et dont les maisons font partie des plus proches de la compostière. "On sait qu'il y a des risques, mais on ne sait pas si ces risques sont maîtrisés, s'il y a un cadre légal", déplore Jérémy qui, outre les "mauvaises odeurs", dit craindre les risques de pollution et d'incendie. "Il y a une ligne à haute tension, une rivière derrière. On ne sait pas si ça a été étudié et autorisé."
Un manque de clarté lié à la non-validation du permis de construire, selon le maire Hubert Poullot : "Aucun permis de construire n'a été accordé, c'est une violation des règles d'urbanisme."
"Tout sera respecté à la lettre", promettent les entrepreneurs
Cette absence de permis de construire, l'entreprise ne la conteste pas, mais affirme être dans le respect du droit. "La mairie de Gevrey nous prête un terrain qu'il faut libérer dans moins de deux mois. C'est pour cela qu'on a avancé les travaux ici", explique Eric Perraud, l'un des trois associés de la compostière. "Oui, on s'est peut-être permis de s'avancer, mais on a pas changé l'altimétrie du champ, on a rien construit, simplement terrassé."
Les inquiétudes des riverains ? "Elles sont légitimes, je suis d'accord." Eric Perraud tient à rassurer. Sur l'odeur d'abord : "On a des tas de fermentation sur notre autre site (qui doit être libéré bientôt), et il n'y a pas de problèmes d'odeurs. Il n'y a pas de station d'épuration, pas de restes de repas : c'est de la décomposition végétale avec du fumier."
Le bruit, ensuite : "Le broyeur fera moins de bruit que l'autoroute qui est juste à côté", promet-il. Le risque d'incendie et de pollution ? "Nous avons l'accord de RTE (réseau électrique) et du SDIS (pompiers). Tout est validé. Pour la rivière, la police des eaux nous suit aussi. Il y aura des bassins de décantation. Tout sera respecté à la lettre", assure l'entrepreneur.
Pourquoi ne pas avoir choisi un terrain plus éloigné des maisons ? "On ne peut pas se permettre d'acheter un champ à 40 euros du mètre carré. Et pour trouver un terrain à vendre sur Gevrey, je vous souhaite bonne chance !"
Les trois associés plaident aussi l'utilité de leur projet : recycler les sarments de vigne pour les transformer en terreau, alors qu'ils sont habituellement brûlés. À Saint-Philibert, un conseil municipal extraordinaire est prévu ce lundi sur la question de la Compostière.