La Côte-d'Or est l'un des départements qui compte le plus de démission de maires ces dernières années. Entre lassitude et burn-out, ils sont une quinzaine à avoir quitté leur poste. C'est le cas de Maurice Frachisse, ancien maire du village de Barjon, durant quelques mois en 2020.
Au nord-est de la Côte-d'Or se trouve Barjon, un petit village de 40 habitants. Maurice Frachisse a été le maire de cette commune de mai à décembre 2020. Il a vécu six mois compliqués, avant de démissionner. “Si on a systématiquement des écueils pour avancer, on coule. Moi, j’ai décidé de ne pas couler, de changer de direction. J’ai vu le récif et je suis parti."
Le récif, c'est une opposition d'habitants de taille. Novice en politique, le maire est vite lâché par sa première adjointe. Il a une cinquantaine de projets pour le village, mais aucun n’aboutit. L’opposition refuse toute proposition, et l’édile se retrouve esseulé. "Ce n'est pas à mon âge que je vais me battre. Une ligue s’est formée contre moi, on m’a traité de dictateur. Quand vous êtes tout seul dans un conseil municipal où il reste cinq personnes, vous faites quoi ? C’est trop de pression pour peu de choses.”
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Des mails avec des reproches... et des incivilités
De ses six mois passés à la tête du village, Maurice Frachisse en a conservé tous les documents. Lorsqu'on lui demande quels souvenirs cela évoque pour lui, la réponse fuse : "des souvenirs de merde". Il vit sa démission comme un soulagement, tant l'ancien maire est excédé par les critiques de ses administrés. "J’ai eu 50 kilos de papier en six mois. J’ai postulé à être maire parce que j’avais le temps, j’étais à la retraite, mais je n'ai pas fait ça pour être enquiquiné toutes les cinq minutes."
“Il est 5h30 ce matin, je pars à Paris, pas d’eau, pas de douche.. Lamentable… Votre gestion de la commune est en dessous de tout", lit-il sur un mail qu'il a conservé. "Mais je n'y pouvais rien, j’avais averti tout le monde qu’il y avait une pénurie d’eau et qu'on attendait avec impatience le nouveau forage."
Je recevais des plaintes, mais c’était n’importe quoi, et avec des incivilités. Quoiqu’il se passait, c’était de ma faute.
Maurice FrachisseAncien maire de Barjon
"Certains s'enferment dans la solitude"
Ludovic Rochette est président de l'Association des Maires de Côte-d'Or. En deux ans, il a vu une quinzaine de maires démissionner dans le département. "Un maire sur dix n’a pas fini son mandat entre 2014 et 2020. Aujourd’hui, on est en avance sur ces chiffres. On a eu du mal à former dans les années covid, il a manqué une formation plus humaine. 150 maires de Côte-d'Or ont été formés pour la gestion des conflits mais ça ne devrait pas être la priorité, ce n'est pas normal", explique-t-il.
Ce sont des gens qui ont très mal vécu leur expérience d’élus et qui ont encore des séquelles.
Ludovic RochettePrésident de l'Association des Maires de Côte-d'Or
Selon lui, certains maires ont également leur part de responsabilité dans leurs échecs. "Il y a des élus qui cherchent de l’aide et puis certains s’enferment dans une solitude, peut-être par pudeur ou par peur d’être jugé. L’enjeu c’est que les maires se sentent soutenus, et qu’on les accompagne pour qu’en 2026, on ait toujours autant de candidats."
- Avec Corentin Fouchard et Romain Liboz